Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAN_14/BAN600
Théodore de BANVILLE
RIMES DORÉES
1875
Le Théâtre
A Jules Bonnassies
Lorsque j'entends ces mots magiques : Le Théâtre, 6+6 a
Un univers diffus, charmant, plus varié 6+6 b
Que la vie, effrayant, gracieux et folâtre, 6+6 a
M'apparaît, aux splendeurs des rayons marié. 6+6 b
5 Ce sont les vendangeurs de la joyeuse Attique, 6+6 a
Couronnés de feuillage, ivres des plus doux vins, 6+6 b
Aux quatre vents du ciel jetant l'ode emphatique ; 6+6 a
C'est Eschyle au front nu, menant les chœurs divins ; 6+6 b
Ce sont les demi-dieux, les chanteurs, les génies 6+6 a
10 Livrant au destin sombre, avec leur plaie au flanc, 6+6 b
Les Orestes plaintifs et les Iphigénies, 6+6 a
Et les Œdipes fous aveuglés par le sang ; 6+6 b
C'est cet archer vainqueur de la foule profane, 6+6 a
Sachant faire obéir la flûte de roseau 6+6 b
15 Et la lyre, les vers du sage Aristophane, 6+6 a
Célébrant la fierté superbe de l'Oiseau. 6+6 b
C'est le grand créateur mystérieux, Shakspere 6+6 a
S'élançant comme un Dieu par son hardi chemin, 6+6 b
Animant la forêt qui parle et qui respire, 6+6 a
20 Et de ses doigts rêveurs pétrissant l'être humain ; 6+6 b
C'est le Crime, l'Erreur, la Fureur, la Folie ; 6+6 a
C'est Lear, dont l'ouragan fait voler le manteau, 6+6 b
C'est Hamlet se roulant sous les pieds d'Ophélie ; 6+6 a
Ce sont les Rois jaloux aiguisant leur couteau ; 6+6 b
25 C'est, doux cygne éploré, la pâle Desdémone, 6+6 a
C'est Imogène errant sous les chênes profonds, 6+6 b
Et c'est Titania, pareille à l'anémone, 6+6 a
Baisant le front de l'âne avec des cris bouffons ; 6+6 b
C'est Orlando semant les diamants de l'Inde 6+6 a
30 Et les perles d'Ophir en sa folle chanson, 6+6 b
Et tressant des sonnets fleuris pour Rosalinde, 6+6 a
Cette capricieuse, habillée en garçon. 6+6 b
C'est tout le peuple étrange, à son rêve docile 6+6 a
Et brillant des rubis célestes du matin, 6+6 b
35 Que Molière amena de la verte Sicile, 6+6 a
Et que sa fantaisie a vêtu de satin ! 6+6 b
Étalant son manteau comme les paons leurs queues, 6+6 a
Et versant la folie en sa coupe où je bois, 6+6 b
C'est Scapin, blanc de neige, orné de quilles bleues, 6+6 a
40 Avec sa barbe folle et son poignard de bois ; 6+6 b
Isabelles, Agnès, ce sont les jeunes filles 6+6 a
Dont Valère chérit les fronts délicieux ; 6+6 b
C'est Zerbinette ; c'est le roi des Mascarilles 6+6 a
Faisant tourbillonner sa pourpre vers les cieux ; 6+6 b
45 Ce sont les Ægipans, les Nymphes, les Déesses, 6+6 a
Les Turcs, les Espagnols, les Poitevins dansants 6+6 b
Que le Songeur, suivi d'ombres enchanteresses, 6+6 a
Évoque aux pieds du roi Louis, ivre d'encens ; 6+6 b
C'est Tartuffe, essayant les poisons qu'il mélange ; 6+6 a
50 C'est don Juan que meurtrit le Désir, ce vautour, 6+6 b
Et qui sur sa paupière et sur son front d'archange 6+6 a
Laisse voir la brûlure affreuse de l'amour. 6+6 b
