Métrique en Ligne
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e "e" féminin
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e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAN_1/BAN5
Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE PREMIER
LES BAISERS DE PIERRE
La lumière des candélabres devint
blafarde et verte, les yeux des femmes
et les diamants s'éteignirent ; le rubis
radieux étincelait seul au milieu du
salon obscurci,comme un soleil dans
la brume.
THÉOPHILE GAUTIER, Onuphrius.
à Armand Du Mesnil
Sois béni, mon très cher !Ta gracieuse lettre 6+6 a
M'a trouvé justementcomme j'allais me mettre 6+6 a
Au lit. Quand sur un verson s'est presque endormi, 6+6 a
C'est un charmant réveilqu'une lettre d'ami ; 6+6 a
5 Un carré de papierqui vient de tant de lieues, 6+6 a
Auprès du foyer rougeou des collines bleues, 6+6 a
Vous dire les échosde la grande cité ! 6+6 a
Oh ! Cher ! En te lisant,mon cœur tout excité 6+6 a
S'élançait dans l'azurvers son Paris grisâtre. 6+6 a
10 Le feu plein de rubisqui pétille dans l'âtre, 6+6 a
La cigarette amieet le punch vigilant 6+6 a
Qui fait danser au murun farfadet sanglant, 6+6 a
Notre bon far-nienteavec nos causeries, 6+6 a
Nos divagationsdans les routes fleuries, 6+6 a
15 Je voyais tout cela !Près des riants Lignons 6+6 a
J'égarais de nouveautous nos chers compagnons 6+6 a
Qui remplissent de vinles verres de Venise, 6+6 a
Et ces pâles enfantsque mon vers divinise 6+6 a
Et dont la lèvre, prompteà nous incendier, 6+6 a
20 A pris sa folle pourpreaux fleurs du grenadier. 6+6 a
 Ce que j'aime de toi,c'est que la poésie 6+6 a
Qui coule sous ta plumeet qui me rassasie, 6+6 a
N'exclut aucunementces détails parfumés 6+6 a
Qui reportent le cœursur les objets aimés. 6+6 a
25 Tu rêves donc toujours !Et Victor ? Il travaille. 6+6 a
Son destin est marqué,vois-tu. Vaille que vaille, 6+6 a
Il ira loin. Alfredaime toujours Jenny ? 6+6 a
Hélas ! Si, pitoyableà son rêve infini, 6+6 a
Elle entr'ouvrait le cielà cet enfant qui souffre, 6+6 a
30 Il nous rappelleraitDécius et le gouffre. 6+6 a
Il est triste pourtant,pour un beau chérubin, 6+6 a
D'avoir vu tant de foisson Ève dans le bain, 6+6 a
De l'avoir aspiréeà long regard de faune, 6+6 a
Sans pouvoir défleurirle bout de son gant jaune. 6+6 a
35 Un jour qu'il ébauchaitla Magdeleine en pleurs, 6+6 a
Jenny parut soudain,comme un bouquet de fleurs : 6+6 a
Le tableau saint lui plut,à la fille profane ; 6+6 a
Mais il était promisà quelque autre sultane, 6+6 a
Si bien que notre amijna devant l'Éden 6+6 a
40 Qu'il se serait ouvertau seul prix d'un amen. 6+6 a
Une chose, à mon sens,qu'on doit trouver exquise, 6+6 a
C'est ce que tu me dis,cette pauvre marquise 6+6 a
Toujours en pleurs, toujoursfidèle à son tourment ! 6+6 a
On dit Lutèce tristeépouvantablement, 6+6 a
45 Et que dans cet ennui,dont s'augmente la dose, 6+6 a
On adore pourtantMademoiselle Doze. 6+6 a
Un nouveau diable est-ilentré dans le beffroi ? 6+6 a
Dis-moi l'événementdu jour, tandis que moi, 6+6 a
Pour te conter aussiquelque nouvelle histoire, 6+6 a
50 Je fouille vainementle fond de l'écritoire. 6+6 a
 Dois-je à ton préjudice,infortuné songeur ! 6+6 a
Abuser des récitsque pare un voyageur ? 6+6 a
Cela m'ennuierait fort,et ce serait folie. 6+6 a
Eussé-je parcourul'Espagne ou l'Italie, 6+6 a
55 Rien ne t'empêcheraiten me laissant moi, nain, 6+6 a
De lire là-dessusDumas, ou mieux, Janin. 6+6 a
Et d'ailleurs, à Bourbon,aux pelouses d'Avermes, 6+6 a
Dont l'Allier, fleuve d'or,arrose les dieux Termes, 6+6 a
À Souvigny, vieille urbs, près des noirs piliers 6+6 a
60 Dorment sur leurs tombeauxd'antiques chevaliers, 6+6 a
À Moulins, sous les vieuxtilleuls du cours Bérulle, 6+6 a
J'ai gardé la folieet l'amour qui me brûle. 6+6 a
Je suis toujours le mêmeet tel que tu m'as vu, 6+6 a
De fantaisie étrangeabondamment pourvu, 6+6 a
65 Joyeux, gai, chérissantla vie et son ivresse, 6+6 a
Mais plus jaloux toujoursde ma blonde paresse. 6+6 a
Je continue à croireici que les héros 6+6 a
Trouveraient dans les champs,à l'ombre des sureaux, 6+6 a
Ce qu'ils cherchent au seindes batailles rangées. 6+6 a
70 Quant aux paupières, moi,je les aime orangées. 6+6 a
Pour dormir le matin,j'aime épais les rideaux, 6+6 a
Et préfère ardemmentle Bourgogne au Bordeaux. 6+6 a
Puis, n'étant pas de ceuxque l'amour scandalise, 6+6 a
J'en parle volontierschez une cidalise. 6+6 a
75 Rousse comme à Cythère,et les yeux éclatants, 6+6 a
Sa taille a beaucoup pluquand elle avait vingt ans. 6+6 a
Ainsi, je te l'ai dit,je suis toujours le même, 6+6 a
Toujours aussi français,toujours aussi bohême, 6+6 a
Toujours de bonne raceenfin, dur comme un roc 6+6 a
80 Aux faiseurs, et moins fortque le bon Paul De Kock 6+6 a
Pour agencer tout seulle plan de quelque chose, 6+6 a
Du reste, chérissantl'écarlate et le rose. 6+6 a
 Ma muse, à moi, n'est pasune de ces beautés 6+6 a
Qui se drapent dans l'ombreavec leurs majestés 6+6 a
85 Comme avec un manteauromain. C'est une fille 6+6 a
À l'allure hardie,au regard qui pétille ; 6+6 a
Charmeresse indolente,elle sait parfumer 6+6 a
Ses bras nus de verveineet de rose, et fumer 6+6 b
La cigarette ; elle ades étreintes lascives, 6+6 c
90 Des chastetés d'enfantet des larmes furtives. 6+6 c
Ne t'étonne donc pasque de l'ami Prosper 6+6 b
Elle ne t'ait pas faitun héros duc et pair. 6+6 a
Si le supplice lentque son loisir te forge, 6+6 a
L'ennui, te saisissaitpar trop fort à la gorge, 6+6 a
95 Car, par oubli sans doute,on n'a pas fait de loi 6+6 a
Contre les rimailleurs,eh bien ! Figure-toi 6+6 a
Que nous sommes encoreà ces folles soirées, 6+6 a
nous buvions l'espoirdans les coupes dorées, 6+6 a
nos yeux pleins de rêve,autour du kirsch en feu, 6+6 a
100 Dans les flots de fuméeavaient un pays bleu. 6+6 a
On y raillait toujoursquelqu'un ou quelque chose ; 6+6 a
Nous lisions, moi, des vers,parbleu ! Toi, de la prose ; 6+6 a
Le poëte pourtant,c'est bien toi. Le passé 6+6 a
Revient, je continueun récit commencé. 6+6 a
105  Donc, Prosper appart.Seize ans, l'âge critique. 6+6 a
Avec un père imbude la sagesse antique, 6+6 a
Un père homme d'esprit,là, comme on n'en voit pas, 6+6 a
Tout plein d'un vieux respectpour les quatre repas, 6+6 a
Mais qui, fort dénuédu revenu des princes, 6+6 a
110 Trouvait bon de laisserson épouse aux provinces. 6+6 a
Et puis une cousineau regard enragé 6+6 a
Qui sortait chez le pèreaux grands jours de congé, 6+6 a
Un démon de velours,une pensionnaire 6+6 a
Dont le vainqueur d'Elviret fait son ordinaire. 6+6 a
115 Petits pieds andalous,braise rougeâtre aux yeux, 6+6 a
Corps de liane, brasd'ivoire, cheveux bleus. 6+6 a
