Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAN_17/BAN707
Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
Musique
Dans un coin de la villeancienne disparue, 6+6 a
Depuis douze ans bientôtpassés, j'habite, rue 6+6 a
De l'Éperon, au rez-de-chaussée, un très vieil 6−6 b
Hôtel, hanté par lesoiseaux et le soleil. 6−6 b
5 Du côté du jardin,les ailes familières 6+6 a
Emplissent de frissonsles feuillages des lierres ; 6+6 a
Mais, hélas ! on entend,dès que revient le jour, 6+6 b
De bien autres chanteursdu côté de la cour, 6+6 b
force malheureux,affligés d'un catarrhe, 6+6 a
10 Miaulent avec rageen pinçant la guitare, 6+6 a
Bande qui fait la joieet l'ornement des cours. 6+6 b
Là sont des béquillards,des aveugles, des sourds. 6+6 b
Blêmes comme Pierrot,verts comme des pistaches 6+6 a
Des gens à chapeaux mous,des masques à moustaches 6+6 a
15 Chantent des airs, hélas !— car tels sont leurs talents, 6+6 b
Qu'ils ne sauront jamais,quand ils vivraient mille ans. 6+6 b
Tel, pareil à ces mortséchoués à la Morgue, 6+6 a
Tourne la manivelleindécente de l'orgue 6+6 a
Ou, triste comme un vieilacteur de l'Oon, 6+6 b
20 Tourmente le souffletdu faible accordéon, 6+6 b
Et tel, car c'est encoreune façon plus nette, 6+6 a
De sa bouche sans dentsmord une clarinette. 6+6 a
Celui-là fait pleurerl'âme du violon 6+6 b
En jouant du Lecocqou du Bach, c'est selon, 6+6 b
25 Et tous chantent ! — Déesseadorable, ô Musique ! 6+6 a
Ces types accomplisde la hideur physique 6+6 a
Chantent d'un cœur tranquille.Oh ! comme ils chantent faux 6+6 b
Et de leurs pantalonssoulignant les défauts 6+6 b
Toutes les fanges, parles balais reculées, 6−6 a
30 Baisent avec amourleurs bottes éculées. 6+6 a
Cependant, tels qu'ils sont,déguenillés, maudits, 6+6 b
Je les aime, ces noirsmendiants, ces bandits 6+6 b
Que l'âpre faim déchireet sur qui les cieux pleuvent, 6+6 a
Parce que sous la nueils chantent comme ils peuvent, 6+6 a
35 Oiseaux boiteux qu'en vainsollicite l'azur, 6+6 b
Parce que je ne saisquel souvenir obscur 6+6 b
De la Lyre frémitdans leur voix étouffée 6+6 a
Et qu'ils sont, comme moi,de la race d'Orphée. 6+6 a
Ces gueux, plus enrouésqu'une meute aux abois, 6+6 b
40 Ressemblent à des loupsqui pleurent dans les bois 6+6 b
Et, parmi ces faiseursde trilles et de gammes, 6+6 a
Du matin jusqu'au soirgrouillent des tas de femmes. 6+6 a
Des fillettes à l'œildéjà noyé d'amour 6+6 b
Sur un rhythme dansantfont sonner leur tambour, 6+6 b
45 Et des vieilles sans nombreaux allures fossiles 6+6 a
Convulsent en chantantleurs faces imbéciles, 6+6 a
Gémissent avec dessanglots et des hoquets 6−6 b
Et portent leurs petitsroulés en des paquets. 6+6 b
C'est la processionde tous les monstres. L'une 6+6 a
50 Montre sur son visageune pâleur de lune 6+6 a
Et, comme un lac, s'argente,et l'autre, au nez camard, 6+6 b
A sur sa joue en feudes rougeurs de homard. 6+6 b
Rien n'est plus effrayantà voir que les structures 6+6 a
Et les corps abolisde ces caricatures ; 6+6 a
55 Et pourtant, quand leurs voixfont leur bruit énervant 6+6 b
Comme les grincementsde l'orage et du vent, 6+6 b
Avec leurs fronts hideuxque les bises meurtrissent, 6+6 a
Dans leur misère ceschanteuses m'attendrissent 6−6 a
Et sans être offenséde leurs chants criminels, 6+6 b
60 Je les contemple avecdes regards fraternels. 6+6 b
Une surtout, pareilleà quelque étrange fée, 6+6 a
Pâle, jaune, recuiteet d'un mouchoir coiffée. 6+6 a
Au fond de ses yeux bleustout petits, dont le tour 6+6 b
Est bistré, se lamenteun long passé d'amour, 6+6 b
65 Et sur sa bouche en coupde sabre, le génie 6+6 a
De la femme a gravésa tranquille ironie. 6+6 a
Sans nul doute elle fut,parmi l'or et les fleurs, 6+6 b
Une Parisienneaux yeux ensorceleurs ; 6+6 b
Car le reflet des vieuxsouvenirs la décore 6+6 a
70 Et le songeur émuvoit trembloter encore 6+6 a
Le triomphe et l'orgueilen son regard terni. 6+6 b
Je la nomme souvent :la vieille Gavarni, 6+6 b
Car je crois la revoirparmi ces aquarelles 6+6 a
Que le mtre peuplaitd'âmes surnaturelles, 6+6 a
75 Et sur le châle courtun frisson d'air subtil, 6+6 b
Je vois distinctementles hachures dont il 6+6 b
Avivait sa peintureavec de l'encre rouge. 6+6 a
Et ce mince lambeauqui grelotte et qui bouge, 6+6 a
parfois le soleiljette un fuyant éclair, 6+6 b
80 Étoffe tristementdécolorée, a l'air 6+6 b
Des drapeaux devenushaillons, que la Victoire 6+6 a
Avait jadis enflésdans la bataille noire, 6+6 a
Alors que les claironssonnaient dans l'air fumant, 6+6 b
Et que les vieux soldatsgardent pieusement. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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