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6-6 mètre
BAN_1/BAN4
Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE PREMIER
LA VOIE LACTÉE
Est via sublimis coelo manifesta sereno,
Lactea nomen habet,candore notabilis ipso.
Hac iter est superis ad magni tecta tonantis,
Regalemque domum.
OVIDE, Métamorphoses, livre I.
à Victor Perrot
Déesse, dans les cieuxéblouissants, la voie 6+6 a
Lactée est un cheminde triomphe et de joie, 6+6 a
Et ce flot de clartéqui dans le firmament 6+6 b
Jette parmi l'azurson blanc embrasement 6+6 b
5 Semble, dans sa splendeuren feu qui s'irradie, 6+6 a
Produit par un foyerunique d'incendie. 6+6 a
Mais quand notre regarddans l'éther empli d'yeux 6+6 b
Monte vers l'océancéleste que les dieux 6+6 b
Font rouler des Gémeauxde flamme au Sagittaire, 6+6 a
10 Il y voit flamboyerdes astres dont la terre 6+6 a
Admire en pâlissantla sereine splendeur, 6+6 b
Et dans le vaste flotsacré dont la candeur 6+6 b
Éclate et de la nuitblanchit les sombres voiles, 6+6 a
Il voit s'épanouirdes millions d'étoiles. 6+6 a
15  Telle est la poésie :à travers le lointain 6+6 b
Des âges, qui s'enfuit,comme au riant matin 6+6 b
Devant les flèches d'orà vaincre habituées 6+6 a
S'enfuit le triste chœurfrissonnant des nuées, 6+6 a
Elle nous appartd'abord confusément, 6+6 b
20 Lueur, flambeau, clarté,vaste éblouissement 6+6 b
De porteurs de laurierset de porteurs de lyre 6+6 a
À l'homme encor sauvageenseignant leur délire ; 6+6 a
Puis nous reconnaissonsparmi des spectres vains 6+6 b
Les inventeurs sacrés,les beaux géants divins, 6+6 b
25 Pareils à des lionsdont la fauve crinière 6+6 a
Embrase leurs fronts d'orque baise la lumière. 6+6 a
Ô Calliope ! Museaux chastes bras de lys, 6+6 b
Avant tous, dans les jourslointains je vois ton fils 6+6 b
Orphée, et je salueau riant crépuscule 6+6 a
30 Ce roi héros qui futle compagnon d'Hercule. 6+6 a
Je le vois sur l'Argo ;déjà courbant leurs fronts, 6+6 b
Jason, Téphys, Idasde leurs gais avirons 6+6 b
Frappent les flots ; mais lui,tenant la lyre, il chante. 6+6 a
Tous les monstres marinssur la mer qu'il enchante 6+6 a
35 Montent, heurtant leurs flancsvermeils et se pressant 6+6 b
Pour suivre le vaisseaurapide en bondissant ; 6+6 b
Et cherchant le hérosavec un doux murmure, 6+6 a
Le vent caressant faitvoler sa chevelure. 6+6 a
 Puis je le vois, plus tard,soumettant à sa voix 6+6 b
40 L'âpre désert, vainqueurdes antres et des bois ; 6+6 b
Car, ô déesse, alorssur les monts du Rhodope 6+6 a
Ou sur le sombre Hémusque la nue enveloppe, 6+6 a
Attirés par ses chants,pins, yeuses, cyprès, 6+6 b
Les arbres pour venirl'écouter de plus près 6+6 b
45 Déchiraient follementen leurs fureurs divines 6+6 a
La terre qui tenaitcaptives leurs racines ; 6+6 a
Et, sans songer à fuirleurs souffles arrogants 6+6 b
Restant pour l'écouterdans les noirs ouragans, 6+6 b
La colombe des cieuxlaissait tomber sa plume 6+6 a
50 Sur le flot irritédu torrent blanc d'écume ; 6+6 a
Les aigles oubliaientde prendre leur essor ; 6+6 b
La tigresse tournaitune prunelle d'or 6+6 b
Vers ses regards voiléspar ses longues paupières, 6+6 a
Et sa voix éveillaitdes âmes dans les pierres. 6+6 a
55  Temps quatre fois heureux des vers ont changé 6+6 b
Une arène infertileen Éden ombragé ! 6+6 b
« au haut de la colline,une plaine déserte 6+6 a
Et sans ombre, étalaitson tapis d'herbe verte. 6+6 a
Sitôt que le poëteissu du sang des dieux 6+6 b
60 Y vint, et que la cordeaux sons mélodieux 6+6 b
Résonna sous ses doigts,alors l'ombre prochaine 6+6 a
Accourut. Ni ton arbre,ô Chaon ! Ni le chêne 6+6 a
Touffu ne manqua, nile frêne meurtrier, 6+6 b
Ni l'érable qui saigneet le chaste laurier. 6+6 b
65 Puis le tilleul ami,l'héliade pleureuse, 6+6 a
Les tendres noisetierset la tremblante yeuse 6+6 a
Groupèrent leurs rameauxprès du sapin sans nœuds 6+6 b
Et du hêtre, étonnésde trouver auprès d'eux 6+6 b
Le saule et le lotusamants des blondes rives ; 6+6 a
70 Puis le myrte léger,le buis aux teintes vives 6+6 a
Qui bravent tous les deuxle souffle des hivers, 6+6 b
Et le figuier poreuxqui s'orne de fruits verts, 6+6 b
Et le mûrier portantsa récolte sanglante, 6+6 a
Et le prix immorteld'une victoire lente, 6+6 a
75 La palme. Vous aussivous vîntes, enlaçant 6+6 b
L'ormeau, lierre aux cent mains,la vigne en l'embrassant ! 6+6 b
Et près de vous le pin,dont la tête se mêle 6+6 a
Aux blancheurs de la nue,arbre aimé de Cybèle 6+6 a
Depuis que son écorceemprisonna la chair 6+6 b
80 Du bel Attis, et pritl'enfant qui lui fut cher ; 6+6 b
Enfin, suivant aussile charme qui le guide, 6+6 a
Le cyprès, des forêtsmouvante pyramide, 6+6 a
Arbre aujourd'hui, jadisami du dieu changeant 6+6 b
Dont la cithare est d'oret dont l'arc est d'argent. » 6+6 b
85  Et dès que sous ce dômeombragé le poëte 6+6 a
Eut doré de ses chantsla paisible retraite 6+6 a
Et que l'archet frémit,tout l'univers créé 6+6 b
Vint rafrchir sa lèvreà ce torrent sacré ; 6+6 b
Le lion, dont les yeuxlancent la mort, cet hôte 6+6 a
90 De la caverne sombreet de la forêt haute, 6+6 a
Cessa pour un momentde répandre l'effroi ; 6+6 b
Le tigre dépouillases colères de roi, 6+6 b
Et se laissa bercerdans un tendre vertige ; 6+6 a
Bien plus, en ce moment,ineffable prodige ! 6+6 a
95 Les stériles rochers l'oiseau fait son nid 6+6 b
Quittèrent la montagneet ses flancs de granit ; 6+6 b
La brise tut ses chants,l'aigle quitta son aire, 6+6 a
Le ruisseau ralentitsa démarche légère, 6+6 a
Et dans l'arbre amoureuxles dryades des bois 6+6 b
100 Turent leurs vagues chantspour la première fois. 6+6 b
 Dans cet enivrement,les muses aonides 6+6 a
Quittèrent sans regretles demeures splendides 6+6 a
l'écho retentitd'harmonieux accords, 6+6 b
Et le mont verdoyant les lys de leur corps 6+6 b
105 Font comme une guirlandeà la noire fontaine, 6+6 a
le Permesse tombeet meurt dans l'Hippocrène, 6+6 a
le sombre Olmius,avec un doux fracas, 6+6 b
Bleuit d'un long baiserleurs membres délicats ; 6+6 b
Et les dieux, sur l'Olympe la jeune déesse 6+6 a
