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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Travail stérile
Le Poëte
O vous qui fûtes les amants 8 a
De toutes les vertus naguères, 8 b
Que faites-vous, bons Allemands, 8 a
Dans ces épouvantables guerres ? 8 b
5 Jadis on voyait parmi vous 8 a
Des Achilles et des Pindares : 8 b
Que fais-tu, peuple brave et doux, 8 a
Au milieu des soldats barbares ? 8 b
Les Allemands
Ah ! nous pensions, en vérité, 8 a
10 Fils de la patrie allemande, 8 b
Combattre pour sa liberté ! 8 a
Mais un cuirassier nous commande. 8 b
Nous sommes blessés, nous saignons, 8 a
La liberté mourante expire, 8 b
15 Et dans notre sang nous teignons 8 a
La pourpre d'un nouvel empire ! 8 b
Le Poëte
Vous, braves bourgeois de Leipsick, 8 a
Où vous mènent ces chefs serviles ? 8 b
Les Bourgeois
Pour plaire au moderne Alaric, 8 a
20 Bourgeois, nous détruisons les villes. 8 b
Le Poëte
Et vous commerçants de Hambourg ? 8 a
Les Commerçants
C'est avec la Mort, qui nous berce, 8 b
Qu'à présent, au bruit du tambour 8 a
Nous continuons le commerce. 8 b
Le Poëte
25 Et vous, ô banquiers de Francfort ? 8 a
Les Banquiers
Notre échéance est toute prête : 8 b
Chaque jour, de plus en plus fort, 8 a
Le Carnage sur nous fait traite. 8 b
Le Poète
Et vous, tisserands de Stuttgard ? 8 a
Les Tisserands
30 Sombres ouvriers en démence, 8 b
La main roidie et l'œil hagard, 8 a
Nous tissons un linceul immense. 8 b
Le Poète
Et vous, écoliers de Munich 8 a
Et gais écoliers de Tubingue ? 8 b
Les Écoliers
35 Nous étudions, en public, 8 a
L'art où le bourreau se distingue. 8 b
Le Poète
Et vous, brasseurs de Nuremberg ? 8 a
Les Brasseurs
Nous brassons un triste breuvage, 8 b
Froid comme la neige au Spitzberg, 8 a
40 Et sinistre, et d'un goût sauvage. 8 b
Le Poète
Et vous, hommes des temps anciens, 8 a
Quel est le labeur dérisoire 8 b
Qui vous mêle à ces Prussiens, 8 a
Bûcherons de la Forêt-Noire ? 8 b
Les Bûcherons
45 Exilés sur le grand chemin, 8 a
Dans l'horreur qui nous environne, 8 b
Nous frappons, la cognée en main, 8 a
Pour l'éternelle Bûcheronne. 8 b
Le Poète
O bons Allemands qui, les nuits, 8 a
50 Roulez vos angoisses profondes, 8 b
Songez-vous aux navrants ennuis 8 a
De vos femmes aux tresses blondes ? 8 b
Les Allemands
Nous, les fils du pays du Rhin, 8 a
Où naît la grappe savoureuse, 8 b
55 Nous marchons sous le joug d'airain, 8 a
Pour accomplir une œuvre affreuse, 8 b
Pâles, maudits, courbant nos fronts, 8 a
Menés comme l'esclave russe ; 8 b
Et c'est ainsi que nous aurons 8 a
60 Travaillé pour le roi de Prusse ! 8 b
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite de strophes
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