Tout cela s'appelaitJudith. La vierge, en somme, 6+6 a
t fait par son sourireun empereur d'un homme. 6+6 a
Prosper ne devint pasdu tout empereur, mais 6+6 a
120 Il devint en revancheamoureux, ou jamais 6+6 a
Homme ne désiracette pourpre enchantée 6+6 a
Qui frémit sur la lèvreen fleur de Galatée. 6+6 a
Il aimait à tel point,lui, qu'il en maigrissait. 6+6 a
Comment la guérisonarriva, Dieu le sait. 6+6 a
125  Ce fut d'abord un soir,sous une allée ombreuse : 6+6 a
Judith lui confiaqu'elle était malheureuse, 6+6 a
Que sa petite amieaimait un monsieur brun, 6+6 a
Et qu'elle voudrait bienaimer aussi quelqu'un. 6+6 a
Notez que ce jeune hommeavait deux noirs complices 6+6 a
130 De son naissant amour,oui, deux moustaches lisses 6+6 a
Comme une aile de cygne,et qu'il était rempli 6+6 a
De politesse ; enfinun jeune homme accompli. 6+6 a
Prosper lui répliqua :moi, je n'ai pas encore 6+6 a
De moustaches ; mais, vois,ma lèvre se colore, 6+6 a
135 Et j'en aurai bientôt.Si tu veux me laisser 6+6 a
T'aimer, sois ma chère âme,et je vais t'embrasser. 6+6 a
 Or, Judith objectaqu'elle avait eu la fièvre, 6+6 a
Que les baisers laissaientdes traces sur la lèvre, 6+6 a
Et se mit en colèreavec sa douce voix, 6+6 a
140 Si bien que son cousinl'embrassa quatre fois. 6+6 a
Puis elle n'osa plusse fâcher, dans la crainte 6+6 a
D'être embrassée encor.Voyez quelle contrainte ! 6+6 a
Les choses allaient doncau mieux. S'il n't fallu 6+6 a
Rentrer pour le souper,tu ne m'aurais pas lu 6+6 a
145 Davantage. Le cœurde Prosper se dilate, 6+6 a
Et la fillette sembleune rose écarlate. 6+6 a
Le pater Anchises,qui commence à souffrir 6+6 a
D'une superbe faim,a crié d'accourir, 6+6 a
Et jure que le soiron attrape du rhume. 6+6 a
150 Prosper prouve contraque l'exercice allume 6+6 a
L'appétit, et qu'aux nerfsil est quelquefois bon. 6+6 a
Le père, là-dessus,découpe le jambon. 6+6 a
 Que ton parfum est doux,ô suave caresse ! 6+6 a
Ô bonheur encor chasteet déjà plein d'ivresse ! 6+6 a
155 Oh ! Ces regards tout pleinsde billets doux, ces pieds 6+6 a
Qui se cherchent tout bas,vainement épiés ! 6+6 a
Oh ! Comme cet amour,enfant né dans les flammes, 6+6 a
Est un bon statuaireet sait pétrir les âmes ! 6+6 a
Oh ! Que tristes et longspassent les lendemains ! 6+6 a
160 Comme on invente alors,pour se tenir les mains, 6+6 a
Quelque moyen nouveauque l'on ignorait ! Comme 6+6 a
Il veut dire à la fois,le nom dont on la nomme, 6+6 a
Étoile, perle, fleur,chanson, lumière ! Et puis 6+6 a
Tu sais, on va le soirregarder dans le puits 6+6 a
165 La fleur qui de ses mainsfragiles est tombée. 6+6 a
Je crois qu'on la prendraitd'une seule enjambée ! 6+6 a
Comme tout devient roseet doux ! Comme on est fier 6+6 a
Du vieux ruban flétriqu'elle portait hier ! 6+6 a
Ô démence ineffableet qui nous fait rentre ! 6+6 a
170 On en serait heureux,si quelqu'un pouvait l'être. 6+6 a
 Pourquoi le cœur est-ilsi large et si profond, 6+6 a
Que nulle voluptén'en atteigne le fond ? 6+6 a
Pourquoi, noyé des feuxd'une humide prunelle, 6+6 a
Voulons-nous embrasserla menteuse éternelle, 6+6 a
175 Et d' vient ce désird'être déchiqueté 6+6 a
Entre les doigts crochusde la réalité ? 6+6 b
Certes, Prosper avaitune âme de poëte, 6+6 c
Mais de riches désirsbouillonnaient dans sa tête, 6+6 c
Et ses sens lui disaientque ce n'est pas assez 6+6 b
180 De la communiondes regards embrassés. 6+6 a
Souvent il s'en alladans les bruyères sombres, 6+6 a
La nuit, s'asseoir tout seulau milieu des décombres ; 6+6 a
Il s'en alla gravirle pied fangeux des monts, 6+6 a
les rocs denteléssemblent de noirs démons : 6+6 a
185 La lune aux yeux d'argentfrissonnait. La rosée 6+6 a
Pleurait de chastes pleurssur sa bouche arrosée ; 6+6 a
Tout semblait un joyaudoux et silencieux ; 6+6 a
La terre d'émeraudeet la turquoise aux cieux, 6+6 a
Et le frêle rameautendant sa verte palme ; 6+6 a
190 Tout, excepté les sensde Prosper, était calme. 6+6 a
 Au fait, comment restertant de jours sans se voir ? 6+6 a
Vivre un jour sur huit jours,est-ce vivre ? Et le soir 6+6 a
Se quitter ! Et sentirsur une froide couche 6+6 a
La solitude avecson baiser sur la bouche, 6+6 a
195 Courtisane de marbre,et qui vient vous saisir 6+6 a
Quand votre ami la chasseaux rires du plaisir ! 6+6 a
Et ces rêves menteurs !Et ces nuits d'insomnie, 6+6 a
Quand, près du temple dortla chère Polymnie, 6+6 a
On rôde, l'œil fixésur le vieux mur éteint 6+6 a
200 Qui des rayons du mondea préservé son teint ! 6+6 a
 Un grand homme inconnu,joueur de chez Procope, 6+6 a
Disait que le désirest un bon microscope : 6+6 a
Or, tant de fois Prospervint explorer le mur, 6+6 a
Que pour cet examenun soir le trouva mûr. 6+6 a
205 Il vit qu'au résuméla pente était fort douce, 6+6 a
Et les pierres d'en hautrecouvertes de mousse. 6+6 a
Il alla donc trouverJudith, et lui fit part 6+6 a
De l'idée. On pouvaitassiéger le rempart. 6+6 a
L'enfant sourit tout bas,baissa sur les étoiles 6+6 a
210 De ses pudiques yeuxl'ébène de leurs voiles, 6+6 a
Et dit que là-dessusil fallait éclairer 6+6 a
La sous-mtresse, afinque l'on fît réparer 6+6 a
La muraille. Tu voisqu'ils étaient loin de compte. 6+6 a
Prosper à ce mot-làdevint rouge de honte. 6+6 a
215 Puis vinrent les serments,les larmes, les combats. 6+6 a
Elle écoutait si bien,et lui parlait si bas, 6+6 a
Qu'à peine si la briseavec ses ailes d'ange 6+6 a
Emporta quelques motsde ce céleste échange. 6+6 a
—Vous me faites mourir,monsieur ! —venez ici ! 6+6 a
220 —Non, je te hais ; va-t'en !—vous croyez ? Grand merci ! 6+6 a
Et mon honneur, monsieur !Un mur ! La belle histoire ! 6+6 a
—Je t'aime ! —taisez-vous,démon ! —un bras d'ivoire ! 6+6 a
—Mais je n'y viendrai pas.—des yeux à s'y noyer ! 6+6 a
—Vous mentez, vous ! —je t'aime !oh ! Le beau plaidoyer ! 6+6 a
225 Ici la brise encorpassa mystérieuse, 6+6 a
En courbant les rameauxdu saule et de l'yeuse. 6+6 a
On peut, sans être vue,en un sombre peignoir… 6+6 a
On ne peut pas, monsieur !—s'échapper du dortoir. 6+6 a
—Je ne t'écoute plus.enfant ! —oh ! Dis, toi-même, 6+6 a
230 Non, tu ne voudrais pasme perdre ainsi ! —je t'aime. 6+6 a
Ces pauvres amoureuxn'ont pas d'autre raison ! 6+6 a
Celle-là, par bonheur,est toujours de saison. 6+6 a
Parlèrent-ils encor ?Je ne sais trop. La brise 6+6 a
Ne les entendit plus.Mais, sur la pierre grise, 6+6 a
235 Près du mur dont la moussea rongé les granits, 6+6 a
Elle revint un soirbaiser leurs fronts unis. 6+6 a
Quelle joie, ô mon dieu !Les heures solennelles, 6+6 a
La nuit qu'ils éclairaientde leurs chaudes prunelles, 6+6 a
Le parfum des jasminset des pâles rosiers, 6+6 a
240 Tout prenait à la foisleurs cœurs extasiés. 6+6 a