110 Leur verse à flots vermeilsl'éternelle jeunesse 6+6 a
Avec les vins sanglantspar l'amour embrasés, 6+6 b
Oublièrent enfinles immortels baisers. 6+6 b
Chacun prêta l'oreilleaux premiers chants du cygne : 6+6 a
Celui qui ralentitles nuages d'un signe, 6+6 a
115 Mercure ailé, Junonsi belle en son courroux, 6+6 b
Lyæus accoudésur les grands lions roux, 6+6 b
Puis la blonde Aphroditeà la prunelle noire, 6+6 a
Thétis, dont un rayonbaise les pieds d'ivoire, 6+6 a
Mars, Diane, Pallasaux yeux profonds et bleus, 6+6 b
120 Et Phébus rayonnantdans l'azur nébuleux. 6+6 b
 Sous ce profond regardde la vte étoilée 6+6 a
Le poëte t sentison âme consolée, 6+6 a
S'il n't été choisipour la grande douleur 6+6 b
Que les dieux immortelségalent à la leur, 6+6 b
125 Et s'il n't regrettéce type insaisissable 6+6 a
Comme une goutte d'eaudans un désert de sable, 6+6 a
Ce spectre qui de loinvous fait voir un sein nu 6+6 b
Et fuit, vierge, un amantqui ne l'a pas connu. 6+6 b
Oh ! Pour que dans mes verston doux nom resplendisse, 6+6 a
130 Victime aux pieds légers,réponds, jeune Eurydice ! 6+6 a
Le ciel t'envoyait-ilà notre humanité 6+6 b
Pour montrer qu'ici-basl'éternelle beauté 6+6 b
Ne se révèle à nousque dans l'éclair d'un rêve ? 6+6 a
Blonde et rieuse enfant,douce comme notre Ève, 6+6 a
135 N'étais-tu pas, avecton front chaste et divin, 6+6 b
L'image du bonheurque nous touchons en vain, 6+6 b
Qui nous appart telque nos vœux le choisissent, 6+6 a
Et qui s'évanouitquand nos mains le saisissent ? 6+6 a
Qu'avais-tu fait aux dieux ?à quoi pensait la mort, 6+6 b
140 Quand les bois gémissantla virent, sans remord 6+6 b
Sur ta lèvre surpriseéteignant la parole, 6+6 a
Fermer ta bouche en fleurainsi qu'une corolle ? 6+6 a
 Eurydice ! Pendantque de son pas léger 6+6 b
Elle fuyait les crisd'un insolent berger, 6+6 b
145 Courant éperdûmentdans les vertes campagnes 6+6 a
De la Thrace, avec lesnaïades ses compagnes, 6−6 a
Elle tomba, mordueau pied par un serpent. 6+6 b
Déroulant ses anneauxet dans l'herbe rampant, 6+6 b
Le monstre au cou livideet qu'une bave arrose, 6+6 a
150 Furtif, avait rampévers son talon de rose, 6+6 a
Et mis ses crocs affreuxdans cette jeune chair. 6+6 b
Les dryades, pleurantson front qui leur fut cher, 6+6 b
Crurent qu'en la perdantla terre était changée. 6+6 a
On entendit gémirla cime du Pangée ; 6+6 a
155 Le dur géant Rhodopeeut de longs désespoirs ; 6+6 b
Les sanglots éclataientparmi ses rochers noirs, 6+6 b
Et le ciel vit les pleursde la froide Orithye. 6+6 a
 Pour Orphée, anxieuxet l'âme anéantie, 6+6 a
Sur son front portant l'ombreainsi qu'un noir vautour, 6+6 b
160 De l'aube à la nuit noireil chantait son amour, 6+6 b
Pâle, effrayant, en proieau sinistre délire, 6+6 a
Et des cris douloureuxs'échappaient de sa lyre. 6+6 a
Enfin, brûlant toujoursde feux inapaisés, 6+6 b
Cherchant la vierge enfantravie à ses baisers, 6+6 b
165 Il pénétra parmiles gorges du Ténare ; 6+6 a
Il entra dans le bois la lumière avare 6+6 a
Se voile et meurt, lesvains spectres par milliers 6−6 b
Se pressent, comme fontdes oiseaux familiers 6+6 b
Qui vont rasant la terreet dont le vol hésite. 6+6 a
170 Il apaisa le flotbouillonnant du Cocyte, 6+6 a
Et même il vit au fondde l'enfer souterrain 6+6 b
Les dieux de l'ombre assissur leurs trônes d'airain. 6+6 b
 Il chantait, voix mêléeà la lyre divine ; 6+6 a
Les dieux voyaient l'amourvivant dans sa poitrine ; 6+6 a
175 Sans doute ils eurent peurqu'en leur morne tombeau 6+6 b
L'archer désir lui-mêmeavec son clair flambeau 6+6 b
Ne parût, et domptantle Styx aux vagues sombres, 6+6 a
Ne redonnât la vieau vain peuple des ombres. 6+6 a
Muse ! Tu sais comment,subjugué par ses vers, 6+6 b
180 Pluton qui règne, assisprès des gouffres ouverts 6+6 b
Et des pics trop brûléspour que l'herbe y verdisse, 6+6 a
Rendit au roi chanteurla tremblante Eurydice, 6+6 a
Et comment, ô douleur !Vaincu par son amour 6+6 b
Orphée, en arrivantpresque aux portes du jour 6+6 b
185 Se retourna pour voirplus tôt la bien-aimée. 6+6 a
Elle s'évanouiten légère fumée. 6+6 a
La mort couvrait de nuitson visage riant, 6+6 b
Et, triste, elle appelaitOrphée en s'enfuyant 6+6 b
Vers le gouffre béantet d' sortaient des râles, 6+6 a
190 Tendant encor vers luises mains froides et pâles, 6+6 a
Et repassant déjàle fleuve au noir limon. 6+6 b
 Pendant sept mois entiers,sur les bords du Strymon, 6+6 b
Orphée en pleurs, de tousévitant les approches, 6+6 a
Dans les antres glacésvécut parmi les roches. 6+6 a
195 Parmi les durs frimas fleurissent les lys 6+6 b
De l'âpre neige, aux bordsglacés du Tanaïs 6+6 b
Il erra, savourantle funeste délice 6+6 a
De sa douleur, toujourschantant son Eurydice. 6+6 a
Les ménades hurlantdans leurs terribles jeux, 6+6 b
200 L'apeurent un jourdu haut d'un mont neigeux. 6+6 b
Les tigres à ses piedsse couchaient pleins d'ivresse, 6+6 a
Et les chênes, suivantsa voix enchanteresse, 6+6 a
Venaient vers le divinpoëte en se mouvant. 6+6 b
L'une d'elles, sauvageet les cheveux au vent, 6+6 b
205 S'écria : le voilà,celui qui nous méprise ! 6+6 a
Et les cris furieuxse mêlaient dans la brise 6+6 a
Et le son de la flûteet le bruit des tambours 6+6 b
Épouvantaient la nue,et devant les dieux sourds, 6+6 b
Rouges, à coups de thyrse,à coups de branches d'arbre, 6+6 a
210 Lui jetant de la terreet des rochers de marbre, 6+6 a
Même pour l'en frapper,dans les sillons bourbeux 6+6 b
Arrachant follementles cornes des grands bœufs, 6+6 b
Comme un farouche essaim,les ménades hurlantes 6+6 a
Déchirèrent son corpsavec leurs mains sanglantes, 6+6 a
215 Et leurs cris étouffaientses plaintes et sa voix 6+6 b
Impuissante à charmerpour la première fois, 6+6 b
Car un dieu dans leurs cœursavait mis cette fièvre, 6+6 a
Et l'âme du héross'échappa de sa lèvre. 6+6 a
 « les oiseaux, les lions,les rochers et les bois 6+6 b
220 Te pleurèrent, Orphée !Attirée à ta voix 6+6 b
Si souvent, la forêtlaissa comme une veuve 6+6 a
L'ornement de son frontpour te pleurer ; le fleuve 6+6 a
