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| = césure
BAN_14/BAN579
Théodore de BANVILLE
RIMES DORÉES
1875
La Lyre dans les Bois
Petit Prologue
pour une symphonie comique
I
Le musicien, fils des Dieux, 8 a
Est maître absolu de notre âme, 8 b
Et dans l'Infini radieux 8 a
Il l'emporte en son vol de flamme. 8 b
5 Il est le maître, il est le roi, 8 a
Sans fusils ni canons de cuivre, 8 b
Sans batailles pâles d'effroi ; 8 a
Dès qu'il ordonne, il faut le suivre. 8 b
Donc, il le veut, partons, fuyons, 8 a
10 Quittons pour ses apothéoses 8 b
Cette fête où dans les rayons 8 a
Resplendissent les lèvres roses ; 8 b
Cette fête aux aspects charmants 8 a
Où parmi les flammes fleuries 8 b
15 Brillent les éblouissements 8 a
Des femmes et des pierreries. 8 b
Il va, le chanteur inspiré : 8 a
Suivons-le d'un vol énergique 8 b
Au loin, sous le ciel azuré, 8 a
20 Dans la grande forêt magique ; 8 b
Au bois, où se mêlent encor 8 a
Sous les ombres silencieuses 8 b
Le divin rire aux notes d'or 8 a
Et les larmes délicieuses ; 8 b
25 Où du sein des antres profonds 8 a
Les oiseaux donnent la réplique 8 b
A des virtuoses bouffons 8 a
Jouant un air mélancolique. 8 b
Là, comme un seigneur espagnol, 8 a
30 Tandis que Vénus étincelle, 8 b
Le mélodieux rossignol 8 a
Se plaint d'amour à la crécelle. 8 b
Puis, dans un triste adagio, 8 a
La trompette gémit et pleure 8 b
35 Sur notre époque d'agio 8 a
Que jamais un rêve n'effleure ! 8 b
Caille, coucou, dans le verger 8 a
Tout s'évertue et bat des ailes ; 8 b
Et celle qui d'un pied léger 8 a
40 Bondit sur les herbes nouvelles, 8 b
La Danse, folle du tambour, 8 a
Brisant le lien qui la sangle, 8 b
Bondit, haletante d'amour, 8 a
Et s'envole avec le triangle ! 8 b
II
45 Voix, parlez aux rameaux flottants ; 8 a
Musique, enchante la ravine ! 8 b
Tenez, mesdames, de tout temps 8 a
Ce fut de même, j'imagine, 8 b
Sur l'herbe et dans les noirs ravins 8 a
50 Et parmi la feuillée obscure, 8 b
Un échange de chants divins 8 a
Entre la Lyre et la Nature ! 8 b
Au temps où les bêtes pleuraient, 8 a
Dans la sainte nature fée 8 b
55 Les lions soumis adoraient 8 a
Un chanteur qu'on nommait Orphée, 8 b
Car (dans mon rêve je le vois 8 a
Éveillant les antres sonores) 8 b
Il avait dans sa grande voix 8 a
60 L'éblouissement des aurores, 8 b
La profondeur des cieux, le son 8 a
Qui monte des sphères sacrées, 8 b
L'horreur des bois et le frisson 8 a
Des étoiles enamourées. 8 b
65 A l'Opéra l'on eût sifflé, 8 a
Mais les panthères et la lice, 8 b
N'ayant pas sur elles de clé, 8 a
N'y cherchaient pas tant de malice, 8 b
Et les tigres dans les déserts 8 a
70 Dédaignaient la façon banale 8 b
De bâiller à tous les beaux airs, 8 a
N'ayant pas de loge infernale. 8 b
Dans l'ombre des rochers épars 8 a
Ou groupés sous un noir mélèze, 8 b
75 Les onces et les léopards 8 a
Tout bonnement se pâmaient d'aise ; 8 b
En ces temps naïfs, aucun d'eux 8 a
N'avait peur de paraître bête, 8 b
Et de leurs bons mufles hideux 8 a
80 Ils léchaient les pieds du poëte. 8 b
III
Oh ! s'envoler comme Ariel ! 8 a
Quitter la terre avec délire, 8 b
Prêter l'oreille aux voix du ciel 8 a
Et ne pas dédaigner la Lyre ! 8 b
85 Pauvres gens, — qui nous enivrons 8 a
D'entendre une horrible Victoire 8 b
Mugir avec les noirs clairons, 8 a
Ce serait notre seule gloire ! 8 b
Dans ce cas-là, si nous voulions, 8 a
90 Nous aurions peut-être, je pense, 8 b
Autant d'esprit que les lions : 8 a
Ce serait notre récompense. 8 b
Rappelez-vous ce mot vanté 8 a
De Shakspere, qui divinise 8 b
95 Le doux clair de lune enchanté 8 a
C'est dans Le Marchand de Venise. 8 b
Lorenzo, qui sur tous les tons 8 a
Peignait son amour jeune et folle, 8 b
Dit à sa maîtresse : Écoutons 8 a
100 La musique, — ô sainte parole ! 8 b
Et voici que les deux amants 8 a
Écoutent dans la nuit sans voiles 8 b
Les purs concerts des instruments 8 a
Se mêler au chant des étoiles. 8 b
105 Oh ! puisque le musicien, 8 a
Nous emportant dans l'harmonie, 8 b
Nous prend, libres de tout lien, 8 a
Sur les ailes de son génie ; 8 b
Puisque, nous enivrant d'accords, 8 a
110 Nous pouvons avec un sourire 8 b
Entendre la harpe et les cors, 8 a
Comme les amants de Shakspere, 8 b
Faisons comme eux : envolons-nous 8 a
Au delà du monde physique, 8 b
115 Et, comme dit en mots si doux 8 a
Le maître, — écoutons la musique ! 8 b
mètre profil métrique : 8
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