Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAN_13/BAN577
Théodore de BANVILLE
OCCIDENTALES
1875
Chez Bignon
Églogue
Rose, Rosette, Palémon
Prends ta flûte légère, | ô muse de Sicile ! 6+6 a
On voyait là Finette, | Héloïse, Lucile : 6+6 a
Nous soupions au sortir | du bal. Quelques gandins, 6+6 b
Portant des favoris | découpés en jardins, 6+6 b
5 Faisaient assaut d'esprit | avec des femmes rousses. 6+6 a
Deux dominos pourtant, | dont les allures douces 6+6 a
Nous ravirent, causaient | poésie à l'écart ; 6+6 b
Et rien qu'en transcrivant, | à sept heures et quart, 6+6 b
Leurs propos familiers | d'hétaïres en vogue, 6+6 a
10 Un poëte essaya | cette ébauche d'églogue. 6+6 a
Rose
Oui, tu dis bien, oui, Scholl | est vraiment l'Amadis 6+6 b
De la littérature | aimable, — mais, tandis 6+6 b
Que, perdant sa chaleur | aux soleils d'or volée, 6+6 a
Ce Cliquot rafraîchit | dans la glace pilée 6+6 a
15 Qu'à ses pieds le garçon | naguère amoncelait, 6+6 b
Rosette, mon cher cœur, | parlons de Monselet. 6+6 b
Rosette
Monselet est joli. | Comme une vague aurore, 6+6 a
Son visage est vermeil | et de fleurs se décore. 6+6 a
Je vois sa lèvre en feu | dans le vin que je bois. 6+6 b
20 Quand il était petit, | les roses dans le bois 6+6 b
Cachaient, en le voyant, | leur aiguillon farouche, 6+6 a
Et les abeilles d'or | voltigeaient sur sa bouche. 6+6 a
Rose
Et quel esprit charmant ! | Comme il frappe d'estoc 6+6 b
Et de taille ! Et pour la | gaieté, c'est Paul de Kock. 6−6 b
Rosette
25 Paul de Kock, en effet, | mais avec plus de style. 6+6 a
On entre à son caveau | par un blanc péristyle. 6+6 a
Rose
Wateau, peintre du beau, | que son temps violait, 6+6 b
Eût fait de lui sans doute | un abbé violet 6+6 b
Épris de Colombine, | et dans la nuit avare 6+6 a
30 Éveillant doucement | l'âme d'une guitare. 6+6 a
Rosette
Les Grâces le font vivre | et l'ont accrédité. 6+6 b
Dans sa prose on les voit, | cachant leur nudité 6+6 b
Et leurs bras blancs pareils | à des anses d'amphores, 6+6 a
Sous des bouquets riants | de fraîches métaphores ! 6+6 a
Rose
35 Rire, charmer, pleurer | parfois, c'est son destin. 6+6 b
Rosette
Qu'il est ingénieux | et fou dans un festin ! 6+6 b
Rose
Rosette, il faut le voir | quand, faisant leur entrée, 6+6 a
Les truffes ont couvert | la volaille éventrée. 6+6 a
Rosette
Et quand le Romanée | a mis sur le mur blanc 6+6 b
40 Son reflet écarlate | et sa lueur de sang ! 6+6 b
Rose
Il n'est pas de printemps, | mon cœur, sans violette ; 6+6 a
Sans les clairs diamants, | il n'est pas de toilette, 6+6 a
Comme sans Monselet, | chanteur aérien, 6+6 b
Un dîner, même chaud, | ne valut jamais rien. 6+6 b
Rosette
45 Il a fait des romans | que s'arrachaient les dames, 6+6 a
Et dont la verte allure | enchanta les vidames ! 6+6 a
Alors la châtelaine, | errante au fond du val, 6+6 b
L'emportait sous son châle, | ainsi que Paul Féval. 6+6 b
Rose
Mais à présent il est | cygne parmi les cygnes. 6+6 a
Rosette
50 A présent il sait faire | un chef-d'œuvre en cent lignes. 6+6 a
Rose
Que j'en ai vu mourir, | non pas mille, mais cent 6+6 b