Crût de ses pleurs ; voilantson sein de toutes parts 6+6 b
Avec son deuil, la nympheeut les cheveux épars. 6+6 b
225 Le corps gît en lambeaux ;et, prodige ! Quand l'Èbre 6+6 a
Roule avec lui la têteet la lyre célèbre, 6+6 a
La lyre cherche un sonplaintif, qu'en expirant 6+6 b
La voix plaintive mêleaux plaintes du torrent. » 6+6 b
On dit qu'en ce moment,par un instinct de mère, 6+6 a
230 Calliope sentitune douleur amère ; 6+6 a
Que sa voix tressaillitdans son essor vainqueur, 6+6 b
Et que son divin sangreflua vers son cœur. 6+6 b
Saluant du regardses légères compagnes, 6+6 a
Elle vole dans l'air,plane sur les campagnes, 6+6 a
235 Et pâle, ses cheveuxdénoués sur son flanc, 6+6 b
Touche enfin, mais trop tard,au rivage de sang. 6+6 b
Elle ne pleura pas,la mère douloureuse ! 6+6 a
Mais regarda longtempsle flot que le flot creuse, 6+6 a
Et laissant retomberses voiles, montra nu 6+6 b
240 Le chef-d'œuvre sacréde son corps inconnu. 6+6 b
C'en est fait, ce beau corpsa roulé sous la vague, 6+6 a
Le fleuve soulevépousse un murmure vague, 6+6 a
Fait briller son œil glauque,et, trois fois agité 6+6 b
De caresser dans l'ombreune divinité, 6+6 b
245 Cherche dans son transportune force nouvelle 6+6 a
Pour meurtrir follementcette chair immortelle. 6+6 a
Ivre, le vent gémit,et les arbres dans l'air 6+6 b
Font craquer sourdementleurs grands rameaux ; l'éclair 6+6 b
Enveloppe le cield'un sanglant crépuscule, 6+6 a
250 Et frissonnant, le jours'épouvante et recule, 6+6 a
Et toute la nature,émue en ce moment, 6+6 b
Jette de sa poitrineun long gémissement. 6+6 b
 Les hommes, effrayéset baissant la paupière, 6+6 a
Brûlent un encens purdans leurs temples de pierre, 6+6 a
255 Jusqu'à ce que le ciel,en essuyant ses pleurs, 6+6 b
Déroule avec Irisl'écharpe aux sept couleurs, 6+6 b
Et que l'onde calmée ce rayon s'argente 6+6 a
Couvre son dos unid'une moire changeante. 6+6 a
Alors, le regard troubleet la bouche en sanglots, 6+6 b
260 La muse repartsur l'écume des flots, 6+6 b
Non telle qu'autrefoisCypris, la vierge blonde, 6+6 a
Jaillit dans la clartésur l'écume de l'onde, 6+6 a
Mais farouche, plaintive,et sur un sein de lys 6+6 b
Te serrant, douce Lyre,échappée à son fils ! 6+6 b
265 Puis elle alla s'asseoiraux sables du rivage, 6+6 a
Les yeux illuminésd'une terreur sauvage, 6+6 a
Les cheveux dénouéset mêlés de roseaux, 6+6 b
Et l'épaule bleuieà l'étreinte des eaux. 6+6 b
 Là, pleine d'amertumeen son âme qui saigne, 6+6 a
270 Et regardant les frontsque la lumière baigne, 6+6 a
Elle chercha des yeuxle mortel assez grand 6+6 b
Pour tenir la cithare pleure un souffle errant. 6+6 b
Mais nul n'osa prétendreà ce divin trophée 6+6 a
De mort et d'harmonie.Ainsi mourut Orphée, 6+6 a
275 La Lyre. Mais plus tardce fut de son esprit 6+6 b
Errant dans les grands bois l'herbe en fleur sourit, 6+6 b
Mais que le bûcheronfrappe de sa cognée ; 6+6 a
Ce fut de son amour,de son âme indignée 6+6 a
Que naquirent tous ceuxdont le chant vif et clair 6+6 b
280 S'envole dans l'orageen feu comme l'éclair 6+6 b
Et plane comme un aigleau sein des cieux féeriques, 6+6 a
Les dompteurs, les charmeurs,les poëtes lyriques : 6+6 a
Tyrtée, Alcée en pleursdont les vers fulgurants 6+6 b
Ont jeté la terreurdans l'âme des tyrans, 6+6 b
285 Et dont la sombre haineinvincible et crispée 6+6 a
Se retrouve, ô Chénier !Sur ta tête coupée ; 6+6 a
Pindare que d'en hautsuivent les dieux épars, 6+6 b
Qui chante dans le bruitdes coursiers et des chars 6+6 b
Et qui s'envole au butsacré tout d'une haleine ! 6+6 a
290 Et toi, grande Sappho,reine de Mitylène ! 6+6 a
 Lionne que l'amourfurieux enchna, 6+6 b
Près de la mer grondante,avec son Érinna, 6+6 b
Elle enseignait le rhythmeet ses délicatesses 6+6 a
Au troupeau triomphaldes jeunes poëtesses, 6+6 a
295 Et glacée et brûlante,au bruit amer des flots 6+6 b
Elle mêlait des crisde rage et des sanglots. 6+6 b
Éros, qui nous atteinsavec des flèches sûres, 6+6 a
De quels feux tu brûlaset de quelles blessures 6+6 a
Son chaste sein meurtripar le baiser du vent ! 6+6 b
300 Mais comme rien ne meurtde ce qui fut vivant, 6+6 b
Sa colère amoureuseet de souffrance avide, 6+6 a
Plus tard devait dictersa plainte au fier Ovide 6+6 a
Qui, choisissant l'amour,eut la meilleure part, 6+6 b
Et frémir dans les versd'Horace et de Ronsard. 6+6 b
305  Mille chanteurs ont ditchez nous, riants orphées, 6+6 a
Les chevaliers hérosprotégés par les fées ; 6+6 a
Villon, ce bel enfantqui n'eut ni feu ni lieu, 6+6 b
A chanté sa balladeen riant comme un dieu, 6+6 b
Et Marot, comme un fauneescaladant la cime 6+6 a
310 Du mont sacré, baisales lèvres de la rime ; 6+6 a
L'harmonieux Ronsardfit vibrer sous ses doigts 6+6 b
La glorieuse lyre sommeillent des voix, 6+6 b
Et joyeux, animade son archet d'ivoire 6+6 a
Un Tempé souriantprès de la verte Loire. 6+6 a
315 Pindare, son aïeul,lui dit les grands secrets, 6+6 b
Et les nymphes baisaientson front dans les forêts. 6+6 b
Attirant sur ses pas,au milieu des déesses, 6+6 a
Un troupeau louangeurde rois et de princesses, 6+6 a
Il nous rendait Properceet Tibulle et ce doux 6+6 b
320 Catulle, et ses chansonsapprivoisaient des loups. 6+6 b
Au tiède renouveau,sous la verdure tendre 6+6 a
Cythérée amenaitson enfant pour l'entendre. 6+6 a
 Comme un rouge soleilentouré d'astres d'or 6+6 b
Il régnait, et, charmeurd'âmes, volait encor 6+6 b
325 Le sonnet et la rimeenflammée à Pétrarque ; 6+6 a
Et par lui, ravissantl'inexorable Parque, 6+6 a
Victorieuse, commeen un festin d'amour 6+6 b
Le vin de pourpre emplitun vase au pur contour, 6+6 b
L'âme française entradans les mètres d'Horace 6+6 a
330 Élégants et précis.Voilà comment la race 6+6 a
D'Orphée, ainsi qu'un vold'abeilles au doux miel, 6+6 b
Arriva jusqu'à nousdes profondeurs du ciel. 6+6 b
Mais bien avant que surla terre émerveillée 6−6 a
L'ode aux cris éclatantsne se fût réveillée, 6+6 a
335 Un homme colossal,une lyre à la main, 6+6 b
Se leva pour chanterun combat surhumain. 6+6 b
Comment dire ton nom,ton nom, géant Homère ! 6+6 a