La brise soupiraitentre eux deux. Leurs paroles 6+6 a
Ne s'échangèrent plus,et puis leurs lèvres folles 6+6 a
Confirmèrent tout basles clauses de l'hymen 6+6 a
Que la main de chacunjurait à l'autre main. 6+6 a
245 Ce fut comme un éclair flambent deux nuages, 6+6 a
Ineffable momentque les plus durs naufrages 6+6 a
Ne sauraient arracherdu cœur ! Car, si profond 6+6 a
Qu'il soit, et quelque fielqu'il élabore au fond, 6+6 a
Quelque orage qu'un jourla passion y fasse, 6+6 a
250 Toujours ce feu célesteen dore la surface. 6+6 a
Oh ! Comme ils oubliaientle monde, cet égout ! 6+6 a
Et leurs plaisirs d'enfant,et leurs mères, et tout ! 6+6 a
Comme au baptême saintdes invisibles flammes 6+6 a
Ils brûlaient leurs passéset retrempaient leurs âmes ! 6+6 a
255 Fut-ce un rare bonheurpour les sens enlacés ? 6+6 a
Oui, mais les vrais momentsd'extase était passés ; 6+6 a
Car les plus doux transportssont dans l'inquiétude 6+6 a
Dont les rêves s'en vontà la béatitude, 6+6 a
Quand le cœur comprimédoute, et sous le surcrt 6+6 a
260 Du doute, se replieet se réveille, et croit ! 6+6 a
 Mais quand l'illusions'incarne tout entière, 6+6 a
Lorsque l'ange du rêveest devenu matière, 6+6 a
On ne sait plus alorsce qu'on en pensera. 6+6 a
C'est le provincialqui vient à l'opéra 6+6 a
265 Des clochers inconnusde sa verte campagne. 6+6 a
Il vient comme on viendraitau pays de Cocagne, 6+6 a
Si bien que ni le chant,ni le public choisi, 6+6 a
Ni le vol fabuleuxde Carlotta Grisi 6+6 a
Et les pâles Willisavec leurs maillots roses, 6+6 a
270 Ne semblent à ses yeuxde merveilleuses choses. 6+6 a
Il rêvait tout moins beau,mais quelque chose encor, 6+6 a
Et croyait au perrontrouver des marches d'or. 6+6 a
C'est ainsi que l'espoirs'entoure de mensonges, 6+6 a
Et que la passionest un pays de songes 6+6 a
275 l'on va comme un hommeenivré d'alcool. 6+6 a
Il semble qu'on va suivreun aigle dans son vol, 6+6 a
Qu'on est grand, que la joieet ses rudes atteintes 6+6 a
En râles convulsifstordront les chairs éteintes, 6+6 a
Qu'on se relèveratout autre ; mais souvent 6+6 a
280 On se retrouve aprèsgros-jean comme devant. 6+6 a
 Aussi lorsque j'ai soifde rage et de caresse, 6+6 a
En un mot, que je veuxchoisir une mtresse 6+6 a
Telle que le dieu grecles élève à son jeu, 6+6 a
Une femme de lit,je m'inquiète peu 6+6 a
285 Des petits pieds de reineet des yeux en amandes. 6+6 a
Ce qu'il me faut, à moi,ce sont les chairs flamandes 6+6 a
Que dessinait Rubensde son hardi pinceau. 6+6 a
Quant à ces dona solaux tailles d'arbrisseau 6+6 a
Dont les cheveux pleureursvont en rameaux de saules, 6+6 a
290 C'est trop triste pour moi.Mais de larges épaules, 6+6 a
Des jambes d'amazoneet des bras sans défaut, 6+6 a
Et des muscles de fer,voilà ce qu'il me faut ! 6+6 a
Avec son torse fier,la vénus Callipyge, 6+6 a
Comme poëme épique,est un rare prodige. 6+6 a
295 Des bandeaux moyen âgeavec des yeux cernés 6+6 a
Font de sombres profilsd'archanges consternés ; 6+6 a
Mais cette lèvre rougeet ce sein qui frissonne, 6+6 a
Le port majestueuxque la stature donne, 6+6 a
Ces hanches aux plis durs,ces robustes appas, 6+6 a
300 Qui vous les donnera,si vous n'en avez pas ? 6+6 a
 Il faut avoir jaunidans un cachot bien sombre, 6+6 a
de pâles serpentsse caressent dans l'ombre, 6+6 a
Pour bien savourer l'airet la beauté des cieux. 6+6 a
On se blase sur tout :sur l'azur des beaux yeux, 6+6 a
305 Sur le scribe fécond,sur le pâté d'anguille, 6+6 a
Sur le chant que murmureune rieuse fille ; 6+6 a
Et toutes les beautésauxquelles nous croyons 6+6 a
Tombent au souffle impurdes désillusions. 6+6 a
Le grand héros nous sembleun meurtrier. Le prince 6+6 a
310 Est pour nous un flâneurvenu de sa province, 6+6 a
Le politique un sotraillé par le destin, 6+6 a
La vierge une Isabelleagaçant Mezetin, 6+6 a
L'astronome savantun fou dans les étoiles, 6+6 a
Ce divin coloristeun barbouilleur de toiles ; 6+6 a
315 Nos souvenirs aimésdeviennent des fardeaux, 6+6 a
Et les pauvres honteuxachètent des landaus. 6+6 a
L'espérance se faitun chagrin près d'éclore, 6+6 a
L'amour un impudentmarché ; le météore 6+6 a
Un lampion fumeuxaccroupi sur un if. 6+6 a
320 Des seins fermes et lourds,au moins, c'est positif. 6+6 a
 Quoique Prosper n't pasdans cette nuit peut-être 6+6 a
Connu tout le bonheurqu'il rêvait sous le hêtre, 6+6 a
Lorsque le blond Phœbusparut à l'horizon, 6+6 a
Il partit, mais laissantson cœur à la maison, 6+6 a
325 Si bien que l'on trouvasa démarche légère. 6+6 a
Puis il vécut ensuiteau sein d'une atmosphère 6+6 a
De bagues en cheveux,de petits billets doux, 6+6 a
Éden de souvenirs,de fleurs, de rendez-vous, 6+6 a
Qui put, malgré l'effortde la fortune humaine, 6+6 a
330 Comme dans la chanson,durer une semaine. 6+6 a
Quoi, huit jours seulement !C'est bien peu, diras-tu. 6+6 a
Être huit jours fidèleest presque une vertu : 6+6 a
D'abord on a le tempsd'écrire plusieurs stances 6+6 a
Quand on s'aime huit jours.Et puis les circonstances 6+6 a
335 Viennent souvent forcerà se quitter plus tôt 6+6 a
Qu'on ne veut. Le malheurest un grand paletot 6+6 a
Qu'endosse tour à tourchaque homme, et que sans honte 6+6 a
Prosper doit endosserà cet endroit du conte. 6+6 a
 Ce conte, pour toi seul,ami, je l'ai rimé ; 6+6 a
340 Toutefois, s'il fallaitqu'on le vît imprimé, 6+6 a
Sortant pour cette foisde la nuit protectrice, 6+6 a
Je m'agenouilleraisaux pieds de ma lectrice, 6+6 a
Petits pieds que je vois,chaussés d'un clair velours, 6+6 a
Mollement endormissur des coussins bien lourds ; 6+6 a
345 Charmante cautionpour répondre du reste. 6+6 a
Puis en levant les yeux,je verrais sans conteste 6+6 a
Un visage adornéd'un éclat non pareil, 6+6 a
Un front d'ivoire matet des yeux de soleil ; 6+6 a
Puis un hardi corsage,et, sur un flanc qui ploie, 6+6 a
350 Des cheveux soyeux, pleinsde délire et de joie, 6+6 a
Sombres comme le noirfeuillage des forêts. 6+6 a
Or, je crois que voicice que je lui dirais : 6+6 a
Ô ma dame d'amour !Mon amante inconnue ! 6+6 a
À qui la véritéparle ici toute nue, 6+6 a
355 Oh ! Si, réalisanttous mes rêves de fou, 6+6 a
Chère, vous me vouliezjeter vos bras au cou, 6+6 a
À l'heure l'ombre molleendort les tubéreuses, 6+6 a
Et me donner huit nuitsde vos nuits amoureuses, 6+6 a
(Éros devine alorsce que je tenterais ! ) 6+6 a
360 Ma dame, sur l'honneur,je m'en contenterais. 6+6 a
 Enfin, comment cessace bonheur éphémère ? 6+6 a
Cela vint de Prosper.Qui l'aurait cru ? Sa mère 6+6 a
Mourut tout justementà cette époque-là. 6+6 a
Or, elle avait un frèrené, qu'on rappela 6+6 a
365 D'exil en mil huit centquatorze. Un gentilhomme 6+6 a
