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Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
L
Bêtes
Hier, comme il est essentiel 8 a
De fuir les foules turbulentes, 8 b
Pour contempler un peu de ciel 8 a
Je flânais au Jardin des Plantes. 8 b
5 J'oubliais tout, les biens, les maux, 8 a
La science trop incertaine, 8 b
Et je vis tous les animaux 8 a
Qu'a chantés le bon La Fontaine. 8 b
Comme le Soleil en courroux 8 a
10 Qui s'endort sur les marécages, 8 b
Le Tigre et le grand Lion roux 8 a
Semblaient s'ennuyer dans leurs cages. 8 b
Ce temps est dur pour les Lions, 8 a
Disait le grand porte-crinière ; 8 b
15 Il ne faut pas que nous voulions 8 a
Éviter l'injure dernière. 8 b
On ne sait plus ce que valait 8 a
Ma colère et ma vaste joie, 8 b
Et maintenant c'est un valet 8 a
20 Qui m'apporte un semblant de proie. 8 b
Tandis qu'un éclair triomphant 8 a
S'allumait dans les yeux de l'Aigle, 8 b
Ce héros, l'antique Éléphant 8 a
Mangeait un petit pain de seigle. 8 b
25 Et se dandinant avec pompe, 8 a
Ce dieu solidement bâti 8 b
Égalait par sa belle trompe 8 a
Ganéça, fils de Parvati. 8 b
Le Singe à des hommes divers, 8 a
30 Pour accomplir son ambassade, 8 b
Enseignait des gestes pervers, 8 a
De la part du marquis de Sade. 8 b
Léchant sa femelle ardemment, 8 a
Rhythmique, avec des yeux folâtres 8 b
35 Et des gentillesses d'amant, 8 a
L'Ours noir grognait : Oh ! les théâtres ! 8 b
Le Perroquet taché de feu, 8 a
Sans peur ouvrant son bec solide, 8 b
Criait : Député jaune et bleu, 8 a
40 Je ne veux pas qu'on m'invalide ! 8 b
Il disait, le divin Chameau, 8 a
Dont les jambes valent des ailes : 8 b
Fi du joueur de chalumeau 8 a
Qui me compare aux demoiselles ! 8 b
45 Le Rossignol dans son verger, 8 a
Parlait du ténor qui l'obsède, 8 b
Et la Gazelle au pas léger 8 a
Se plaignait du vélocipède. 8 b
Avec son air paisible et fou 8 a
50 Je vis l'innocente Girafe 8 b
Qui fait sa belle, et dont le cou 8 a
A l'élégance d'un paraphe. 8 b
Cette bête, qui dans la nuit 8 a
Va d'un pas naïf, qu'elle scande, 8 b
55 Me dit : la Tour Eiffel me nuit ; 8 a
C'est une Girafe plus grande. 8 b
Aspirant les senteurs de pin 8 a
Que la noire forêt compose, 8 b
L'ingénu, le tendre Lapin 8 a
60 Disait, furtif : C'est moi qu'on pose. 8 b
Car, et je n'y vois aucun mal, 8 a
Poser un lapin signifie : 8 b
Je vous paierai, foi d'animal ! 8 a
Monsieur, bien fol est qui s'y fie. 8 b
65 Je vis sur les eaux, restant coi, 8 a
L'oiseau que sa blancheur désigne. 8 b
Et courroucé, je dis : Pourquoi 8 a
Donc es-tu Cygne ? On n'est pas Cygne. 8 b
Quelle chimère ! On est Canard. 8 a
70 En des coins-coins analytiques 8 b
On s'envole, car c'est un art, 8 a
Dans les grands journaux politiques. 8 b
Ou bien l'on est Oie, et ce nom 8 a
Fait qu'on trouve une gloire insigne, 8 b
75 Comme la déesse Junon. 8 a
Hélas ! me répondit le Cygne, 8 b
L'Oie est un digne objet d'amour, 8 a
Elle s'envole comme un Ange. 8 b
Rien n'égale une basse-cour 8 a
80 Où l'on barbote dans la fange. 8 b
Là, comme aux noces de Cana, 8 a
On s'enivre de mille joies. 8 b
Bonheur idéal ! Mais on n'a 8 a
Pas voulu de moi chez les Oies ! 8 b
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
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