Qui dominas du frontcette Grèce ta mère, 6+6 a
Et qui, roulant tout bas,spectre pâle et hagard, 6+6 b
340 Ta prunelle d'azur,sans flamme et sans regard, 6+6 b
Laissas couler un jourde ta main gigantesque 6+6 a
Toute l'antiquité,comme une grande fresque ! 6+6 a
sont tes dieux ravisdans l'éblouissement 6+6 b
Et tes héros plus grandsque tes grands dieux ? Comment 6+6 b
345 Donnerai-je à mon versune assez forte haleine 6+6 a
Pour chanter les héroset le chanteur d'Hélène ? 6+6 a
Qui t'instruisait, ô roi ?Quels secrets épiés 6+6 b
T'apprirent ces mortelsqui rampaient sous tes pieds ? 6+6 b
Qui t'avait révélé,vieux mendiant des routes, 6+6 a
350 Le ciel éblouissantet ses splendides vtes ? 6+6 a
Qui t'a fait voir un jour,d'un œil épouvanté, 6+6 b
Le mtre dans sa gloireet dans sa majesté ? 6+6 b
N'étais-tu pas le filsd'Apollon, dieu de Sminthe, 6+6 a
Qui dicte à ses enfantsune suave plainte ? 6+6 a
355 Ou, dieu toi-même, un jour,l'âme pleine de fiel, 6+6 b
Jupiter t'avait-ilprécipité du ciel, 6+6 b
Et ne cachais-tu pas,dans ton idolâtrie, 6+6 a
Un souvenir lointainde ta vieille patrie ? 6+6 a
 Nul ne le sut. Tu vins,et d'un ton compassé, 6+6 b
360 Un pied sur l'avenir,l'autre sur le passé, 6+6 b
Tu chantas à grands flotsces créations pures, 6+6 a
Fleuve s'abreuverontles cent races futures ! 6+6 a
Tu marchais, échangeant,fier de ta pauvreté, 6+6 b
Quelque repas furtifpour l'immortalité, 6+6 b
365 Disant au peuple sourdà force d'insolence : 6+6 a
Nation, je te voueà la nuit du silence ! 6+6 a
Pour l'immense avenirenflant ta large voix, 6+6 b
Mendiant, t'asseyantà la table des rois, 6+6 b
Et parmi les rayons,comme un essaim farouche 6+6 a
370 Les mots harmonieuxmurmuraient sur ta bouche. 6+6 a
Dans les enchantementsde tes superbes vers, 6+6 b
Tu mis les deux splendeursqui charment l'univers, 6+6 b
La force et la beautésereine, et pour éclore 6+6 a
Ton œuvre s'éveilladans une ardente aurore. 6+6 a
375 Le mot fatal brilla,l'autel fut consacré, 6+6 b
Le monde de l'idéeétincela créé. 6+6 b
 Pour la beauté d'abordtu nous donnas Hélène, 6+6 a
Forme terrible et pureen son manteau de laine, 6+6 a
Pour laquelle à jamaisles hommes et les dieux 6+6 b
380 Se livrent sans relâcheun combat odieux, 6+6 b
Et, comme sur un montles roches ébranlées, 6+6 a
S'écroulent à longs crisdans tes grandes mêlées ; 6+6 a
Hélène, au sort fatalqu'elle fuyait en vain, 6+6 b
Que Vénus réservaitpour un bonheur divin, 6+6 b
385 Et qui, dès que le blondPâris ouvrit la bouche, 6+6 a
Pensa voir Lyæus,le roi libre et farouche, 6+6 a
Le dieu charmant, riant,jeune, en qui s'est mêlé 6+6 b
Le sang de Jupiterau sang de Sémélé ! 6+6 b
Hélène qui, riantsur sa couche fatale, 6+6 a
390 Tuait dans un baiserl'Asie orientale, 6+6 a
Et serrant sur son seinl'enfant aux blonds cheveux, 6+6 b
Étouffait un empireentre ses bras nerveux ! 6+6 b
 Prophétesse en courroux,triste et fière lionne, 6+6 a
Comment saluas-tula mère d'Hermione, 6+6 a
395 Lorsque endormant Pârissur le navire ailé, 6+6 b
Ses chants retentissaientdans le détroit d'Hellé ! 6+6 b
Oh ! Quand tout l'avenirde carnage et de cendre 6+6 a
Passa comme un flambeausur l'âme de Cassandre ; 6+6 a
Lorsqu'elle vit au loin,comme un jeune lion, 6+6 b
400 Achille déchirerles princes d'Ilion, 6+6 b
Que, le regard fixésur toutes ces détresses, 6+6 a
Elle arrachait son voileet ses cheveux en tresses, 6+6 a
Quel frisson dut la prendreau haut de cette tour 6+6 b
Qui devait sur son fronts'écrouler à son tour, 6+6 b
405 Et d' ses yeux ont vu,dans l'horrible mêlée 6+6 a
De mille égorgements,la guerre échevelée ! 6+6 a
 Oui, ce furent bien làdes combats palpitants 6+6 b
Et tels qu'en avaient eules dieux et les Titans, 6+6 b
Quand ces monstres hideux,fils de la terre énorme, 6+6 a
410 Pour élever au cielleur phalange difforme, 6+6 a
Sur l'escalier fatalque leur main exhaussa 6+6 b
Posèrent pour degrésPélion sur Ossa ! 6+6 b
Quels combats et quels chocs !Vénus et Diomède, 6+6 a
Phœbus, Neptune, Ulysseet Minerve à son aide ; 6+6 a
415 Hector guidé par Marset par Bellone, Hector 6+6 b
Dont les chevaux ardentsbrisent des harnois d'or, 6+6 b
Et derrière eux l'Asieardente à se répandre 6+6 a
De l'Axius d'argentaux rives du Méandre ; 6+6 a
Atride et les Ajaxau carnage excités ; 6+6 b
420 La Grèce impitoyableet toutes ses cités, 6+6 b
Depuis Cos, les rocssemblent de noires tombes, 6+6 a
Jusqu'à Thisbé, séjouraimé par les colombes ! 6+6 a
 Oh ! Parle ! Redis-nousde combien de héros 6+6 b
Les dieux ivres d'horreurse firent les bourreaux ! 6+6 b
425 Chante encore, apparaissous le deuil qui te navre, 6+6 a
Muse ! Excite nos pleurs,montre-nous le cadavre 6+6 a
D'Hector, que tu suivisen tes longs désespoirs, 6+6 b
Balayant la poussièreavec ses cheveux noirs ! 6+6 b
Vierge, enfle tes clairons ;c'est là que tout commence, 6+6 a
430 Et rien n't rappelécette iliade immense, 6+6 a
Si, las de cette mer tout poëte but, 6+6 b
Le père des hérosn't vers un autre but 6+6 b
Tourné sa poésieenivrante et pressée, 6+6 a
Et gardé quelque amourà sa sœur l'odyssée, 6+6 a
435 Rêverie à plis d'or,chant limpide et vainqueur, 6+6 b
Dont chaque note éveilleun écho dans le cœur ! 6+6 b
 Oh ! Que de passionset de saintes idées 6+6 a
Y dorment gravement,hautes de cent coudées ! 6+6 a
Que de drames en germeétalés sous les fleurs ! 6+6 b
440 Avec quel charme on suitdu sourire ou des pleurs 6+6 b
Ce héros qui, jouetdu courroux de Neptune, 6+6 a
Portant de tous côtésson étrange fortune, 6+6 a
Va parmi les flots verts,destructeur des cités, 6+6 b
Braver le dur cyclopeet ses atrocités, 6+6 b
445 Suivre des yeux Pallas,guerrière vengeresse, 6+6 a
Dormir près de Circéla brune enchanteresse, 6+6 a
Et s'asseoir en haillonsau grand festin des rois, 6+6 b
Ces fils de Jupiter,dont l'éclatante voix 6+6 b
De leur noble origineétait comme une preuve, 6+6 a
450 Et dont l'enfant lavaitses robes dans le fleuve ! 6+6 a
Comme on prête l'oreilleau chant simple et divin 6+6 b
Qui jaillit au repasd'une coupe de vin, 6+6 b