Très entiché des fleursde lys, et brave comme 6+6 a
Bayard, au temps jadisfort bien vu de la cour. 6+6 a
La digne sœur et luise chérissaient, et pour 6+6 a
Se réunir encordans la main l'on tremble 6+6 a
370 Et ne pas se quitter,ils moururent ensemble 6+6 a
De vieillesse. Prosperfut contraint de partir 6+6 a
Pour recueillir avecdes sanglots de martyr 6+6 a
L'héritage de l'oncle,un fort bel héritage 6+6 a
Qui n'aurait pas tenude Penafiel au Tage. 6+6 a
375 Ayant enfin remplitous les devoirs que feu 6+6 a
Notre oncle, s'il fut riche,impose à son neveu, 6+6 a
Il s'entoura d'un crêpe,et prit la malle-poste, 6+6 a
Rêveur comme un lépreuxde la cité d'Aoste. 6+6 a
De plus, quand il revint,son père avait quitté 6+6 a
380 Notre monde frivoleet plein d'iniquité. 6+6 a
Que de morts à la fois !C'est comme un mélodrame 6+6 a
les trépas fameuxs'impriment à la rame, 6+6 a
Bel art au nom duquelD'Ennery mérita 6+6 a
La croix ! Prosper pleurabeaucoup, mais hérita. 6+6 a
385 C'est un baume aux chagrinsles plus cuisants. En somme 6+6 a
Il t trouvé l'auteurde ses jours un brave homme, 6+6 a
Si ce pauvre vieillardà ses derniers moments, 6+6 a
Quoiqu'il t toujours eules meilleurs sentiments, 6+6 a
Ne se fût laissé faireune bévue exquise. 6+6 a
390 Je te le donne en cent !Il fit… Judith marquise. 6+6 a
 Afin qu'elle t un pèreavec un bel hôtel, 6+6 a
Un jour il la menatoute blanche à l'autel. 6+6 a
Quant à son jeune époux,ce fut un diplomate 6+6 a
Haut, sec, raide, pompeux,monté dans sa cravate, 6+6 a
395 Droit comme un lys, couvertde croix, éblouissant, 6+6 a
Et portant de sinopleau griffon d'or yssant 6+6 a
Du chef ; d'ailleurs sauvage,aimant la solitude, 6+6 a
Et voyageant toujours ;mais ayant l'habitude 6+6 a
Mauvaise de rentrerdans sa demeure à pas 6+6 a
400 De loup, toutes les foisqu'on ne l'attendait pas. 6+6 a
Pour les fleurs sans parfum,le satin et le cierge, 6+6 a
Oublia-t-elle doncses doux serments de vierge ? 6+6 a
Son cœur fut donc un gouffre l'on pouvait plonger 6+6 a
Ses rêves, sans que rienne dût y surnager ? 6+6 a
405 Peut-être. Elle ne vitdans cet épithalame 6+6 a
Qu'un moyen tout trouvéde jouer à la dame. 6+6 a
Elle eut de fins chevaux,des villas, des palais, 6+6 a
Du drap rouge fort chersur des corps de valets, 6+6 a
Et fit merveille au boisavec ses équipages. 6+6 a
410 On prétendit alorsqu'elle eut même des pages. 6+6 a
 Aussi ne parlons pasde ces pensionnats 6+6 a
l'on a le secretde charmants incarnats 6+6 a
Pour se faire monterla pudeur au visage, 6+6 a
Lorsqu'un œil indiscretvous fixe le corsage. 6+6 a
415 Oh ! Si quelqu'un lisaitsous vos regards baissés 6+6 a
Tous les impurs désirsdont vous vous enlacez, 6+6 a
Courtisanes d'esprit,filles dont le corps chaste 6+6 a
Est comme un champ de fleursque l'ouragan dévaste ! 6+6 a
Pâles virginités,vertus sans lendemain, 6+6 a
420 Laissant votre dépouilleaux buissons du chemin ! 6+6 a
Écoute, le hasard,ou bien les dieux prospères 6+6 a
M'ont fait vivre un instantdans un de ces repaires. 6+6 a
J'y cherchais un échodes chants du paradis. 6+6 a
N'aurais-tu pas pensécomme je pensais, dis ? 6+6 a
425 Eh bien, souvent, le soir,caché sous des charmilles, 6+6 a
J'ai surpris le secretde quelques blondes filles, 6+6 a
J'écoutais inquiet,presque comme un amant, 6+6 a
Et j'ai senti le rougeà ma face. Vraiment 6+6 a
Il se murmure làdes discours dont l'exorde 6+6 a
430 Soulèverait le cœuraux danseuses de corde ! 6+6 a
Puis, c'est là qu'on apprendle sourire qui mord 6+6 a
Et l'art si compliquéde mentir sans remord. 6+6 a
Ne crois pas que Judithfût donc embarrassée 6+6 a
Pour dire à son cousinqu'on l'avait tant forcée 6+6 a
435 Qu'elle n'avait pas purefuser cet oison. 6+6 a
Prosper lui répliqua :vous avez bien raison, 6+6 a
Et ce n'est après toutqu'une affaire de forme, 6+6 a
Car un époux marquisreste, pourvu qu'il dorme, 6+6 a
Un meuble de salonà ne pas dédaigner. 6+6 a
440 Mais un ancien amourpermet d'égratigner 6+6 b
Le papier qu'a noirci,par un affreux mystère, 6+6 c
Hymen, ce dieu qui porteun habit de notaire. 6+6 c
 Tu sais que tous les deuxaimaient à discuter, 6+6 b
Car nous les avons vusautrefois affronter 6+6 a
445 La nuit frche, sous uneallée ombreuse et noire, 6−6 a
À l'heure douce Puckdans le ruisseau vient boire ; 6+6 a
Tu sais que, tous les deux,après ces beaux discours, 6+6 a
Nous les avons trouvésdans des spasmes bien courts 6+6 a
Au fond d'un vieux jardin,sur le banc, dont la mousse 6+6 a
450 Empruntait à Phœbésa lueur pâle et douce. 6+6 a
Après les pourparlersdont il s'agit ici, 6+6 a
Nous devons comme alorsles retrouver aussi, 6+6 a
Non pas dans un jardin,nous sommes en décembre, 6+6 a
Mais au fond d'un boudoirrose et parfumé d'ambre, 6+6 a
455 Avec de gros coussinsvêtus de velours verts, 6+6 a
Comme on aime à les voirdans le cœur des hivers ; 6+6 a
Boudoir fort isolé,n'ayant pour toute issue 6+6 a
Qu'une fenêtre hauteassise sur la rue. 6+6 a
La nymphe du foyerdevient rouge, le thé 6+6 a
460 Par Judith elle-mêmeest bientôt apprêté, 6+6 b
Puis dans les flacons d'orle vin de Syracuse 6+6 c
Offre aux jeunes amantsune charmante excuse 6+6 c
De toutes les pudeursqu'ils pourraient oublier. 6+6 b
Oh ! Quel désir aigules vint alors lier ! 6+6 a
465 Qu'ils allaient bien mourirdans ces voluptés sombres 6+6 a
Que l'ange de la nuitcaresse de ses ombres, 6+6 a
Et dont ils connaissaientl'extase jusqu'au fond ! 6+6 a
Mais voilà le mari,diplomate profond, 6+6 a
Qui revient tout à coup,montrant sous sa paupière 6+6 a
470 L'impassible regarddu convié de pierre. 6+6 b
Deux hommes sur les brasalors qu'on en veut un, 6+6 c
Certes, cela doit êtreun conflit importun, 6+6 c
Et l'on voudrait s'enfuirdans un autre hémisphère. 6+6 b
Pas de cachette, hélas !Que résoudre ? Que faire ? 6+6 a
475 Encore, à l'ambigu-comique, ce serait 6−6 a
Facile, on trouveraitun passage secret 6+6 a
Dans un mur féodal.Se tuer l'un ou l'autre 6+6 a
Sans pouvoir seulementdire de patenôtre, 6+6 a
C'est un moyen fossileet maintenant honni ; 6+6 a
480 D'ailleurs cela seraitimité d'Antony. 6+6 a
 Puis, Judith n'était pasde ces femmes novices 6+6 a
Qui prouvent leur amouravec des sacrifices, 6+6 a
Et qui donnent leur vie,en faisant peu de cas. 6+6 a
Elle jeta la lampeavec un grand fracas, 6+6 a
485 Et se mit à rugirce cri de rage folle 6+6 a
Que hurle avec horreurla femme qu'on viole. 6+6 a
Aussitôt parut, fiercomme un toréador, 6+6 a
Un suisse vert-lézardcaparaçonné d'or, 6+6 a
Qui, jaloux de servirles vertus de madame, 6+6 a
490 Pour la première foissut dégainer sa lame. 6+6 a
Comme tous les chasseurs,ce fat malencontreux 6+6 a
Des pieds de sa mtresseétait fort amoureux ; 6+6 a
