Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAN_17/BAN737
Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
A la chanson
Ode dite par C. Coquelin
dans la représentation donnée au bénéfice de Darcier
Le jeudi 17 février 1881
O toi, délire et fantaisie, 8 a
Fille de la rime, Chanson 8 b
Qui, du vin de la poésie, 8 a
Es la bacchante et l'échanson ! 8 b
5 Chanson, qui sur les fronts sévères 8 a
Poses en riant ton orteil, 8 b
Déesse, qui remplis nos verres 8 a
De pourpre vive et de soleil ; 8 b
Tu sais bercer notre souffrance, 8 a
10 Le plaisir est ton nourrisson, 8 b
Et la vraie âme de la France, 8 a
Oh ! parle encor, c'est toi, Chanson ! 8 b
Jadis, lorsque Jacques Bonhomme, 8 a
Servant de cible et de jouet, 8 b
15 Ainsi qu'une bête de somme 8 a
Tressaillait, sanglant, sous le fouet, 8 b
Tu le vengeais par ton génie ! 8 a
Et les tyrans saignent encor 8 b
Sous les flèches de l'ironie, 8 a
20 Qui s'envolaient de ton arc d'or ! 8 b
Cherchant déjà le grand problème, 8 a
Villon, qui fut presque pendu, 8 b
Montrait aux bourreaux son front blême 8 a
Taché de ton vin répandu ; 8 b
25 Et depuis lors, pas un poëte 8 a
Aux calmes regards d'oiseleur 8 b
Qui n'ait baisé ta lèvre en fête, 8 a
Écarlate comme une fleur ! 8 b
Ces dévots de l'aube éternelle, 8 a
30 Tous ces songeurs, tous ces amants 8 b
Se sont brûlés à ta prunelle 8 a
Où brillent mille diamants ; 8 b
Et te mêlant à son délire, 8 a
Parfois même, quand tu le veux, 8 b
35 Hugo, le titan de la Lyre, 8 a
Passe la main dans tes cheveux. 8 b
Béranger, dédaignant la mode, 8 a
Du flonflon vulgaire évadé, 8 b
Donne le grand frisson de l'Ode 8 a
40 A la musette de Vadé ; 8 b
Et par lui, fuyant le servage, 8 a
Le refrain joyeux de Piron 8 b
Bondit, comme un cheval sauvage 8 a
Fouetté par le vent du clairon ! 8 b
45 Enfin, pour les Margots sublimes 8 a
Délaissant les pâles Églés, 8 b
Pierre Dupont chante en ses rimes 8 a
Les grands bœufs au joug accouplés, 8 b
Et, dans sa simple et rude phrase, 8 a
50 Célèbre le matin vermeil 8 b
Et la nature qui s'embrase 8 a
Avec les couchers de soleil. 8 b
Chanson, qui bondis sur Pégase, 8 a
Le cheval sans mors et sans frein, 8 b
55 Combien de rimeurs en extase 8 a
Se sont grisés de ton refrain ! 8 b
Mais, en ce temps, où la Musique 8 a
A dénoué tes bras d'acier 8 b
Avec son ivresse physique, 8 a
60 Ton plus cher amant fut Darcier ! 8 b
Comme dans les bois un satyre 8 a
Prend une nymphe au cou nerveux 8 b
En riant de son doux martyre, 8 a
Et l'empoigne par les cheveux ; 8 b
65 Comme il la tient d'une main ferme, 8 a
En appuyant un dur genou 8 b
Sur sa jambe nue, et lui ferme 8 a
La bouche, avec un baiser fou ; 8 b
O déesse, toujours éprise 8 a
70 De la large coupe où tu bois, 8 b
Chanson ! c'est ainsi qu'il t'a prise 8 a
Dans le doux silence des bois. 8 b
Et depuis cette aube première, 8 a
Affrontant les sots châtiés, 8 b
75 Ivres de joie et de lumière, 8 a
Voix fraternelles, vous chantiez ! 8 b
Tu disais à ce bon rhapsode : 8 a
Quittons le monde, viens-nous-en ; 8 b
Et, fuyant le joug incommode, 8 a
80 Darcier fut peuple et paysan ! 8 b
Car son chant d'amour et de joie, 8 a
En quête d'un eldorado, 8 b
Se penche vers quiconque ploie 8 a
Sous un trop injuste fardeau ; 8 b
85 Et parfois dans son ode étrange, 8 a
Mais qui rêve à des cieux meilleurs, 8 b
La douce Pitié, comme un ange, 8 a
Laisse entrevoir ses yeux en pleurs. 8 b
Combattant pour la cause juste, 8 a
90 Darcier chanta pendant trente ans, 8 b
Ferme comme un chêne, et robuste, 8 a
Et jeune comme le printemps. 8 b
Mais enfin, avec sa brûlure, 8 a
Vient l'âpre, le cruel Hiver ! 8 b
95 Il neige sur la chevelure 8 a
De ce gai chanteur à l'œil clair. 8 b
O Paris ! sourire et poëme, 8 a
Ville de l'éblouissement, 8 b
Accorde, à cette heure suprême, 8 a
100 Un dernier applaudissement 8 b
A l'humble rhapsode, à ce maître 8 a
Qui te donna, jadis vainqueur, 8 b
Toute la flamme de son être, 8 a
Avec tout le sang de son cœur ! 8 b
mètre profil métrique : 8
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