Et peint avec amources beautés extatiques 6+6 a
Rayonnant au sommetsur les ombres antiques, 6+6 a
455 Ou qui, nous démasquantles recoins de l'autel, 6+6 b
Fait éclater les dieuxde leur rire immortel, 6+6 b
Devant le filet d'orà la maille serrée 6+6 a
Vulcain près de Marsenferme Cythérée ! 6+6 a
 Odyssée ! Iliade !ô couple ardent et fort ! 6+6 b
460 Vaste dualité,fille d'un même effort ! 6+6 b
Ô lyres à cent voix !ô douces philomèles ! 6+6 a
Coupes aux flancs sculptés !Créations jumelles ! 6+6 a
Quel homme t jamais cruqu'un délire nouveau 6+6 b
t pu vous enfanterdans le même cerveau ? 6+6 b
465 Pourtant, marchant pieds nusdans la ronce et les pierres, 6+6 a
Il tenait dans ses mainsles géantes guerrières, 6+6 a
Et jusqu'au but sacré,sans redouter l'affront, 6+6 b
Il porta sans pâlirces filles de son front. 6+6 b
Mais quand ce créateureut son œuvre finie, 6+6 a
470 Cet inventeur des chants,ce héros, ce génie, 6+6 a
Consumé par les feuxd'une céleste ardeur, 6+6 b
S'affaissa sous le poidsde sa propre grandeur, 6+6 b
Et, les regards fixésaux cieux, sur leurs ailes 6+6 a
Ses vers avaient portédes déesses nouvelles, 6+6 a
475 Colosse, s'endormitau revers du chemin, 6+6 b
Fier, souriant encore,et tenant à la main 6+6 b
Sa lyre de héros,plus noble que l'épée 6+6 a
D'Achille. Ainsi mourutHomère, l'épopée. 6+6 a
 Mais, ô muse ! Il revitpour jamais comme un dieu, 6+6 b
480 Dans un temple idéalouvert sur l'azur bleu : 6+6 b
Nous le voyons, géantenvironné de gloire, 6+6 a
Dans la lumière, assissur un trône d'ivoire. 6+6 a
Ses filles à ses pieds,d'un geste souverain, 6+6 b
Tiennent encor la rameet le glaive d'airain. 6+6 b
485 Et là, Virgile avecsa longue chevelure, 6+6 a
Lucrèce, à l'œil éprisde la grande nature, 6+6 a
Le conteur de la guerreeffrayante, Lucain 6+6 b
Portant dans sa poitrineun cœur républicain, 6+6 b
Dante, sombre et vêtude sa robe écarlate, 6+6 a
490 Tasse, Arioste enfantqui nous berce et nous flatte, 6+6 a
Camoëns tout mouillépar les flots de la mer, 6+6 b
Mitton qui se souvientdu ciel et de l'enfer, 6+6 b
Ô muse ! Tous ces rois,tous ces conteurs épiques, 6+6 a
Nés pour chanter les chocsdes glaives et des piques, 6+6 a
495 Tous ces grands inspirésqui, même privés d'yeux, 6+6 b
Plongent dans l'insondableéther, et voient les dieux 6+6 b
Et leurs palais qui dansla lumière se dorent, 6−6 a
Veillent, silencieux,près d'Homère et l'adorent ; 6+6 a
Car ils sont tous les filsde son glorieux sang. 6+6 b
500  Ils sont même sortisde son robuste flanc, 6+6 b
Ceux-là qui, vendangeursaux doigts tachés de lie, 6+6 a
Ont suivi Melpomène,ou la brune Thalie 6+6 a
Dont on craint le regardcharmant et meurtrier : 6+6 b
Eschyle au vaste frontcouvert du noir laurier, 6+6 b
505 Dont le Mède a connula bravoure intrépide, 6+6 a
Sophocle, et le charmeurdes femmes, Euripide, 6+6 a
Et cet Aristophaneirritable, au grand cœur, 6+6 b
Dont la colère chanteavec les voix du chœur, 6+6 b
Ménandre, Plaute esclave,et le sage Térence, 6+6 a
510 Le vieux Corneille, honneuréternel de la France, 6+6 a
Et Racine qui prendles âmes, et Regnard, 6+6 b
Et La Fontaine encorsans égal dans son art, 6+6 b
Qui, dans son iliadeingénue et subtile, 6+6 a
Fait du renard Thersiteet du lion Achille. 6+6 a
515 Tous adorent Homèreet vers lui sont venus 6+6 b
Par le hardi cheminqu'ont touché ses pieds nus. 6+6 b
S'ils n'ont pas, comme lui,des cimes escarpées 6+6 a
Précipité le flotdes larges épopées, 6+6 a
C'est que l'homme enfermédans les champs et les murs, 6+6 b
520 Toujours courbé vers l'orou vers les épis mûrs, 6+6 b
Et n'ayant plus d'amourpour les collines veuves, 6+6 a
Se trouva trop petitpour boire à ces grands fleuves. 6+6 a
 Alors pour nous fixerau monde nous passions, 6+6 b
Vint le drame vivantqui peint les passions, 6+6 b
525 Et sa riante sœur,la folle comédie, 6+6 a
Qui jette sur nos mœursla satire hardie. 6+6 a
Un masque sur le front,effroyable ou rieur, 6+6 b
Des chercheurs, attiréspar l'homme intérieur, 6+6 b
Avec le dur scalpelvinrent déchirer l'âme 6+6 a
530 Et l'éclairer tremblanteà leurs torches de flamme, 6+6 a
Soulevèrent du doigtl'enveloppe qui ment, 6+6 b
Surprirent le secretde chaque mouvement, 6+6 b
Et léguant devant tousleur étude profonde 6+6 a
À la postérité,cette voix qui féconde, 6+6 a
535 Chantèrent au soleil,harmonieux Memnons. 6+6 b
Mais par-dessus leurs voixet par-dessus leurs noms 6+6 b
Rayonnent sur la scène leur souffle respire, 6+6 a
Le justicier Molièreet le divin Shakspere ! 6+6 a
Deux sages, deux voyantsbrûlés du même feu, 6+6 b
540 Et qui sur notre mondeont laissé pour adieu 6+6 b
Mille créationspalpitantes d'extases, 6+6 a
Dont le sein est vêtude rêves et de gazes, 6+6 a
Et qui, sur notre ennui,du haut de leur ciel pur, 6+6 b
Jettent de longs regardsd'incendie et d'azur. 6+6 b
545  Oh ! Le bon sens joyeuxet brutal de Molière ! 6+6 a
Ce dilemme subtil,acharné comme un lierre, 6+6 a
Cette franche tiradeou bien ces mots si courts, 6+6 b
Étincelles d'espritqui charmèrent les cours, 6+6 b
Oh ! Qui nous les rendra ?Quand donc, pleins de querelles, 6+6 a
550 Reverrons-nous gonflerces charmants Sganarelles 6+6 a
Dont l'honneur outragécrève comme un ballon ? 6+6 b
Quand roucoulerez-vous,ô reines de salon ! 6+6 b
Ces madrigaux ouvréset ces fadaises tendres 6+6 a
Qu'improvisaient pour vousde précieux Clitandres ? 6+6 a
555 Quand donc les Vadiusavec leurs Trissotins 6+6 b
Viendront-ils débiterleurs supplices latins 6+6 b
Aux tout petits pieds blancsde nos muses, dont mainte 6+6 a
Laisse derrière soiBélise et Philaminte ! 6+6 a
Hélas ! Chaque Henrietteaujourd'hui sait le grec ! 6+6 b
560 Et toi, qui regardaisles bavards d'un œil sec, 6+6 b
Alceste soucieux,Céladon misanthrope, 6+6 a
Qui vers ton cher soleil,comme l'héliotrope, 6+6 a
Tournes tes yeux ardents,reviendras-tu des bois 6+6 b
Pour gourmander un peunotre monde aux abois ? 6+6 b
565 Ces Jourdains lamés d'oret ces Josses orfèvres, 6+6 a
Comme ils nous manquent tousavec leur rire aux lèvres ! 6+6 a
