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| = césure
BAN_13/BAN549
Théodore de BANVILLE
OCCIDENTALES
1875
La Criminelle
I
Et je vis un sombre cachot, 8 a
Où, parmi les noires tentures, 8 b
Grinçait dans l'air humide et chaud 8 a
Tout un appareil de tortures. 8 b
5 Là, plus vermeils que des rosiers 8 a
Au mois de juin, le long des porches 8 b
Frémissent de sanglants brasiers, 8 a
Qui font pâlir le feu des torches. 8 b
J'entends des bruits mystérieux 8 a
10 Gémir, pareils au cri des goules 8 b
Dans la nuit, et je vois des yeux 8 a
Briller par les trous des cagoules. 8 b
Quel criminel, géant ou nain, 8 a
Va venir ? Mon cœur, tu frissonnes ! 8 b
15 Est-ce le boucher Avinain, 8 a
Ou Dumolard, tueur de bonnes ? 8 b
Certes, quelque rustre endurci, 8 a
Faisant horreur à la lumière, 8 b
Et lâche, et hideux. — Non, voici 8 a
20 L'accusée. Elle est belle et fière. 8 b
Elle fait la nique aux valets ; 8 a
C'est une commère gauloise, 8 b
Et le rire de Rabelais 8 a
Éclaire sa lèvre narquoise. 8 b
25 C'est la Presse. — Avec loyauté, 8 a
Elle brave, sous l'œil du sbire, 8 b
Les ténèbres, étant clarté, 8 a
Et la grimace, étant sourire ! 8 b
Elle accueille, sans nul tourment, 8 a
30 L'âpre ferraille qui la froisse 8 b
Et le lourd Avertissement 8 a
Fameux comme poire d'angoisse ; 8 b
Elle voit, sans effroi marqué, 8 a
Les crocs, les brodequins, les pinces, 8 b
35 Et le glaive Communiqué, 8 a
Très célèbre dans les provinces, 8 b
Admirant avec sérieux 8 a
Qu'on ait pu sauver du naufrage, 8 b
Et garder, pour les curieux, 8 a
40 Tous ces bibelots d'un autre âge ! 8 b
II
Mais, feuilletant son agenda, 8 a
Grattant son large nez en truffe, 8 b
Apparaît un Torquemada, 8 a
Moitié Satan, moitié Tartuffe. 8 b
45 O toi, malheur de mes neveux ! 8 a
Qui fais (même sur la Vulgate !) 8 b
Plus de clarté que je n'en veux ! 8 a
Démon rusé ! Bête écarlate ! 8 b
(Dit-il,) esprit de l'Imprévu, 8 a
50 Qu'il faudrait traîner sur des claies, 8 b
Puisque, sans toi, l'on n'aurait vu 8 a
Ni les reptiles, ni les plaies ! 8 b
Toi qui, jusque chez les Lapons, 8 a
Causes, faisant le mauvais pire, 8 b
55 O magicienne, réponds : 8 a
Qu'as-tu fait du premier Empire ? 8 b
Hélas ! dit la Presse, en rêvant 8 a
Devant la bizarre figure, 8 b
On ne m'écoute pas souvent ! 8 a
60 Ce n'est pas moi, je vous le jure, 8 b
Qui l'envoyai, vers les déserts 8 a
Où brille la glace épaissie, 8 b
Succomber sous les noirs hivers, 8 a
Dans les neiges de la Russie ! 8 b
65 Parlons du royaume des Lys, 8 a
(Fit le juge, non sans adresse.) 8 b
Dis, qu'as-tu fait de Charles Dix ? 8 a
Hélas ! brave homme, dit la Presse, 8 b
Ce pauvre vieillard, qui fut roi, 8 a
70 Enterra de tristes semences : 8 b
Mais, crois-le bien, ce n'est pas moi 8 a
Qui lui dictai ses Ordonnances ! 8 b
III
Or, dans le cachot plein de nuit, 8 a
Comme cet interrogatoire 8 b
75 Continuait, toujours conduit 8 a
Par le Tartuffe en robe noire, 8 b
On entendait, comme en enfer, 8 a
Dans un coin de la sombre usine, 8 b
Un bruit de marteau sur le fer, 8 a
80 Venu de la chambre voisine ; 8 b
Et l'on pouvait voir, inondant 8 a
Une torche qui semblait morte, 8 b
Les reflets d'un brasier ardent 8 a
Rougir les fentes de la porte. 8 b
85 Alors moi, saisi de stupeur 8 a
Devant cette flamme irisée, 8 b
Je m'avançai. — N'as-tu pas peur ? 8 a
Dis-je tout bas à l'accusée. 8 b
La Gauloise leva son front 8 a
90 Plus droit que celui des grands chênes. 8 b
J'entends bien que, pour mon affront, 8 a
On forge de nouvelles chaînes ; 8 b
Peut-être on invente ce jeu 8 a
Pour me faire mourir, dit-elle ; 8 b
95 Mais un point me rassure un peu… 8 a
C'est que je me sais immortelle ! 8 b
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