Ce fut donc comme un tigrealtéré de carnage 6+6 a
Qu'il arrêta Prosper,et, contre tout usage, 6+6 a
495 Le jeta sans façonpar la fenêtre, avant 6+6 a
De regarder au moinss'il faisait trop de vent. 6+6 a
Madame, quand parutson noble misanthrope, 6+6 a
Eut tout juste le tempsde tomber en syncope, 6+6 a
Comme une Sémélédevant son Jupiter. 6+6 a
500 Le raide commandeurdemanda de l'éther. 6+6 a
L'événement courutle lendemain. La presse 6+6 a
Pour gloser sans mesureoublia sa paresse ; 6+6 a
On en parla beaucoupdans les nobles faubourgs, 6+6 a
Et Judith fut maladeau moins quinze grands jours. 6+6 a
505  Descendons si tu veuxdans la rue, la neige 6+6 a
Étend sur le pavéson manteau de Norwège. 6+6 a
Quand le pauvre Prospers'éveilla pâle, sans 6+6 a
Un souvenir, et vits'attrouper les passants, 6+6 a
Il se trouva meurtrisur des angles de glace, 6+6 a
510 nous le laisseronssans le bouger de place, 6+6 a
Tel est notre caprice,encor pour quelques vers. 6+6 a
D'autant qu'on se fatigueà ces récits divers, 6+6 a
Et qu'il me faut quitterla mystique ceinture, 6+6 a
Car nous avons ce soirbal à la préfecture. 6+6 a
515 Déjà le jacquemart,Quasimodo de plomb, 6+6 a
Vient de sonner dix coupsavec beaucoup d'aplomb, 6+6 a
L'ancien hôtel Saincys'entr'ouvre et s'illumine 6+6 a
Tandis que des beautésà la superbe mine 6+6 a
S'y rendent, en passantpar le pompeux séjour 6+6 a
520 Né sous le consulatde Monsieur De Champflour. 6+6 a
 Faut-il continuer ?Je n'en ai guère envie. 6+6 a
Le malheureux Prosper !Comme, en pendant sa vie 6+6 a
À des lèvres de femme,il s'était bien trompé ! 6+6 a
Notre terre promiseest un roc escarpé : 6+6 a
525 Il ne le savait pas ;mais avoir fait son rêve 6+6 a
D'un poëme d'amourqu'une autre main achève, 6+6 a
Être sorti vivantde son passé caduc, 6+6 a
Avoir fouillé son cœurpour en donner le suc, 6+6 a
Puis, amant d'une Églé,se voir trahir par elle, 6+6 a
530 C'est à se rendre ermite,ainsi que Sganarelle. 6+6 b
 Hérodiade, svelteen ses riches habits, 6+6 c
Portant sur un plat d'orconstellé de rubis 6+6 c
La tête de saint Jean-Baptiste qui ruisselle, 6−6 b
Nous résume très bienl'histoire universelle ; 6+6 a
535 Car le sage est toujourscelui qui, la voyant 6+6 a
Sous les tissus vermeilset roses d'orient, 6+6 a
Admire ses yeux noirset les fleurs de l'étoffe. 6+6 a
Mais, par Bacchus ! Pourquoifaire le philosophe 6+6 a
Au bout d'un conte bleuqui nous intéressait ? 6+6 a
540 Disons ce qu'il advintde Prosper. Qui le sait ? 6+6 a
Comme un sombre plongeurqui se confie aux lames, 6+6 a
Il s'engouffra vivantdans une mer de femmes, 6+6 a
Festonna ses rideauxd'actrices et de rats, 6+6 a
Et devint très courudans les deux opéras. 6+6 a
545 Frêles roseaux fleurissur les pierres gothiques, 6+6 a
Types germains coulésdans les moules celtiques, 6+6 a
Bacchantes de Toscaneà la parole d'or, 6+6 a
Pensives Léliasqui cherchaient leur Trenmor, 6+6 a
Elvires aux pieds fins,bijoux d'Andalousie, 6+6 a
550 Vierges à l'œil fendusous le surmé d'Asie, 6+6 a
Il sut tout effeuilleren critique de gt, 6+6 a
Et quand il n'eut plus rienà donner, il eut tout. 6+6 a
Il eut, n'espère pasque je les enregistre, 6+6 a
Au théâtre-françaisl'amante d'un ministre, 6+6 a
555 Dont Paris en silenceadmirait la hauteur 6+6 a
Superbe. Aux environs,la femme d'un auteur 6+6 a
Dramatique, et Fanny,la fille aux lèvres rouges, 6+6 a
Dont la voix éveillaitles morts, et, dans les bouges, 6+6 a
Éléonore, Esther,Léontine et Jenny. 6+6 a
560 Si je te disais tout,quand aurais-je fini ? 6+6 a
 Ce serait trop. D'autantque, grâce à ces astuces, 6+6 a
Il trouva des vertuset des princesses russes, 6+6 a
Qu'il serait dangereuxde nommer pour raison 6+6 a
D'époux, et dont je veuxrespecter le blason. 6+6 a
565 D'ailleurs tout ce plaisirest rampant et livide ; 6+6 a
Avant de s'enivreron voit la coupe vide, 6+6 a
Tandis que le vautour,le souvenir vainqueur, 6+6 a
Vous broie incessammentde ses griffes le cœur. 6+6 a
Oh ! Quelle chose aiméealors semblerait douce ? 6+6 a
570 Le zéphyr caressant,la lumière, la mousse, 6+6 a
Ou le givre odorantdes amandiers fleuris ? 6+6 a
Prosper le blond rêveurn'avait trouvé de prix 6+6 a
À tous ces charmes nusde la jeune nature 6+6 a
Que lorsque à son amieils servaient de parure. 6+6 a
575 Tout est décoloré,discordant et fatal 6+6 a
À présent, tout se tait.Le ruisseau de cristal 6+6 a
Murmurait sur ses piedsdélicats. Le vieux saule 6+6 a
Penchait de verts rameauxjusqu'à sa blanche épaule. 6+6 a
En voltigeant, la briseapportait dans sa voix 6+6 a
580 La chanson du vieux pâtreet l'haleine des bois. 6+6 a
Les fleurs ? ils en avaienteffeuillé les corolles 6+6 a
Pour y lire tout basmille promesses folles. 6+6 a
Ô souvenirs toujoursadorés ! Le soleil ? 6+6 a
Que de fois, éblouisde son éclat vermeil, 6+6 a
585 Étendus sur la mousse,abrités, seuls au monde, 6+6 a
ils l'avaient vu mourirdans un baiser de l'onde ! 6+6 a
Chaque pas, chaque souffleétait un souvenir 6+6 a
De ce bonheur enfuipour ne plus revenir : 6+6 a
Mais au fait, je m'arrêteà faire de l'églogue, 6+6 a
590 Tandis que mon hérosemplit son catalogue. 6+6 a
 Puis-je suivre ses pasjusqu'au pays latin 6+6 a
Et dire ce qu'il dutsouffrir un beau matin 6+6 a
Pour demander du calmeà la philosophie 6+6 a
Que démontre là-basquelque brune Sophie ? 6+6 a
595 Puis-je écrire les nomsd'Annette et de Clara, 6+6 a
Cette autre Dolorès ?Rira bien qui rira 6+6 a
Le dernier. La débaucheà la fin vous enlace 6+6 a
Entre ses bras plus froidset plus durs que la glace, 6+6 a
Et don Juan court au gouffreentr'ouvert sous ses pas, 6+6 a
600 À propos, connais-tu,qui ne la connt pas ? 6+6 a
(on la chante à présentjusque dans Pampelune,) 6+6 a
Cette moisson de lys,blanche comme la lune, 6+6 a
Qu'un païen surnommaPhœbé, pour sa pâleur ? 6+6 a
 Quelle nymphe ! Souvent,par gt pour la couleur 6+6 a
605 Locale, étincelaitparmi sa chevelure, 6+6 a
Masse de diamantsd'une farouche allure, 6+6 a
Un croissant tout en feu,par Janisset courbé. 6+6 a
Prosper la posséda,cette épique Phœbé 6+6 a
Dont chaque nuit absorbe,au dire de la ville, 6+6 a
610 Dix hommes, vingt flaconspleins, et cinquante mille 6+6 a
Francs. Oui, tout cela tombeen poudre sous ses doigts 6+6 a
Comme un vieil oripeaudécousu. Mais tu dois 6+6 a
En avoir entendusouvent parler : c'est elle 6+6 a
Qui, je ne sais pourquoi,se mit dans la cervelle 6+6 a
615 De tuer sans périldeux fats, et seulement 6+6 a
Pendant huit jours entiersprit chacun pour amant. 6+6 a
 Entre toutes, ce futcelle de ses mtresses 6+6 a
Que Prosper préféra,peut-être pour les tresses 6+6 a
De cheveux, qui gênaientsa marche, ou les contours 6+6 a