Comment nous laissent-ils,ces amis ? Et comment 6+6 b
Nous sommes-nous passésde ce troupeau charmant ? 6+6 b
 Oh ! Comme ils savent tousdes façons bien apprises ! 6+6 a
570 Comme ils mènent à boutleurs folles entreprises ! 6+6 a
Comme tous ces maris,bouffons dont vous riez, 6+6 b
Sont bien aux yeux de toustriplement mariés ! 6+6 b
Et comme ce marquis,bel ourdisseur de trames, 6+6 a
Qui leur vole à plaisirleurs filles et leurs femmes, 6+6 a
575 Est un charmant vauriendont un regard séduit 6+6 b
Magiquement, la jeuneAgnès dans son réduit ! 6+6 b
Il s'appelle Damis,Horace ou bien Valère ; 6+6 a
Il est tendre et charmantjusque dans sa colère ; 6+6 a
Il est fait comme un dieu,rose comme un enfant, 6+6 b
580 S'avance avec un airsuperbe et triomphant, 6+6 b
Et passe, d'une mainla plus blanche du monde, 6+6 a
Son peigne dentelédans sa perruque blonde. 6+6 a
Aussi les fleurs de cour,aux yeux extravagants, 6+6 b
Laissent-elles tomberleurs cœurs avec leurs gants 6+6 b
585 Devant ce dédaigneux,qui se baisse à grand'peine 6+6 a
Pour ramasser à terreune âme toute pleine ! 6+6 a
Et c'est justice, au fait,car ses rubans sont lourds 6+6 b
Et parent follementson habit de velours ; 6+6 b
Ses canons précieuxsont du plus grand volume, 6+6 a
590 Et son chapeau lissédispart sous la plume. 6+6 a
De plus, il sait jeterson or à pleines mains, 6+6 b
Et d'un large mépriscouvre tous les humains. 6+6 b
Après tout, les Orgonset les pères Gérontes 6+6 a
Ont le tort d'être laidscomme l'ogre des contes, 6+6 a
595 De garder leurs écuscomme des Harpagons, 6+6 b
D'être vêtus de noiret de sortir des gonds, 6+6 b
Au lieu de chantonnerces paroles magiques 6+6 a
Dont rêvent les Agnèscomme les Angéliques. 6+6 a
 Puis, comment laissent-ilsauprès de leurs trésors, 6+6 b
600 Eux qui, Dieu sait pourquoi,sont si souvent dehors, 6+6 b
Ces soubrettes d'espritaux gorges découvertes, 6+6 a
Dont la robe et la mainà chacun sont ouvertes, 6+6 a
Et qui, tout en jouantaux vieux de si bons tours, 6+6 b
Veillent folâtrementsur le nid des amours ? 6+6 b
605 Filles de bon conseil,retorses comme un juge, 6+6 a
Promptes à la répliqueainsi qu'au subterfuge, 6+6 a
Vous faites bien pendantà ces dignes Scapins 6+6 b
Dans leurs manteaux d'azurque Watteau nous a peints ! 6+6 b
Heureusement votre âmeest encore assez probe 6+6 a
610 Pour démasquer Tartuffe,un allongeur de robe, 6+6 a
Qui cache à tout proposson cœur licencieux 6+6 b
Sous le manteau divinde l'église et des cieux, 6+6 b
Et qui, tout en parlantde l'enfer lamentable, 6+6 a
Pousse pieusementElmire sur la table ; 6+6 a
615 Tartuffe, ce penseuraux lèvres de rubis 6+6 b
Que nous trouvons partoutet sous tous les habits ; 6+6 b
Qui tâte des deux mainsen profond philosophe, 6+6 a
Le désir sous les mots,la chair avec l'étoffe, 6+6 a
Et dans ce monde étrange le mal est tyran 6+6 b
620 Serait leur mtre à tous,s'ils n'avaient pas don Juan ! 6+6 b
 C'est le roi, celui-là !C'est le roi, faites place ! 6+6 a
Regardez ! C'est don Juanqui porte un cœur de glace, 6+6 a
Qui, tenant dans sa mainle magique rameau, 6+6 b
Corrompt la grande dameet l'enfant du hameau, 6+6 b
625 Raille, sans essuyerle sang après sa manche, 6+6 a
Son père en cheveux blancs,après Monsieur Dimanche, 6+6 a
Et qui, par les replisd'un labeur sombre et lent, 6+6 b
Jusqu'à l'hypocrisiea poussé le talent ! 6+6 b
C'est don Juan qui, deboutdevant l'homme de pierre, 6+6 a
630 A subi ses regardssans baisser la paupière, 6+6 a
Et qui tenait si biensa coupe entre ses doigts 6+6 b
Que son cœur et sa mainn'ont tremblé qu'une fois ! 6+6 b
Ô spectacle éternel !ô fiction mouvante, 6+6 a
Qui par sa vériténous glace d'épouvante ! 6+6 a
635 Quand le divin Molière,une lampe à la main, 6+6 b
Éclaira devant tousles plis du cœur humain, 6+6 b
Les peuples, ignorantsi le bouffon qu'on vante 6+6 a
Suscitait devant euxla sagesse vivante, 6+6 a
Applaudissaient déjàses grotesques portraits, 6+6 b
640 Sur les passants du jourcopiés traits pour traits. 6+6 b
Car ils sont bien réelstous, avec leur folie ! 6+6 a
Ces types surhumainscostumés par Thalie 6+6 a
Ont une passionsous leur rire moqueur ; 6+6 b
Sous leurs habits de soieon sent frémir un cœur. 6+6 b
645 S'ils incarnent l'amour,la fourbe ou l'avarice, 6+6 a
Ils sont hommes aussi,la terre est leur nourrice ! 6+6 a
Leur langage profond,dont chacun a la clé, 6+6 b
Est un clavier superbe ;et rien n't égalé 6+6 b
Ce théâtre vivantqui frissonne et respire, 6+6 a
650 Si Dieu n't allumél'autre flambeau : Shakspere ! 6+6 a
 Dans le monde réelplein d'ombre et de rayons, 6+6 b
Tout ce qui nous sourit,tout ce que nous voyons, 6+6 b
Les cieux d'azur, les mers,ces immensités pleines, 6+6 a
La fleur qui brode un pointsur le manteau des plaines, 6+6 a
655 Les nénuphars penchéset les pâles roseaux 6+6 b
Qui disent leur chant sombreau murmure des eaux, 6+6 b
Le chêne gigantesqueet l'humide oseraie 6+6 a
Qui trace sur le solcomme une longue raie, 6+6 a
L'aigle énorme et l'oiseauqui chante à son réveil, 6+6 b
660 Tout revit et palpiteaux baisers du soleil. 6+6 b
C'est de lui qu'ici-bastoute splendeur émane ; 6+6 a
C'est lui qui répandantla clarté diaphane, 6+6 a
Charme le tendre lyscomme le jeune aiglon, 6+6 b
En secouant au loinses cheveux d'Apollon. 6+6 b
665 De même, dans ce mondeaux choses incertaines, 6+6 a
la voix du poëteest le bruit des fontaines, 6+6 a
les vers éblouissont la brise et les fleurs, 6+6 b
Les rires des rayons,les diamants des pleurs, 6+6 b
Toute créationà laquelle on aspire, 6+6 a
670 Tout rêve, toute chose,émanent de Shakspere. 6+6 a
 Shakspere, ce penseur !Ombre ! Océan ! éclair ! 6+6 b
Abîme comme Gœthe !âme comme Schiller ! 6+6 b
Or pur dont la splendeurs'éveille dans la flamme ! 6+6 a
Œil ouvert gravementsur la nature et l'âme ! 6+6 a
675 Phare qui, pour guiderles pâles matelots, 6+6 b
Rayonne dans la nuitsur des alpes de flots ! 6+6 b
Mille autres avant lui,farouches statuaires, 6+6 a
Ont tourmenté l'argileau fond des sanctuaires 6+6 a
Sans avoir entendule mot essentiel, 6+6 b
