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Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE TROISIÈME
À UNE MUSE FOLLE
Allons, insoucieuse, ô ma folle compagne, 6+6 a
Voici que l'hiver sombre attriste la campagne, 6+6 a
Rentrons fouler tous deux les splendides coussins ; 6+6 b
C'est le moment de voir le feu briller dans l'âtre ; 6+6 c
5 La bise vient ; j'ai peur de son baiser bleuâtre 6+6 c
Pour la peau blanche de tes seins. 8 b
Allons chercher tous deux la caresse frileuse. 6+6 a
Notre lit est couvert d'une étoffe moelleuse ; 6+6 a
Enroule ma pensée à tes muscles nerveux ; 6+6 b
10 Ma chère âme ! Trésor de la race d'Hélène, 6+6 c
Verse autour de mon corps l'ambre de ton haleine 6+6 c
Et le manteau de tes cheveux. 8 b
Que me fait cette glace aux brillantes arêtes, 6+6 a
Cette neige éternelle utile à maints poëtes 6+6 a
15 Et ce vieil ouragan au blasphème hagard ? 6+6 b
Moi, j'aurai l'ouragan dans l'onde où tu te joues, 6+6 c
La glace dans ton cœur, la neige sur tes joues, 6+6 c
Et l'arc-en-ciel dans ton regard. 8 b
Il faudrait n'avoir pas de bonnes chambres closes, 6+6 a
20 Pour chercher en janvier des strophes et des roses. 6+6 a
Les vers en ce temps-là sont de méchants fardeaux. 6+6 b
Si nous ne trouvons plus les roses que tu sèmes, 6+6 c
Au lieu d'user nos voix à chanter des poëmes, 6+6 c
Nous en ferons sous les rideaux. 8 b
25 Tandis que la Naïade interrompt son murmure 6+6 a
Et que ses tristes flots lui prêtent pour armure 6+6 a
Leurs glaçons transparents faits de cristal ouvré, 6+6 b
Échevelés tous deux sur la couche défaite, 6+6 c
Nous puiserons les vins, pleurs du soleil en fête, 6+6 c
30 Dans un grand cratère doré. 8 b
À nous les arbres morts luttant avec la flamme 6+6 a
Les tapis variés qui réjouissent l'âme, 6+6 a
Et les divans, profonds à nous anéantir ! 6+6 b
Nous nous préserverons de toute rude atteinte 6+6 c
35 Sous des voiles épais de pourpre trois fois teinte 6+6 c
Que signerait l'ancienne Tyr. 8 b
À nous les lambris d'or illuminant les salles, 6+6 a
À nous les contes bleus des nuits orientales, 6+6 a
Caprices pailletés que l'on brode en fumant, 6+6 b
40 Et le loisir sans fin des molles cigarettes 6+6 c
Que le feu caressant pare de collerettes 6+6 c
Où brille un rouge diamant ! 8 b
Ainsi pour de longs jours suspendus notre lyre ; 6+6 a
Aimons-nous ; oublions que nous avons su lire ! 6+6 a
45 Que le vieux goût romain préside à nos repas ! 6+6 b
Apprenons à nous deux comme il est bon de vivre, 6+6 c
Faisons nos plus doux chants et notre plus beau livre, 6+6 c
Le livre que l'on n'écrit pas. 8 b
Tressaille mollement sous la main qui te flatte. 6+6 a
50 Quand le tendre lilas, le vert et l'écarlate, 6+6 a
L'azur délicieux, l'ivoire aux fiers dédains, 6+6 b
Le jaune fleur de soufre aimé de Véronèse 6+6 c
Et le rose du feu qui rougit la fournaise 6+6 c
Éclateront sur les jardins, 8 b
55 Nous irons découvrir aussi notre Amérique ! 6+6 a
L'Eldorado rêvé, le pays chimérique 6+6 a
Où l'Ondine aux yeux bleus sort du lac en songeant, 6+6 b
Où pour Titania la perle noire abonde, 6+6 c
Où près d'Hérodiade avec la fée Habonde 6+6 c
60 Chasse Diane au front d'argent ! 8 b
Mais pour l'heure qu'il est, sur nos vitres gothiques 6+6 a
Brillent des fleurs de givre et des lys fantastiques ; 6+6 a
Tu soupires des mots qui ne sont pas des chants, 6+6 b
Et tes beaux seins polis, plus blancs que deux étoiles, 6+6 c
65 Ont l'air, à la façon dont ils tordent leurs voiles, 6+6 c
De vouloir s'en aller aux champs. 8 b
Donc, fais la révérence au lecteur qui savoure 6+6 a
Peut-être avec plaisir, mais non pas sans bravoure, 6+6 a
Tes délires de muse et mes rêves de fou, 6+6 b
70 Et, comme en te courbant dans un adieu suprême, 6+6 c
Jette-lui, si tu veux, pour ton meilleur poëme, 6+6 c
Tes bras de femme autour du cou ! 8 b
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