Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAN_17/BAN704
Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
A Georges Rochegrosse
Georges, dans le domaine | où l'Esprit nous emporte 6+6 a
Jusqu'aux cieux fulgurants | dont il ouvre la porte, 6+6 a
Songeur inassouvi, | tu ne dédaignes rien. 6+6 b
Dans ta pensée où roule | un flot shaksperien, 6+6 b
5 La grande évocatrice | au front d'airain, l'Histoire, 6+6 a
Rend aux siècles finis | la vie expiatoire. 6+6 a
L'Égypte, l'Assyrie | et l'Inde, l'Orient 6+6 b
Tout entier, apparaît | sous son grand ciel riant 6+6 b
Et les chocs des guerriers, | les batailles des races, 6+6 a
10 Le couvert mis partout | pour les corbeaux voraces, 6+6 a
Et les bouches de rose | envoyant les héros 6+6 b
Mourir, éblouis, sous | les sabres des bourreaux ; 6−6 b
Tyr, Héliopolis, | les villes inconnues, 6+6 a
Les festins monstrueux, | les ors, les femmes nues, 6+6 a
15 Les Déesses volant | avec l'ardent Zéphyr 6+6 b
Et regardant l'azur | de leurs yeux de saphir ; 6+6 b
Dans le matin, brumeux | comme une mousseline, 6+6 a
Le portefaix de Rome | accostant Messaline ; 6+6 a
Notre France expirant | dans sa gloire, Azincourt ; 6+6 b
20 Jeanne écoutant ses voix, | Ange qui nous secourt ; 6+6 b
Les rois, tous ces Louis | à l'âme versaillaise ; 6+6 a
La Révolution | chantant sa Marseillaise 6+6 a
Et, pareil à Roland | qui meurt au fond du val, 6+6 b
Napoléon poussant | devant lui son cheval ; 6+6 b
25 Puis la Douleur moderne | avec sa platitude, 6+6 a
L'épouvante, l'oubli | des Dieux, l'inquiétude, 6+6 a
Et la blessure d'où | notre sang ruissela, 6+6 b
Tu songes, tu revois, | tu pétris tout cela, 6+6 b
Et jetant sur tes yeux | sa fantasmagorie, 6+6 a
30 Cette magicienne | en deuil, l'Allégorie 6+6 a
Qui fait vivre et frémir | l'idée en ton cerveau, 6+6 b
Invente chaque jour | un spectacle nouveau. 6+6 b
Avec leurs cavaliers | épars, leurs cris sonores, 6+6 a
Leurs bûchers embrasés | flambant sous les aurores, 6+6 a
35 Les projets de tableaux | que tu m'as racontés, 6+6 b
Nombreux comme les flots | que nul œil n'a comptés, 6+6 b
Lasseraient ton génie | et ton âme intrépide, 6+6 a
Quand même tu peindrais | d'une main plus rapide 6+6 a
Que l'éclair dans la nue | ou le vol des milans. 6+6 b
40 Pour pouvoir y suffire | il te faudrait mille ans, 6+6 b
Car ton rêve effréné | dessine sur des toiles 6+6 a
Plus de sujets toujours | divers que n'a d'étoiles 6+6 a
La fourmillante et vaste | immensité du ciel. 6+6 b
L'un d'eux, t'en souviens-tu ? | fait voir, essentiel, 6+6 b
45 En sa brutalité, | le mythe de la Vie, 6+6 a
Et cette gueule qui, | toujours inassouvie 6+6 a
Mord l'Espérance avec | son pâle nourrisson. 6+6 b
Ce sujet effrayant, | qui donne le frisson, 6+6 b
Je le note en huit vers, | tout pantelants de crime, 6+6 a
50 Et je le fixe avec | le clou d'or de la Rime. 6+6 a
Amour, le tourmenteur, | le dieu cruel, au fond 6+6 b
De sa caverne, où dort | l'oubli noir et profond, 6+6 b
Taciturne, enfermé | dans ses ailes énormes, 6+6 a
Sous la tragique horreur | des basaltes difformes 6+6 a
55 Éclairant l'ombre vague | avec ses yeux vainqueurs, 6+6 b
Amour soucieux mange | et dévore des cœurs, 6+6 b
Et le sang et la chair | de ce festin farouche 6+6 a
Débordent en flots noirs | sur les coins de sa bouche. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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