680 Et voulaient dans leurs mainsprendre le feu du ciel ; 6+6 b
Mille autres ont chanté,mais devant le prestige 6+6 a
De leur création,ils ont eu le vertige ; 6+6 a
Sur eux, comme une houle,a passé l'univers ; 6+6 b
À peine si leurs nomssurnagent sur leurs vers 6+6 b
685 Mais la grande penséeatteint avec son aile 6+6 a
Une aire énorme au hautd'une cime éternelle, 6+6 a
D' ses mille rayonsau monde épouvanté 6+6 b
Jettent l'intelligenceet la fécondité. 6+6 b
 Le sang qui de son cœurs'écoule comme une onde, 6+6 a
690 A jeté son refletde pourpre sur le monde. 6+6 a
Ainsi de ce sommetgrandiose nos yeux 6+6 b
Voient flamboyer son frontà mi-chemin des cieux, 6+6 b
Shakspere sur la terrea semé des poëtes, 6+6 a
Ceux-ci remplis d'amour,et ceux-là de tempêtes. 6+6 a
695 Tout rêve, tout héros,vêtu de pourpre ou nu, 6+6 b
Dans sa vaste penséeest au fond contenu ; 6+6 b
Ainsi que Charlemagneil a tenu le globe, 6+6 a
Et pourrait emporterdans les plis de sa robe, 6+6 a
Avec leur pauvre lyreet leurs grands piédestaux, 6+6 b
700 Nos géants d'aujourd'huidrapés dans leurs manteaux. 6+6 b
Et s'il faisait un jourcompartre à sa barre 6+6 a
Les courtisans musquésde sa muse barbare, 6+6 a
Comme de Henri Quatreau sombre Richard Trois, 6+6 b
Ses rois démasqueraientdes fantômes de rois ! 6+6 b
705 Eux seuls savent porterle sceptre et la couronne ; 6+6 a
Car il les portait bien,celui qui les leur donne, 6+6 a
Lui qui, les yeux remplisd'éclairs, et non content 6+6 b
De fouler sous ses pasun royaume éclatant, 6+6 b
S'élevait au-dessusde notre fange immonde, 6+6 a
710 Et dans un pays d'orse refaisait un monde ! 6+6 a
Lui, créateur, à qui,sans craindre son effroi, 6+6 b
Dieu lui-même avait dit :Macbeth, tu seras roi ! 6+6 b
Oh ! Comme en se penchantsur cet univers sombre, 6+6 a
fourmillent ses filset ses peuples sans nombre, 6+6 a
715 L'œil se baisse aussitôtet se ferme, ébloui 6+6 b
D'avoir vu rayonnerdans cet antre inouï 6+6 b
Tant d'âmes de héroset tant de cœurs de femme, 6+6 a
Déchirés et torduspar l'orage du drame ! 6+6 a
 Qui pourrait s'empêcherde craindre et de pâlir 6+6 b
720 Avec Cordélia,la fille du roi Lear, 6+6 b
Adorant, fille tendre,ainsi qu'une Antigone, 6+6 a
Son père en cheveux blancs,sans trône et sans couronne, 6+6 a
Parfum des derniers jours,pauvre Cordélia, 6+6 b
Seul et dernier trésordu roi qui l'oublia ! 6+6 b
725 Qui, répétant tout basles chansons d'Ophélie, 6+6 a
Ne retrouve des pleurspour sa douce folie ? 6+6 a
Qui dans son cœur éteintn'entend sourdre un écho, 6+6 b
Et n'aime Julietteécoutant Roméo ? 6+6 b
Comme ces deux enfants,ces deux âmes jumelles 6+6 a
730 Que le premier amourcaresse de ses ailes, 6+6 a
Aspirent en un jourtout un bonheur divin, 6+6 b
Et meurent, enivrésde ce généreux vin ! 6+6 b
Juliette n'a pasquatorze ans ; c'est une âme 6+6 a
Enfantine, l'amourbrûle comme une flamme ; 6+6 a
735 Elle vient au balconmêler dans chaque bruit 6+6 b
Les soupirs de son rêveaux cent voix de la nuit, 6+6 b
Si belle qu'on croiraitsur son front diaphane 6+6 a
Voir le vivant rayonde la nymphe Diane, 6+6 a
Et le cœur si naïfqu'en ce calice ouvert 6+6 b
740 Le zéphyr qui murmureau sein de l'arbre vert 6+6 b
Apporte des sermentspleins d'une douce joie ! 6+6 a
C'est lui ! C'est Roméo !Sur son pourpoint de soie 6+6 a
La nuit pâle et jalousea répandu ses pleurs : 6+6 b
Il a sur son cheminécrasé mille fleurs, 6+6 b
745 Il a par des endroitshérissés, impossibles, 6+6 a
Franchi facilementdes murs inaccessibles ; 6+6 a
Il lui faudra braver,pour sortir du palais, 6+6 b
Mille cris, les poignardsde tous les Capulets ! 6+6 b
Qu'importe à Roméo ?C'est pour voir Juliette ! 6+6 a
750 Juliette sa sœur,pauvre amante inquiète 6+6 a
Qui dans cette heure douce Phœbé resplendit, 6+6 b
Le rappelle cent foiset n'a jamais tout dit ; 6+6 b
Et qui, trop pauvre alors,pour pouvoir encor rendre 6+6 a
Son cœur à Roméo,l'aurait voulu reprendre ! 6+6 a
755  Oh ! Lorsque tes cheveuxaux magiques reflets 6+6 b
Inondent ton beau cou,fille des Capulets ! 6+6 b
Quand on a vu pendantcette nuit enchantée 6+6 a
Rayonner ton front blancsous la lune argentée ! 6+6 a
Et toi, qu'à ton destinle ciel abandonna, 6+6 b
760 Toi qui nous fait pleurer,belle Desdemona, 6+6 b
Toi qui ne croyais pas,pauvre ange aux blanches ailes, 6+6 a
Qu'on pût voir parmi nousdes amours infidèles, 6+6 a
Desdemona candide,ange qui va mourir, 6+6 b
Quand on a dans son cœurentendu ton soupir 6+6 b
765 Et ce que tu chantaisen attendant le More : 6+6 a
La pauvre âme qui pleureau pied du sycomore ! 6+6 a
Quand on connt vos sœurs,ces anges gracieux, 6+6 b
Évoqués une nuitde l'enfer ou des cieux, 6+6 b
Miranda, Cléopâtre,Imogène, Ophélie, 6+6 a
770 Ces rêves éthérésque le même amour lie ! 6+6 a
Quelle femme ici-basferait vibrer encor 6+6 b
Le cœur extasiépar vos cithares d'or ? 6+6 b
 Mais ce qui le ravitdans une molle ivresse, 6+6 a
C'est ce théâtre bleufait pour notre paresse, 6+6 a
775 D', comme le bon sens,la grave histoire a fui, 6+6 b
Et laisse le rêveurchanter son chant pour lui. 6+6 b
On n'y mesure pasles poisons à la pinte ; 6+6 a
Sans quinquets enfumés,ni ciel de toile peinte, 6+6 a
Mille gens plus pimpantsqu'un sonnet de Ronsard, 6+6 b
780 En faisant des bons motss'y croisent au hasard. 6+6 b
Là, des ruisseaux d'argent,dans des pays quelconques, 6+6 a
Versent leurs diamantsaux marbres de leurs conques, 6+6 a
Des arabesques d'orse brodent sur les cieux ; 6+6 b
Les arbres sont d'un vertqui ferait mal aux yeux ; 6+6 b
785 Tout est très surprenantsans causer de surprises, 6+6 a
Et dans tout ce soleilon est baigné de brises. 6+6 a
Les héros vont partoutsans y porter leurs pas, 6+6 b
Ne sont d'aucune époqueet ne demeurent pas. 6+6 b
Les bouffons sont hardiscomme des philosophes ; 6+6 a
790 Les femmes ont au corpsles plus riches étoffes, 6+6 a
Des robes de brocart,de saphirs et d'oiseaux, 6+6 b
Souples comme une vagueou comme les roseaux ; 6+6 b
Des mantelets auroreou bien couleur de lune 6+6 a
