MÉTRIQUE EN LIGNE

Métrique en Ligne

a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre

BAN_13/BAN573

Théodore de BANVILLE

OCCIDENTALES

1875

Madame Polichinelle

	Gille
	Ta grandeur me remplit d'effroi,	8	a
	Polichinelle ! — Réponds-moi.	8	a
	Il paraît que tu bats ta femme.	8	b

	Polichinelle
	Eh ! oui, quelquefois je l'entame !	8	b
5	Oui, je la rosse, je la bats,	8	a
	Et même, on m'entend de là-bas,	8	a
	Quand, féroce comme un Cosaque,	8	b
	Je lui tombe sur la casaque	8	b
	Et de cent coups je lui fais don.	8	a

	Gille
10	Mais, lui demandes-tu pardon ?	8	a

	Polichinelle
	Il serait beau que je le fisse !	8	b

	Gille
	Alors, dis, par quel artifice	8	b
	Es-tu cependant adoré ?	8	a

	Polichinelle
	C'est que mon habit est doré.	8	a

	Gille
15	Madame, dit-on, se révolte	8	b
	Parfois.

	Polichinelle
	Parfois. Eh ! oui. Par l'archivolte	8	b
	De mon palais ! tu dis fort bien.	8	a
	Parfois elle rompt son li en.	8	a

	Gille
	Ces jours derniers, émancipé e,	8	b
20	La dame s'était échappé e	8	b
	Par un élan bien ré ussi !	8	a

	Polichinelle
	Vrai Dieu ! qu'elle était belle ainsi,	8	a
	Mon Espagnole, ma Chimène !	8	b
	Elle tranchait de l'inhumaine !	8	b
25	Elle portait d'un air mignon	8	a
	La rose rouge à son chignon,	8	a
	Et, fière, elle frémissait toute	8	b
	Dans l'air libre, ayant une goutte	8	b
	De sang de taureau dans le cœur !	8	a

	Gille
30	Cependant, te voilà vainqueur.	8	a
	Parle-moi, beau chanteur de gammes :	8	b
	Quel charme en toi dompte les dames ?	8	b
	Car ta bosse est pleine de vent	8	a
	Par derrière, aussi par devant ;	8	a
35	Et, comme tu fus un ivrogne,	8	b
	On voit fleurir ta rouge trogne.	8	b
	Pour le reste, nous t'égalons !	8	a

	Polichinelle
	C'est parce que j'ai des galons.	8	a

	Gille
	Parlons franc. Tout le jour tu vides	8	b
40	Les pots, de tes lèvres avides ;	8	b
	Et, trouvant que la soif te nuit,	8	a
	Tu les vides encor la nuit.	8	a
	Ta conduite est fort excentrique :	8	b
	Au retour, tu prends une trique	8	b
45	Et, délibérément, tu bats	8	a
	Le manteau, la robe et les bas	8	a
	De madame Polichinelle.	8	b
	Qui donc fait que la péronnelle	8	b
	Consent à ces jeux effrénés ?	8	a

	Polichinelle
50	La pourpre — que j'ai sur mon nez !	8	a

	Gille
	Bref, ayant mis à sec une outre,	8	b
	Tu vides l'autre, et passes outre ;	8	b
	Tu nous montres, étant fort laid,	8	a
	Des cheveux plus blancs que du lait,	8	a
55	Et, de plus, tu deviens obèse.	8	b
	D'où vient que ta femme te baise	8	b
	Ainsi qu'un héros de roman ?	8	a
	Apprends-moi donc quel talisman	8	a
	Fait qu'une dame si joli e	8	b
60	Supporte la triste foli e	8	b
	De ton caractère immoral ?	8	a

	Polichinelle
	C'est mon chapeau de général !	8	a

Octobre 1868.

mètre

profil métrique : 8