620 De sa robe, sculptéspar des ciseaux d'amours, 6+6 a
Peut-être pour ses yeuxou ses faunes vieux-Sèvres, 6+6 a
Peut-être pour ses chats,peut-être pour ses lèvres. 6+6 a
Belle femme, elle étaitbonne fille. Il la prit 6+6 a
Noblement, sans façon.Puis, ils eurent l'esprit 6+6 a
625 De se quitter sitôtque le miel de la coupe 6+6 a
Fut au bout, estimanttous les deux qu'une troupe 6+6 a
De bohèmes en saitlà-dessus plus qu'un roi. 6+6 a
Mais s'ils se rencontraientdevant le café Foy, 6+6 a
Ou bien s'ils étaient lasde leurs plaisirs vulgaires, 6+6 a
630 Car les gens du communne les amusaient guères, 6+6 a
S'ils désiraient un soirsortir de leur milieu, 6+6 a
Si Prosper, au sortirdes tréteaux Richelieu, 6+6 a
Voulait pour se guérirvoir un vrai corps de reine, 6+6 a
Alors ils s'en allaientensemble. L'Hippocrène 6+6 a
635 Est un mot à côtéde cette femme-là : 6+6 a
C'est un fait positif,qu'en ses jours de gala 6+6 a
D'un triste portefaixelle t fait un poëte, 6+6 a
Par son étreinte morneet ses poses de tête. 6+6 a
 La source court au fleuve,et la fange à l'égout. 6+6 a
640 Tu dois le remarquer,l'esprit et le bon gt 6+6 a
S'unissent d'ordinaireaux formes les plus pures. 6+6 a
Phœbé le prouve bien.Ni l'or, ni les guipures 6+6 a
Ne cachent son beau cou,mais un camellia 6+6 a
S'embaume à ses cheveux,et, comme Cinthia, 6+6 a
645 Cette calme romaine,hélas ! Trop tard venue, 6+6 a
« sa plus belle parureétant de rester nue, 6+6 a
Deux robes seulementforment tous ses atours, 6+6 a
L'une de moire blancheet l'autre de velours. » 6+6 a
Tout chez elle est parfaitpour l'amour idolâtre. 6+6 a
650 Pas de livres, d'albums,ni de sculpture en plâtre, 6+6 a
Mais une Danaëpeinte par Titien, 6+6 a
Inestimable corpsqu'elle a payé du sien, 6+6 a
De bons divans de perseavec des cordelettes 6+6 a
Et de lourds oreillers,et, comme statuettes, 6+6 a
655 Deux seulement en marbreet semblant percer l'air : 6+6 a
Carlotta la divine,et la rieuse Ellsler ; 6+6 a
Du vin dans des flacons,et près des pipes d'ambre 6+6 a
Les verres de Bohême.Au plancher de la chambre 6+6 a
Pas de riches tapisd'un gt luxuriant, 6+6 a
660 Mais une frche natteen paille d'Orient. 6+6 a
 C'est là que les pieds nus,dans l'ombre accoutumée, 6+6 a
Prosper s'environnaitd'une blanche fumée, 6+6 a
Et, les yeux de la reineépanouis sur lui, 6+6 a
Comme un autre Aenéas,racontait son ennui : 6+6 a
665 —Par Hercule ! Dit-il,depuis deux ans, ma chère, 6+6 a
Je me gorge d'amour,d'or et de bonne chère, 6+6 a
Et je trouve l'or vil,et les dégts bien prompts. 6+6 a
—Si tu veux, dit Phœbé,nous nous enivrerons. 6+6 a
—Je me suis réveillérepu sur tant de couches, 6+6 a
670 Que ces femmes me sontinsipides. Leurs bouches 6+6 a
Me sont froides ! Du vin !Verse tout le flacon ! 6+6 a
S'il me fallait encorpasser par un balcon, 6+6 a
Peut-être que ces nuitsme sembleraient plus drôles : 6+6 a
Mais tous ces bons épouxsavent si bien leurs rôles, 6+6 a
675 Que l'on entre aujourd'huipar la porte. Vraiment 6+6 a
On a l'air d'un laquais,et non pas d'un amant. 6+6 a
C'est, comme dit Pierrot,toujours la même gamme ! 6+6 a
—Si tu veux, dit Phœbé,nous dormirons. —ô femme ! 6+6 a
Tu ne comprends donc pasque pour moi tout est mort, 6+6 a
680 Et qu'on est bien heureux,ma blanche ! Quand on dort. 6+6 a
Vois-tu, Dieu m'avait faitpour une seule chose, 6+6 a
Pour un amour d'enfant,une pauvre fleur close, 6+6 a
Et mon souffle s'envoleà la fleur que j'aimais. 6+6 a
—Cueille-la, dit Phœbé.—ne me parle jamais, 6+6 a
685 Femme, de cette enfant,car elle est morte. Approche 6+6 a
Ta joue. Oh ! Non, ta lèvreest trop froide. Une roche 6+6 a
Dans un gouffre, vraiment,c'est mon cœur, ô Phœbé. 6+6 a
—Mio, répondit-elle,il vous faut faire abbé. 6+6 a
 À ce mot-là, Prosperfit une cigarette. 6+6 a
690 Car pareil au bon roichiffonnant sa fleurette, 6+6 a
Il roulait un papel,dès qu'il ne trouvait rien 6+6 a
À dire. Et dans le fait,c'est le suprême bien. 6+6 a
Oh ! Si dans mon réduitj'avais la douce natte 6+6 a
De Phœbé, ses bras blancset sa lèvre écarlate, 6+6 a
695 Oui, cela, rien de plus,avec du tabac frais, 6+6 a
C'est pour le jugementque je me lèverais. 6+6 a
Les gens les plus heureuxque notre terre porte 6+6 a
Sont le turc et sa pipeaccroupis sur leur porte. 6+6 a
Mais il faut être turcpour prendre ce parti. 6+6 a
700 Après quelques instants,Prosper était parti 6+6 a
Pour suivre le torrentde ses bonnes fortunes. 6+6 a
Les pommes de l'Édendeviennent fort communes, 6+6 a
Et tous les tours d'alcôveon les a si bien lus 6+6 a
Que c'est tout naturel ;je n'en parlerai plus. 6+6 a
705 Il faut, pour terminerdans l'irrémédiable, 6+6 a
Qu'enfin Polichinelleaille aux griffes du diable, 6+6 a
Et qu'en baissant la toileon sente le roussi. 6+6 a
J'ai promis à don Juansa foudre. La voici : 6+6 a
 Pour parler net, ce futun être d'antithèse 6+6 a
710 Au corps pelotonnécomme une chatte anglaise ; 6+6 a
Le visage suaveet rose, mais les yeux 6+6 a
Cruels, et reflétantl'enfer plus que les cieux. 6+6 a
Sa voix était limpideet pleine d'harmonie 6+6 a
Comme un frémissementdes lyres d'Ionie ; 6+6 a
715 Ses cheveux étaient doux,ses doigts petits et longs, 6+6 a
Ses pieds se meurtrissaientaux tapis des salons ; 6+6 a
Ajoutez un corps mince,une allure mignonne 6+6 a
Et des ongles rosés,vous aurez la madone, 6+6 a
Pareille à ces beautésdont on baise la main 6+6 a
720 Respectueusement,au faubourg Saint-Germain. 6+6 a
Son nez grec, ses sourcilsarqués, ses dents d'opale, 6+6 a
Tout était jeune, saufcette lèvre fatale 6−6 a
Qu'un sourire funèbreéclairait. En tous temps, 6+6 a
Même sous les rayonsdu soleil de printemps, 6+6 a
725 Elle était enterréeau sein d'une fourrure 6+6 a
Toute blanche, et semblaitmourir. Une torture 6+6 a
Étrange se peignaitdans son œil interdit, 6+6 a
Et dans l'ombre elle avaitce triangle maudit 6+6 a
Que le doigt de Dieu traceau front des mauvais anges. 6+6 a
730  Était-elle arrachéeà ces noires phalanges 6+6 a
Qui tombèrent un jourde la nue aux flancs d'or ? 6+6 a
Peut-être. Je ne sais.Mais on disait encor 6+6 a
Avoir su vaguementdes vieillards que leurs pères 6+6 a
L'avaient vue autrefoisen des âges prospères, 6+6 a
735 Alors qu'illuminéeaux splendeurs de son nom, 6+6 a
La noblesse doraitles prés de trianon. 6+6 a
Alors que les iriset les belles climènes 6+6 a
Jusques au madrigalse faisaient inhumaines, 6+6 a
Et plus tard, quand la fièreet belle Talien 6+6 a
740 Marchait, tunique au vent,sans voile et sans lien. 6+6 a
Au fait, nous avons lubien souvent le vampire 6+6 a
Du grand poëte ; eh bien,cette femme était pire 6+6 a
Encore, étant vampireet femme. On ne pouvait 6+6 a
