Métrique en Ligne
BAN_3/BAN167
Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
L'ATTRAIT DU GOUFFRE
Oh ! Que me voulez-vous, lueurs vertigineuses ? 6+6 a
Divin silence, attrait du néant, laisse-moi ! 6+6 b
Ainsi la mer, songeant par les nuits lumineuses, 6+6 a
Me faisait tressaillir de tendresse et d'effroi. 6+6 b
5 Ces yeux où les chansons des sirènes soupirent, 6+6 a
Océans éperdus, gouffres inapaisés, 6+6 b
Bleus firmaments où rien ne doit vivre, m'inspirent 6+6 a
La haine de la joie et l'oubli des baisers. 6+6 b
Les yeux pensifs, les yeux de cette charmeresse 6+6 a
10 Sont faits d'un pur aimant dont le pouvoir fatal 6+6 b
Communique une chaste et merveilleuse ivresse 6+6 a
Et ce mal effréné, la soif de l'idéal. 6+6 b
Ils ne s'abritent pas, solitudes sans voiles, 6+6 a
Sous des cils baignés d'or et sous de fiers sourcils ; 6+6 b
15 Ondes où vont mourir les flèches des étoiles, 6+6 a
Rien ne cache au regard leur mirage indécis. 6+6 b
Ce sont les lacs sans borne où s'égare mon âme ; 6+6 a
Leur azur éthéré, vaste et silencieux, 6+6 b
Saphir terrible et doux, sans lumière et sans flamme, 6+6 a
20 Vole sa transparence à d'ineffables cieux. 6+6 b
Je sais que ce désert plein de mélancolie 6+6 a
Engloutit mon courage en vain ressuscité, 6+6 b
Et que je ne peux pas, sans trouver la folie, 6+6 a
Chercher ta perle, amour ! Dans cette immensité. 6+6 b
25 L'éblouissement clair de ces froides prunelles 6+6 a
Où le féroce ennui voudrait à son loisir 6+6 b
Savourer le poison des langueurs éternelles 6+6 a
M'enchante et me ravit dans un vague désir. 6+6 b
Il n'est plus temps de fuir, laisse toute espérance ! 6+6 a
30 Ils m'ont appris, ces flots aux cruelles pâleurs, 6+6 b
Les voluptés du calme et de l'indifférence, 6+6 a
Et l'extase a tari la source de mes pleurs. 6+6 b
L'abîme où, sans retour, mon rêve s'embarrasse, 6+6 a
Semble immobile ; mais je le sens tournoyer. 6+6 b
35 Comme une lèvre humide, il m'attire et m'embrasse, 6+6 a
Et ma lâche raison frémit de s'y noyer. 6+6 b
Eh bien, je poursuivrai mon destin misérable : 6+6 a
Par-delà le fini, par-delà le réel, 6+6 b
Je veux boire à longs traits cette angoisse adorable 6+6 a
40 Et souffrir les ennuis de ce bonheur mortel. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
logo du CRISCO logo de l'université