Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAN_17/BAN712
Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
Sœur Séraphine
Dans ce vieux couvent plein de silence et d'espace 6+6 a
Où le temps, comme un flot très pur, s'écoule et passe, 6+6 a
Et doucement ruisselle entre des bords connus ; 6+6 b
Dans ce couvent, où les souvenirs ingénus 6−6 b
5 Se figent lentement, comme des stalactites, 6+6 a
Sœur Séraphine fait la classe des petites. 6+6 a
Or elle enseigne ces enfants si doucement, 6−6 b
Une telle indulgence orne son front charmant, 6+6 b
Que toutes avec joie écoutent sa parole, 6+6 a
10 Et sa bouche, entr'ouverte ainsi qu'une corolle, 6+6 a
Ne montrant pas d'orgueil ni de sévérité, 6+6 b
Comme un limpide flot répand la vérité. 6+6 b
Elle est naïve, heureuse, innocente, ignorante ; 6+6 a
L'éclat du lys fleurit dans sa chair transparente, 6+6 a
15 Et comme elle est pareille aux anges, dans ses yeux 6+6 b
Flotte avec sa lumière un ciel mystérieux. 6+6 b
En sa blancheur, elle est une enfant elle-même. 6+6 a
Humble et sage parmi les petites qu'elle aime 6+6 a
Et qu'elle est tous les jours plus heureuse de voir, 6+6 b
20 Comme elle est toute grâce, elle a tout le savoir. 6+6 b
Car celui qui l'inspire en son ombre éphémère 6+6 a
Et fait de cette vierge une si douce mère, 6+6 a
C'est l'Enfant souriant, sauveur du genre humain, 6+6 b
Qui tient le globe bleu dans sa petite main. 6+6 b
25 Oui, bien souvent on cherche en vain sœur Séraphine 6+6 a
Et son regard plein de bonté, sa lèvre fine, 6−6 a
Où la foi met sa force amie et sa douceur. 6+6 b
On ne la trouve pas, mais toujours quelque sœur 6+6 b
Dit, tandis que partout vainement on l'appelle : 6+6 a
30 Bien sûr, ma sœur, elle est encor dans la chapelle, 6+6 a
Agenouillée aux pieds de son petit Jésus. 6+6 b
Oh ! que sait-il, celui qui ne vous a pas eus 6+6 b
Dans son âme, entr'ouvrant leurs célestes calices, 6+6 a
Extase, espoir, ferveur, silencieux délices 6+6 a
35 Que fait épanouir le souffle essentiel, 6+6 b
Tendres fleurs, qui serez visibles dans le ciel ? 6+6 b
Sœur Séraphine est en effet agenouillée, 6+6 a
Humble, ployée en deux comme une herbe mouillée, 6+6 a
Devant le glorieux, le roi, le triomphant. 6+6 b
40 C'est ainsi qu'elle l'aime, enfant, petit enfant ; 6+6 b
Elle le voit toujours enfant, ainsi qu'elle ose 6+6 a
L'adorer. Tout petit, frêle comme une rose, 6+6 a
Il est déjà bonté, clarté, lumière, espoir ; 6+6 b
Il ressemble au parfum qui s'exhale du soir. 6+6 b
45 Ce roi du ciel, orné des grâces adorables, 6+6 a
Aime divinement les êtres misérables 6+6 a
Et les console avec son regard plein d'azur. 6+6 b
C'est ainsi que le voit l'humble fille au cœur pur. 6+6 b
Elle demeure là pendant de longues heures, 6+6 a
50 L'œil allumé par des clartés intérieures, 6−6 a
Et dit, toute livrée à l'éblouissement : 6+6 b
O mon Roi, ta parole est un vagissement ; 6+6 b
Ta douce chevelure est une vapeur blonde ; 6+6 a
Et cependant, c'est toi qui règnes sur le monde 6+6 a
55 Et tu souris, vainqueur, sous ta couronne d'or. 6+6 b
Un souffle triomphal au fulgurant essor 6+6 b
Passe et frémit, ô Roi, dans l'azur de tes voiles, 6+6 a
Et tu poses tes pieds divins sur les étoiles. 6+6 a
Ils sont tout pleins de toi, les vastes firmaments 6+6 b
60 Pavés d'astres de flamme et de blancs diamants ; 6+6 b
Et devant toi, courbés comme des moissons mûres, 6+6 a
Les Anges revêtus d'invincibles armures, 6+6 a
Où flottent les clartés des blêmes Orients, 6+6 b
Agitent dans l'éther leurs glaives effrayants. 6+6 b
65 Cependant, ô Sauveur, tu veux bien nous sourire ; 6+6 a
Ton nom, que les soleils sont orgueilleux d'écrire 6+6 a
Et qui fait resplendir les Tyrs et les Sions, 6+6 b
O Jésus ! tu veux bien que nous le prononcions, 6+6 b
Et que nous puissions voir, quand son aile te touche, 6+6 a
70 Le rayon pur qui met sa clarté sur ta bouche. 6+6 a
Ainsi sœur Séraphine, immobile et rêvant, 6+6 b
Répand toute son âme aux pieds du Dieu vivant, 6+6 b
Et la laisse courir vers lui, dans son extase, 6+6 a
Comme un flot de parfum qui ruisselle d'un vase. 6+6 a
75 Toujours glorifiant, exempte de remord, 6+6 b
Le doux Enfant, vainqueur du Mal et de la Mort, 6+6 b
Elle prie, et ne peut sortir de la chapelle 6+6 a
Où son petit Jésus très doucement l'appelle. 6+6 a
Parfois les sœurs, voyant ses yeux vers lui tournés, 6+6 b
80 La grondent sans colère, et lui disent : Venez, 6+6 b
Ma sœur, il faut songer à vos petites filles. 6+6 a
Aimez l'Époux céleste à l'ombre de ces grilles ; 6+6 a
Mais quoi ! ce bon Pasteur, dont la main nous défend, 6+6 b
Jésus n'a pas toujours été petit enfant. 6+6 b
85 Ma sœur, pour adoucir notre destin sévère, 6+6 a
Lui-même il a porté sa croix sur le Calvaire, 6+6 a
Et le fer de la lance ouvrit son flanc saignant. 6+6 b
Lui qui, plein de bonté, s'en allait, enseignant, 6+6 b
Il a des vils crachats subi la tache noire. 6+6 a
90 Prince, il a revêtu la pourpre dérisoire ; 6+6 a
Il a mouillé sa lèvre à l'éponge de fiel, 6+6 b
Tandis que gémissaient les beaux Anges du ciel. 6+6 b
Il expira. Quand les nuages entendirent 6−6 a
Son souffle s'exhaler, les rochers se fendirent. 6+6 a
95 Et maintenant, ma sœur, après deux fois mille ans, 6+6 b
Tandis qu'on voit, ainsi qu'un grand vol de milans, 6+6 b
Les Crimes sur nos fronts jeter leur ombre immonde, 6+6 a
Jésus crucifié saigne encor sur le monde. 6+6 a
Elles parlaient ainsi ; mais l'innocente sœur 6+6 b
100 Séraphine jamais n'a compris la noirceur. 6+6 b
Voir l'Enfant radieux est son unique fête, 6+6 a
Et pâle d'épouvante et l'âme stupéfaite, 6+6 a
Livide, elle murmure en des mots décousus : 6+6 b
Non… Non… C'est trop horrible… Oh ! mon petit Jésus ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
logo du CRISCO logo de l'université