Relever un front purdes plis de son chevet. 6+6 a
745 Or, Prosper y posasa tête. Si l'histoire 6+6 a
Est fausse, je ne sais.Mais ce qui m'y fait croire, 6+6 a
C'est qu'en touchant Alice,on sentait un frisson, 6+6 a
Que sa lèvre semblaitfroide comme un glaçon, 6+6 a
Et que, comme le tigreaprès un jour de jne, 6+6 a
750 Son regard aspiraitardemment le sang jeune. 6+6 a
 Oh ! Trois fois malheureuxet perdu sans espoir 6+6 a
L'homme de cœur qui prendune femme un beau soir, 6+6 a
Et, laissant de côtéle reste, vit en elle 6+6 a
Seulement, abritédu monde sous son aile ! 6+6 a
755 Cette madone-làsavait bien son métier 6+6 a
De panthère lascive,et d'un bel air altier 6+6 a
Buvant jusqu'à la finle sang de sa victime, 6+6 a
Elle se délectaitde ce carnage intime. 6+6 a
Un jour pourtant, Prosper,qu'elle avait laissé seul, 6+6 a
760 Faute étrange ! Sortitvivant de son linceul. 6+6 a
Tremblant, il vint s'asseoirauprès d'une fenêtre 6+6 a
Ouverte, dont l'air purfit un instant rentre 6+6 a
Sa pensée, et bientôt,par la flamme ébloui, 6+6 a
Il recula de peurquand le rayon eut lui. 6+6 a
765 Car il avait sentidéjà que dans son âme 6+6 a
Tout était consumésous cette impure flamme, 6+6 a
Que de son être ancientout était déjà mort, 6+6 a
Tout, l'espoir et le doute,et même le remord. 6+6 a
Alors il se renditchez la Phœbé, l'ancienne 6+6 a
770 Mtresse de trois roiscouronnés, et la sienne, 6+6 a
Pour savoir si l'airainde ce corps indompté 6+6 a
Le ferait vivre encoreà quelque volupté. 6+6 a
Belle conclusionet digne de l'exorde : 6+6 a
Sa lyre était aussibrisée à cette corde, 6+6 a
775 Si bien que la Phœbédit, le bras étendu 6+6 a
Sur lui : poveretto,comme on me l'a rendu ! 6+6 a
 Là, d'un coup de sifflet,nous transportons la scène, 6+6 a
En dépit d'Aristote,au pays d'outre-Seine. 6+6 a
Ô mon pays latin !Vieux pays désolé 6+6 a
780 D' le siècle sans plumeun jour s'est envolé, 6+6 a
Moi, le dernier de tous,je te reste, et je t'aime ! 6+6 a
J'aime tes boulevards,verdoyant diadème, 6+6 a
Ton fleuve morne et sourd,et ses courants flanqués 6+6 a
De vieux murs de granit s'endorment les quais ; 6+6 a
785 J'aime ta basiliqueen fleur, ta cathédrale, 6+6 a
sur les sombres tours,dans l'ombre sépulcrale, 6+6 a
Quand l'aile de la nuitnous fait un noir bandeau, 6+6 a
Nous voyons grimacerquelque Quasimodo. 6+6 a
Avec ton panthéon,palais de gloires mortes, 6+6 a
790 J'aime ton hôpital,la maison aux deux portes : 6+6 a
L'une par l'on vient,escorté de douleurs, 6+6 a
Jusqu'à ces lits souillésqu'on lave de ses pleurs, 6+6 a
Comme Jésus sa croix ;l'autre, dernier refuge 6+6 a
nous trouve la mortpour nous mener au juge. 6+6 a
795 Et souvent je pensais,en rêvant dans ce lieu 6+6 a
se mêlent les voixdes mourants et de Dieu, 6+6 a
Que pour ceux dont le cœursort vierge de ses langes, 6+6 a
Notre calvaire toucheaux demeures des anges. 6+6 a
 Assis sur une pierre,et le front dans les mains, 6+6 a
800 Je repassais en moitous ces rêves humains, 6+6 a
Je cherchais à fixerde mon esprit superbe 6+6 a
Le problème infinide la chair et du verbe ; 6+6 a
Je voulais commenterl'impérissable loi, 6+6 a
Pauvre fou que j'étais !Et disséquer la foi : 6+6 a
805 Conntre la liqueuren en brisant le vase ! 6+6 a
Et la nuit m't trouvédans cette même extase 6+6 a
Profonde, si des voixne m'eussent réveillé. 6+6 a
Alors, comme un songeurtoujours émerveillé 6+6 a
Qui d'Ève aux doigts de lysretourne à Cidalise, 6+6 a
810 Et cherche le théâtreau sortir de l'église, 6+6 a
Je flânais lentementtout le long du chemin 6+6 a
Jusqu'à mon odéon,ce colosse romain, 6+6 a
Ce vaste amphithéâtreaux moulures massives, 6+6 a
À l'air grave, les voixsortent pleines et vives, 6+6 a
815 Shakspere et le grandMolière, ce martyr, 6+6 a
Semblent en nous voyantpousser un long soupir, 6+6 a
Temple la Melpomèneest vaste comme un monde, 6+6 a
Et jetait en un jour,vieille muse féconde ! 6+6 a
À ce monstre affaméqu'on nomme le public, 6+6 a
820 Deux Talmas à la fois,Bocage et Frédérick ! 6+6 a
 Et, comme deux enfantsqu'on flatte et qu'on câline, 6+6 a
La muse les beaitsur sa large poitrine, 6+6 a
Et ne plia jamais,tant ses reins étaient forts ! 6+6 a
Aux coups passionnésde leurs rudes efforts. 6+6 a
825 Oui, malgré les regardsde la fouleante, 6+6 a
Elle ne put faiblir,la robusteante, 6+6 a
Que sous les lourds baisersdes éléphants-harel. 6+6 a
J'ai toujours, pour ma part,trouvé surnaturel 6+6 a
De voir ces animauxjouer la tragédie. 6+6 a
830 C'est là ma bête noire,et ma foi, quoi qu'on die, 6+6 a
Comme dit Trissotin,j'aime mieux Beauvallet. 6+6 a
D'ailleurs, tout ce qui vientd'Afrique me déplt, 6+6 a
Sauf ces brunes fellahsdont la mamelle antique 6+6 a
Est d'un bronze charnuqui perce une tunique. 6+6 a
835 Aussi, quand par hasardce souvenir me vint, 6+6 a
Je prenais mon chapeauquatorze fois sur vingt, 6+6 a
Et pour le Luxembourgdédaigneux et folâtre, 6+6 a
Mon jardin, je quittaisl'odéon, mon théâtre. 6+6 a
 Dans tout ce qu'on me voitécrire en général, 6+6 a
840 Mais surtout dans les versde ce conte moral, 6+6 a
J'abuse sans pudeurdu mot suave : j'aime. 6+6 a
Il faudrait l'éviterpar quelque stratagème. 6+6 a
Cependant nous voilàdans l'Éden azuré, 6+6 a
Mon âme, et c'est pour luique j'en abuserai. 6+6 b
845 Car lorsque j'eus quinze ans,que mes chimères lasses 6+6 c
Voulurent secouerla poussière des classes, 6+6 c
Rêveur et fou, j'apprischez lui mon cher métier. 6+6 b
Je lui ferais sans peineun livre tout entier. 6+6 a
J'aime son bassin vertaux cygnes blancs, ses marbres 6+6 a
850 Se détachant au loinsur le velours des arbres, 6+6 a
Ses coupes sur des brasd'amours, riche travail, 6+6 a
les géraniumsde pourpre et de corail 6+6 a
Brillent dans le soleilcomme des rois barbares, 6+6 a
Et ses parterres gais,, parmi les fanfares 6+6 a
855 D'un triomphe de fleursplus charmant et plus beau 6+6 a
Que l'entrée à Parisde la reine Ysabeau, 6+6 a
Passe un zéphyr, légercomme un souffle de femme. 6+6 a
 Ô vous que j'appelaismon âme, vous, madame, 6+6 a
Que je mêle toujoursen mes songes flottants 6+6 a
860 À tous mes souvenirsd'aurore et de printemps, 6+6 a
Vous le rappelez-vous,lorsque le soir flamboie, 6+6 a
Ce vieux jardin riant,plein d'ombre et plein de joie ? 6+6 a
Ce fut là le berceaude nos jeunes amours. 6+6 a
C'est là qu'au mois de maivous alliez tous les jours, 6+6 a
865 Une fleur à la main,vous asseoir la première 6+6 a
Sur la terrasse, prèsdu vieux balcon de pierre. 6+6 a
Et lorsque j'arrivaisaussi, par un hasard 6+6 a
Si bien prévu la veille,alors votre regard 6+6 a
Me querellait au loind'une moue enfantine, 6+6 a
