Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAN_3/BAN137
Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
HÉSIODE
Quand la terre encor jeune était à son aurore, 6+6 a
Par-delà ces amas de siècles que dévore 6+6 a
Dans l'espace infini le temps, ce noir vautour, 6+6 b
À l'époque où j'étais rapsode en Grèce, un jour 6+6 b
5 Je quittais, plein de joie, un bourg de Thessalie. 6+6 a
Là, jeune homme frivole en proie à ma folie, 6+6 a
Ayant cherché l'abri verdoyant d'un laurier, 6+6 b
J'avais célébré Cypre et l'amour meurtrier 6+6 b
Que Zeus devant son trône un jour vit apparaître 6+6 a
10 Triomphant. Mais au lieu de montrer que ce maître 6+6 a
Des hommes exista dès le commencement, 6+6 b
Après le noir chaos, le tartare fumant 6+6 b
Et la terre profonde à la large poitrine, 6+6 a
Même avant l'éther vaste et la vague marine, 6+6 a
15 J'avais feint, pour mieux plaire aux laboureurs grossiers, 6+6 b
Que, doux enfant, exempt d'appétits carnassiers, 6+6 b
Ignoré d'Échidna sanglante et des Furies, 6+6 a
Il fût né de Cypris en des îles fleuries. 6+6 a
Les vierges, les vieillards devant leur porte assis 6+6 b
20 Étaient vite accourus en foule à mes récits, 6+6 b
Et le pain et le vin ne m'avaient pas fait faute. 6+6 a
Or je partais chargé des présents de mon hôte, 6+6 a
Et sous les oliviers, parmi les chemins verts, 6+6 b
J'allais d'un pas rapide, orgueilleux de mes vers. 6+6 b
25 Comme j'étais entré dans la forêt qui grimpe 6+6 a
Mystérieusement au pied du mont Olympe, 6+6 a
Je vis auprès de moi, debout sur un talus, 6+6 b
Un homme fier, pareil aux géants chevelus 6+6 b
Que la terre enfanta dans sa force première. 6+6 a
30 Son visage était pâle et baigné de lumière. 6+6 a
Il touchait de la tête aux chênes murmurants ; 6+6 b
À l'entour, dans les rocs penchés sur les torrents, 6+6 b
Les noirs rameaux touffus, en écoutant son ode, 6+6 a
Frissonnaient, et c'était le chanteur Hésiode. 6+6 a
35 Les âges à venir, pour nos regards voilés, 6+6 b
Pensifs, se reflétaient dans ses yeux étoilés ; 6+6 b
Les tigres lui léchaient les pieds dans leur délire, 6+6 a
Et les aigles volaient près de sa grande lyre. 6+6 a
Le devin se dressa dans les feuillages roux. 6+6 b
40 Il abaissa vers moi ses yeux pleins de courroux 6+6 b
Où la nuit formidable avec l'aube naissante 6+6 a
Se mêlait, et cria d'une voix menaçante 6+6 a
Qui remplissait les bois devenus radieux : 6+6 b
« Ne fais pas un jouet de l'histoire des dieux ! » 6+6 b
45 Je m'inclinai, tremblant et pâle de mon crime. 6+6 a
Il ajouta : « vois-tu la nature sublime 6+6 a
Tressaillir ? La forêt fume comme un encens. 6+6 b
Les immortels sont là sur les monts blanchissants. 6+6 b
Tais-toi. Laisse l'azur célébrer leur louange, 6+6 a
50 Passant, que ces vainqueurs ont pétri dans la fange, 6+6 a
Et qui, faible et tremblant, sans te souvenir d'eux, 6+6 b
Vas devant toi, soumis à des besoins hideux, 6+6 b
Sorti de la douleur, né pour les funérailles, 6+6 a
Et tout chargé du poids affreux de tes entrailles. » 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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