Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAN_3/BAN135
Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
LES LOUPS
Partout la neige. Au bout | du sinistre chemin 6+6 a
Que troublait seul le bruit | de ce pas surhumain, 6+6 a
C'était un bois sauvage | éclairé par la lune. 6+6 b
Pas une seule place | où la terre fût brune, 6+6 b
5 Et, pareil à ce voile | effrayant qui descend 6+6 a
Aux pieds des morts, le blanc | linceul éblouissant 6+6 a
Faisait tomber ses plis | sur les chênes énormes, 6+6 b
Et le vent furieux, | engouffré dans les ormes, 6+6 b
Entre-choquait avec | un rire convulsif 6+6 a
10 Leurs rameaux. L'exilé | farouche, au front pensif, 6+6 a
Entra dans la forêt | que l'âpre bise assiège ; 6+6 b
Son camail écarlate | incendiait la neige 6+6 b
D'un long reflet sanglant, | rose, aux lueurs d'éclair, 6+6 a
Comme si, revenu | des cieux et de l'enfer, 6+6 a
15 Ce voyageur, portant | l'infini dans son âme, 6+6 b
Au lieu d'ombre traînait | à ses pieds une flamme. 6+6 b
De ce côté des bois, | les chasseurs vont s'asseoir 6+6 a
Dans un grand carrefour | où, du matin au soir, 6+6 a
Chantent pendant l'été | de sonores fontaines. 6+6 b
20 Un sentier surplombé | par des roches hautaines 6+6 b
Y conduit. L'exilé | soucieux le suivit 6+6 a
Jusqu'à cette clairière, | et voici ce qu'il vit : 6+6 a
Un fier cheval de race | à la noble encolure, 6+6 b
Dans son sang répandu | souillant sa chevelure, 6+6 b
25 Expirait, dévoré | tout vivant par des loups. 6+6 a
Ses meurtriers parmi | la ronce et les cailloux 6+6 a
Le traînaient. Il n'était | déjà plus que morsures. 6+6 b
Ses entrailles à flots | sortaient de ses blessures 6+6 b
Et ses pieds éperdus | trébuchaient dans la mort. 6+6 a
30 En vain, de temps en temps, | par un horrible effort, 6+6 a
Il secouait par terre | un peu des bêtes fauves ; 6+6 b
D'autres monstres, sortis | des antres, leurs alcôves, 6+6 b
Se ruaient sur son cou, | s'attachaient à ses flancs, 6+6 a
Dans sa chair déchirée | enfonçaient leurs crocs blancs 6+6 a
35 Et se mêlaient à lui | dans d'effroyables poses, 6+6 b
Et tout son corps teignait | de sang leurs gueules roses. 6+6 b
Enfin, morne, donnant | sa vie à ses bourreaux, 6+6 a
Il tomba, les genoux | ployés, comme un héros 6+6 a
Qui défie, à l'instant | suprême où tout s'efface, 6+6 b
40 Les spectres de la mort, | et les voit face à face. 6+6 b
Sa prunelle effarée | et vague interrogea 6+6 a
La nuit ; puis le coursier | vaincu, sentant déjà 6+6 a
Que dans ses doux regards | entrait l'infini sombre 6+6 b
Et qu'il roulait au fond | dans les gouffres de l'ombre, 6+6 b
45 Se leva sur ses pieds | avant de s'endormir 6+6 a
Pour toujours, et frappant | la terre, et, pour gémir, 6+6 a
Dans sa voix qui n'est plus | trouvant un cri suprême, 6+6 b
Sublime, épouvantant | l'agonie elle-même 6+6 b
Et perçant une fois | encor son voile obscur, 6+6 a
50 Leva vers les grands cieux | et roula dans l'azur 6+6 a
Ses yeux, d'où s'enfuyait | lentement l'espérance, 6+6 b
Et Dante s'écria, | l'âme en pleurs : ô Florence ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université