870 Moi, portant sur mon frontdes rougeurs d'églantine, 6+6 a
Je venais saluervotre mère, et souvent 6+6 a
Elle me retenaità ses côtés. Savant 6+6 a
Bachelier, délaissantles codes pour les odes, 6+6 a
Je pouvais au besoincauser parure ou modes, 6+6 a
875 Et, près d'un vieux parentarrivé du Congo, 6+6 a
Faire des calembourscontre Victor Hugo. 6+6 a
 Mais si pour un instantnos mères enjôlées 6+6 a
Me laissaient votre brasdans les longues allées, 6+6 a
Oh ! Comme tous les deux,en nous serrant la main, 6+6 a
880 Nous prenions du bonheurjusques au lendemain ! 6+6 a
Hélas ! s'envolacette rapide ivresse ? 6+6 a
Maintenant, chaque été,la brise vous caresse 6+6 a
Dans un vague séjourd'eaux quelconques, et moi 6+6 a
Je me suis fait mener,je ne sais trop pourquoi, 6+6 a
885 Au fond d'une province des Nemrods sauvages 6+6 a
Dévorent, sans que rienpuisse apaiser leurs rages, 6+6 a
Comme au temps , quenouilleen main, Berthe filait, 6+6 a
Des brochets monstrueuxet des cochons de lait. 6+6 a
Or, fussé-je au Moultan,ou bien chez les tungouses, 6+6 a
890 Au Kiatchta, paysdes amantes jalouses, 6+6 a
Ou chez les beloutchis,ou chez les hottentots, 6+6 a
Vierges de toute presseet de tous paletots, 6+6 a
Mon cœur s'envoleraità ce riant ombrage 6+6 a
nous étions si fous.Pourquoi devient-on sage ! 6+6 a
895  Vous savez comme l'herbeétait verte ! Au bassin 6+6 a
Comme nous admirionsen leur calme dessin 6+6 a
Les beaux petits amoursaux gracieuses poses, 6+6 a
Et comme chaque briseétait pleine de roses ! 6+6 a
Oh ! Lorsque aux bords aimésl'ancre à la forte dent 6+6 a
900 Mordra, si je reviensentier, sans accident, 6+6 a
Du char jaune-serindes postillons hilares, 6+6 a
C'est dans ce quartier-làque dormiront mes lares. 6+6 a
Ce sera pour toujoursalors, jusqu'au cercueil. 6+6 a
Car, sinon la fortuneassise sur le seuil, 6+6 a
905 Je trouverai du moinsma chère solitude, 6+6 a
Si douce pour l'amour,et douce pour l'étude. 6+6 a
Loin du fracas bourgeoisde leur nouveau Paris, 6+6 a
Je lirai près du feumes poëtes chéris ; 6+6 a
Je tâcherai surtout,sans être aristocrate, 6+6 a
910 De choisir mes amiscomme faisait Socrate, 6+6 a
Écoutant auprès d'euxs'enfuir l'heure et, les soirs, 6+6 a
Allant rendre visiteà mes monuments noirs. 6+6 a
J'entendrai sous le ventcrier leurs girouettes, 6+6 a
Je verrai devant moileurs longues silhouettes 6+6 a
915 Découper leur contourdans un ciel sombre et pur 6+6 a
Et jeter lentementleur ombre sur le mur. 6+6 a
Près de ces grands hôtelsau style large et vaste, 6+6 a
Palais cyclopéensque le temps seul dévaste, 6+6 a
Je trouverai toujoursmon banc presque détruit 6+6 a
920 l'on écoute en paixl'haleine de la nuit. 6+6 a
 Là montent librementla pleine consonnance 6+6 a
Du bruit harmonieuxque produit le silence 6+6 a
Et le parfum légerdes folles nappes d'air. 6+6 a
Puis, lorsque du sein glauque le tenait la mer 6+6 a
925 S'élance l'astre blond,et qu'aux jeunes nuées 6+6 a
Il met des corsets d'orcomme aux prostituées, 6+6 a
La cité des vieux nomss'embrase, et son réveil 6+6 a
Met dans les arbres noirsdes éclats d'or vermeil. 6+6 a
Seulement à son frontplus d'un noble édifice 6+6 a
930 A, comme un nid d'oiseauxque le lierre tapisse, 6+6 a
Une pauvre mansardeamante de rayons, 6+6 a
Qui s'ouvre de bonne heureà cent illusions. 6+6 a
Là, quelque étudiant,sans crainte et sans envie, 6+6 a
Écoute frissonnerle flot noir de la vie 6+6 a
935 Et jette l'aveniraux chances du destin. 6+6 a
Pauvres petits palaisde ce pays latin 6+6 a
Si dédaigneusementjeté sur une rive, 6+6 a
Quand on vous a quittéstout jeune, et qu'on arrive 6+6 a
Tout pâle à votre seuil,le cœur bat vite, allez ! 6+6 a
940  Or, retrouvant par làtous ses jours envolés, 6+6 a
Notre héros tremblaitcomme un soir de décembre, 6+6 a
Car il tournait la clefde la petite chambre 6+6 a
s'étaient écoulésses beaux jours. Si hardi 6+6 a
Qu'il fût, son front devintpâle, et, tout étourdi, 6+6 a
945 Il alla s'appuyercontre un mur. Sa mémoire 6+6 a
Pleurait en s'éveillant,et ses rêves de gloire 6+6 a
Venaient, spectres hagards,passer devant ses yeux. 6+6 a
Il les avait quittéssi jeune ! Lui si vieux 6+6 a
Maintenant, pour jeteraux caprices d'une onde 6+6 a
950 Perfide, ses trésors,et demander au monde 6+6 a
Une place au festindu bonheur inconnu ! 6+6 a
Tu sais, mon pauvre Armand,comme il est revenu. 6+6 a
Bien des flots ont meurtrison front. Bien des tourmentes 6+6 a
Ont fait craquer son verreaux dents de ses amantes ; 6+6 a
955 L'implacable vautourde la vie a rongé 6+6 a
Son cœur. Pourtant rien n'estabsent, rien n'est changé 6+6 a
Dans la chambre : l'étoffeillustre des vieux âges, 6+6 a
Les meubles vermouluset les vieilles images 6+6 a
Sont là : mtre Wolframb,Hamlet dans son manteau 6+6 a
960 Noir, les amaryllismourantes de Wateau, 6+6 a
Sur le bahut sculptéla grande Vénus grecque, 6+6 a
Et les in-foliosdans la bibliothèque. 6+6 a
 Dire ce qu'éprouvanotre Prosper auprès 6+6 a
De tous ces chers bijouxd'enfant, je ne pourrais ; 6+6 a
965 Surtout lorsqu'il trouva,portant les folles traces 6+6 a
Des anciens jours vécus,ses vieilles paperasses. 6+6 a
Car toute sa jeunesseau riant souvenir 6+6 a
Était dans ces feuilletsépars, et revenir 6+6 a
En arrière, c'est vivreune autre fois. La folle 6+6 a
970 Du logis s'éveillait,et sa blonde parole 6+6 a
Semblait douce à l'enfantcomme un zéphyr de mai. 6+6 a
Alors, comme autrefoisle héros, enfermé 6+6 a
Près des vierges, frémitau son rauque des armes, 6+6 a
Prosper, sorti plus grandd'un baptême de larmes, 6+6 a
975 Vers l'azur idéalretrouva son chemin. 6+6 a
Le poëme qu'il fit,tu le liras demain. 6+6 a
Tu verras si toujoursintrépide, il s'honore 6+6 a
D'enchanter l'air qui passeavec un mot sonore ; 6+6 a
Tu sauras si le gouffre ce cœur est tombé 6+6 a
980 Profondément, au pointd'émouvoir la Phœbé, 6+6 a
A laissé surnagerquelques flots d'ambroisie, 6+6 a
Car, en somme, il en fautpour toute poésie 6+6 a
Comme pour tout amour.Quelquefois on écrit, 6+6 a
C'est au mieux, que la formea sauvé son esprit, 6+6 a
985 Et que, la rime aidant,la vénus Callipyge, 6+6 a
A mis sa lèvre chaudeà ce sang qui se fige. 6+6 a
 D'autres disent tout basqu'à ses mille revers 6+6 a
Il ajoute celuide se tromper en vers, 6+6 a
Que, sentant son cœur videet faux, il se décide 6+6 a
990 À chercher lentementle plus noir suicide ; 6+6 a
Que lui qui fut éprisdu rose, il l'est du noir, 6+6 a
Et qu'en son invincibleet profond désespoir, 6+6 a
Ô don Juan ! D'avoir malcontinué ta liste, 6+6 a
Ce Pindare vaincuse fait vaudevilliste. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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