C'est Regnard, plein d'ivresse, avec son Légataire, 6+6 a
Et Lisette et Crispin, vêtu du noir manteau ; 6+6 b
55 C'est Marivaux pensif, embarquant pour Cythère 6+6 a
Dorante et Sylvia, costumés par Wateau ; 6+6 b
C'est Talma, dans Néron, gardant sa noble pose, 6+6 a
Laissant rugir sa mère et, calme sous l'affront, 6+6 b
Jouant avec un bout de son écharpe rose ; 6+6 a
60 C'est Mars au beau sourire, avec sa rose au front ; 6+6 b
Puis c'est le Drame, avec son extase féerique, 6+6 a
Ressuscité, rayant les cieux de son grand vol 6+6 b
Et planant à la voix du Poëte lyrique ; 6+6 a
C'est Marion de Lorme, et Blanche et doña Sol ; 6+6 b
65 C'est le vieux Job chargé d'attentats et de gloire ; 6+6 a
C'est Tisbe menaçant par la voix de Dorval ; 6+6 b
C'est Ruy Blas déchirant sa pourpre dérisoire, 6+6 a
Et le vieux Frédérick, demeuré sans rival. 6+6 b
Puis Esther murmurant ses plaintes sous le cèdre, 6+6 a
70 Jeanne d'Arc inspirée invoquant saint Michel, 6+6 b
Pauline s'élançant vers Dieu, Camille, Phèdre, 6+6 a
C'est l'éblouissement tragique, c'est Rachel ! 6+6 b
Elle est, courant, la haine au front, sur le rivage, 6+6 a
Hermione, mêlant sa plainte au flot moqueur ; 6+6 b
75 Elle est Chimène, ayant en sa fierté sauvage 6+6 a
Une goutte de sang de taureau dans le cœur. 6+6 b
C'est Musset, toujours beau de sa douleur insigne, 6+6 a
Brodant de perles d'or quelque vieux fabliau, 6+6 b
Par la voix des acteurs disant un chant de cygne, 6+6 a
80 Et versant sur nos mains les pleurs de Célio ; — 6+6 b
C'est le sombre Antony poignardant son Adèle ; 6+6 a
C'est toi qui meurs si jeune et qui t'humilias, 6+6 b
Amante, courtisane au front chaste et fidèle, 6+6 a
Marguerite, portant les blancs camellias ! 6+6 b
85 C'est Jocrisse, ingénu comme une fille, et rouge 6+6 a
Comme un coquelicot dans les blés de Cérès, 6+6 b
Et que, pour nous ravir, tant notre horizon bouge, 6+6 a
Font si spirituel Arnal et Gil Pérès ; 6+6 b
C'est le grand Bilboquet dans son carrick noisette, 6+6 a
90 Ou montrant le pourpoint du farouche Espagnol, 6+6 b
Et jouant de son nez comme d'une musette ; 6+6 a
C'est Prudhomme, rayant l'azur avec son col ; 6+6 b
Enfin c'est, tout souillé par les fanges nocturnes 6+6 a
Et tournant dans ses doigts son lorgnon radieux, 6+6 b
95 Robert Macaire avec ses souliers à cothurnes 6+6 a
Et son pantalon fait de la pourpre des Dieux ! 6+6 b
Et sur cette mêlée étrange et surhumaine, 6+6 a
Près des astres d'argent montrant leurs pieds nacrés, 6+6 b
Les sœurs aux belles voix, Thalie et Melpomène, 6+6 a
100 Planent dans la splendeur des vastes cieux sacrés, 6+6 b
Celle-ci, furieuse et montant la Chimère, 6+6 a
Et celle-là, Pégase au regard meurtrier ; 6+6 b
L'une jetant des fleurs sur les pieds nus d'Homère 6+6 a
Et l'autre couronnant Rabelais du laurier ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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