Mille, mais deux cent mille, | avec Villemessant, 6+6 b
De ces ténors ! Mais, seul, | Monselet a l'ut dièze. 6+6 a
Rosette
Quand il écrit, l'Europe | entière en est bien aise, 6+6 a
55 Et, comme s'ils tombaient | de l'outre de Sancho, 6+6 b
Les vins les plus pompeux | coulent chez Dinochau. 6+6 b
Rose
Parfois Le Figaro | plane moins que Pindare 6+6 a
Sur l'éther, mais on croit | écouter la fanfare 6+6 a
De l'alouette, unie | au chant de do¤a Sol, 6+6 b
60 Les jours où Monselet | s'y rencontre avec Scholl ! 6+6 b
Rosette
Figaro, — trop souvent | écrit pour les dentistes, 6+6 a
Est charmant quand il a | ces deux instrumentistes. 6+6 a
Rose
Alors c'est un oiseau | qui mêle sur son flanc 6+6 b
L'émeraude et l'azur. |
Rosette
— C'est le rose et le blanc 6+6 b
65 Unissant leurs splendeurs | pour une apothéose. 6+6 a
Rose
Scholl aime mieux le blanc. |
Rosette
— Et Monselet le rose. 6+6 a
Rose
Qui sait parler ses vers | comme toi, Monselet ? 6+6 b
Rosette
Qui mieux que lui, ma sœur, | chante un petit couplet ? 6+6 b
Rose
Jamais, lorsqu'il le dit, | un mot léger n'offusque, 6+6 a
70 Et j'aime éperdument | son Espion Étrusque. 6+6 a
Rosette
Il le conte si bien | qu'on voit le champion 6+6 b
S'escrimer dans la nuit | contre cet — espion. 6+6 b
Rose
J'aime son feuilleton. | Comme il voit bien les pièces ! 6+6 a
Rosette
Les contes qu'il en fait | enchantent mes deux nièces. 6+6 a
Rose
75 Ses caprices railleurs | valent ceux de Goya. 6+6 b
Rosette
Même Buloz un jour | grâce à lui s'égaya ! 6+6 b
Rose
Monsieur de Cupidon, | roué qui nous défie, 6+6 a
C'était là de la bonne | autobiographie ; 6+6 a
C'est l'auteur qui, jetant | sa tunique de lin, 6+6 b
80 Exécute ce rôle | en habit zinzolin ! 6+6 b
Rosette
Lorsque l'Amour, perçant | les cœurs par ribambelles, 6+6 a
Bat les forêts de Cypre | et fait la chasse aux belles, 6+6 a
C'est lui qui, sur son cor, | vient sonner l'hallali. 6+6 b
Si Gaiffe est toujours beau, | Monselet est joli. 6+6 b
Rose
85 Monselet est joli, | cela je te l'accorde. 6+6 a
Comme un Américain | voltigeant sur la corde 6+6 a
Tout vêtu de soleil | et d'écailles d'argent, 6+6 b
Il jette à l'azur même | un regard indulgent ! 6+6 b
Rosette
On peut aimer un pitre, | un notaire, un Osage. 6+6 a
90 Tel s'éprend d'une femme | au gracieux visage 6+6 a
Rencontrée au Brésil | ou dans Piccadilly : 6+6 b
Avant tout, à mes yeux, | Monselet est joli. 6+6 b
Palémon
Enfants, vous parlez bien ; | mais qui pourrait tout dire ? 6+6 a
Laisse là ton crayon, | toi, rimeur en délire ; 6+6 a
95 Buvons, et ne perds pas | tous ces instants si courts 6+6 b
A sténographier | mot à mot les discours 6+6 b
De ces buveuses d'or | à la fauve crinière. 6+6 a
Elles causaient de chose | et d'autre, à la manière 6+6 a
Des bergers de Sicile | essayant leurs pipeaux, 6+6 b
100 Et n'avaient pas tenu | ces frivoles propos 6+6 b
Littéraires, afin | que tu les écrivisses. 6+6 a
Mais voici le champagne | avec les écrevisses ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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