Jettent mille refletssur leur épaule brune, 6+6 a
795 Avec mille bijoux,plumages et colliers. 6+6 b
Parfois sous de riantshabits de cavaliers, 6+6 b
Égrenant sur leurs pasde folles épigrammes, 6+6 a
Elles courent les champs,énamourent les femmes, 6+6 a
Ont un beau nom de page,et vont prendre le frais 6+6 b
800 Avec leurs diamantsdans de petits coffrets. 6+6 b
 Des Céladons rimeurs,amants d'une Égérie, 6+6 a
En habit de satinfont de la bergerie, 6+6 a
Sont en grand désespoir,et, couchés sur le dos, 6+6 b
Regardent le soleilen faisant des rondeaux. 6+6 b
805 Mais la belle est un peutigresse, et désappointe 6+6 a
Le concetti final,au moyen d'une pointe. 6+6 a
Les amoureux, gens nés,prennent bien leurs revers, 6+6 b
Parlent en prose, à moinsqu'ils ne disent des vers, 6+6 b
Et ne s'empressent pasvers leur épithalame, 6+6 a
810 Sachant qu'Hymenaeus,au dénment du drame 6+6 a
Viendra tout arrangeravec ses vieux flambeaux. 6+6 b
Mais, pour servir de fleursils ont des madrigaux 6+6 b
Et les fichent aprèsun arbre, qui s'empresse 6+6 a
De les faire tenirsans faute à leur adresse. 6+6 a
815 Dans des chars blonds, formésd'une écorce de noix 6+6 b
Et de fils d'araignéeen guise de harnois, 6+6 b
On voit passer au loinde gracieuses fées 6+6 a
Qui chantent au soleil,bizarrement coiffées. 6+6 a
Les Ariels ont tousdeux sexes ; les lézards 6+6 b
820 Savent la pantomimeet cultivent les arts. 6+6 b
Des gens à tête d'ânearrivent, quoi qu'on die, 6+6 a
Devant des seigneurs grecsjouer leur tragédie, 6+6 a
l'homme avec un chienreprésente Phœbé 6+6 b
Dans les tristes amoursde Pyrame et Thisbé. 6+6 b
825 Leur tragédie est bêteà soulever la bile : 6+6 a
Mais lion et Phœbé,tout semble tant habile, 6+6 a
Qu'on leur dit : bien lui, lune !Et : bien rugi, Lion ! 6+6 b
Le père Anchise arriveavec le galion 6+6 b
Pour reconntre exprèsà la fin, chose due, 6+6 a
830 Sa fille Perdita,c'est-à-dire perdue. 6+6 a
 Au lieu d'avoir des nomsanglais, turcs ou romains, 6+6 b
Tous ont des noms charmantspour courir les chemins : 6+6 b
Mercutio, Célie,Orlando, Rosalinde, 6+6 a
Paroles, Pandarus,Corin, Sylvio ! L'Inde 6+6 a
835 l'on passe un flot roseen jonque de bambous, 6+6 b
Tandis que recueillis,seuls comme des hibous, 6+6 b
Des hommes fort dévotsfont saigner leur échine ; 6+6 a
L'Eldorado, Kiou-Siou,Kounashir, et la Chine 6+6 a
Qui sur sa porcelainea des pays d'azur, 6+6 b
840 N'ont rien de plus riant,de plus bleu, de plus pur 6+6 b
Que ce rêve, parfoisla rose fantaisie 6+6 a
Près du chêne saxonjette les fleurs d'Asie. 6+6 a
C'est un monde limpide dorment en riant 6+6 b
Les mystères du nordaux clartés d'orient, 6+6 b
845 près des flots d'argentbrillent dans les prairies 6+6 a
Des plantes d'émeraudeaux fleurs de pierreries, 6+6 a
des bouvreuils jaseurs,pour payer leur écot, 6+6 b
Vocalisent, perchéssur un coquelicot ! 6+6 b
C'est comme notre amourqui parlerait, ou comme 6+6 a
850 Un chant qui rediraitce qui chante dans l'homme ; 6+6 a
C'est comme un zéphyr calme,ou comme un sylphe ailé 6+6 b
Qui caresserait l'âme.Et rien n't égalé 6+6 b
Ce beau théâtre emplid'une âme singulière, 6+6 a
Si nous n'avions pas eul'autre flambeau : Molière ! 6+6 a
855  Car leur muse à tous deuxétait la même enfant, 6+6 b
Jetant au ridiculeun regard triomphant, 6+6 b
Ayant la libertéd'une fille espagnole, 6+6 a
Un éclair dans les yeuxcomme dans la parole, 6+6 a
Pourtant fière et naïve,et trouvant quelquefois 6+6 b
860 Un mot mystérieuxet voilé dans sa voix, 6+6 b
Comme en leur soleil d'orl'Armorique ou l'Irlande 6+6 a
Ont des brouillards pensifscouchés sur une lande. 6+6 a
Elle qui, le sein nu,par les coteaux voisins. 6+6 b
Tordait sur ses cheveuxla vigne et les raisins, 6+6 b
865 À présent soucieuseau désert nous sommes, 6+6 a
Car tout son avenirétait dans ces deux hommes, 6+6 a
Gémissait de les voir,par un effort uni, 6+6 b
S'user à découvrirle problème infini. 6+6 b
Car la science offerteaux cœurs des foules vaines 6+6 a
870 Est comme le sang puréchappé de nos veines, 6+6 a
Et ceux qui sur la scèneont répandu la leur, 6+6 b
En gardent pour toujoursune étrange pâleur. 6+6 b
Quand tous deux effaçaient,délaissant leur royaume, 6+6 a
Lui le rouge d'Argan,lui le fard du fantôme, 6+6 a
875 Dieu savait chaque jourpar quel changement prompt 6+6 b
Une ride nouvelleilluminait leur front. 6+6 b
Et la muse pleuraitsur leur métamorphose, 6+6 a
Elle essuyait ses pleursde sa basquine rose, 6+6 a
Et voulait souteniravec sa faible main 6+6 b
880 Ces atlas accablésd'un univers humain. 6+6 b
Puis enfin, las un jourde leur tâche première, 6+6 a
Grands astres consuméspar leur propre lumière, 6+6 a
Ils moururent devantles peuples étonnés, 6+6 b
Debout comme il convientaux hommes couronnés ! 6+6 b
885  Alors ce fut sur nouscomme une nuit étrange, 6+6 a
nul rayon d'en hautne dora notre fange, 6+6 a
rien ne traversale murmure profond 6+6 b
Que soulève l'idéeet que les choses font. 6+6 b
Seulement, au lointain,sur les vertes collines, 6+6 a
890 On entendait gémirdans les brises divines 6+6 a
Un mélange confusde sanglots et de voix. 6+6 b
C'était le cri plaintifdes muses d'autrefois, 6+6 b
Exhalé, frémissantd'une douleur amère, 6+6 a
Sur la lyre d'Orphéeet la lyre d'Homère ! 6+6 a
895 Et leur plus jeune sœur,cet ange des amours, 6+6 b
Qui des plus pâles nuitsjadis faisait des jours, 6+6 b
Qui du poëte aux roisétendait son empire, 6+6 a
Cette sœur de Molière,amante de Shakspere, 6+6 a
Racontait sa détresseau chœur aérien. 6+6 b
900 Qui me consolera ?Disait-elle, mais rien 6+6 b
Ne répondait encoreà ses paroles vaines. 6+6 a
Son sang libre et jalouxgonflait partout ses veines, 6+6 a
Mais dans la nuit profonde sommeillait la foi, 6+6 b
Nul flambeau ne disaità l'homme : lève-toi ! 6+6 b
905 Et comme les débrisde cette antique Égypte, 6+6 a
, dans leur pyramideou leur obscure crypte, 6+6 a
Dorment les Sésostrisauprès des Néchaos, 6+6 b
Notre art, monte autrefois,redevenait chaos. 6+6 b
 Puis, après bien longtemps,lorsque sur des idées 6+6 a
910 Mortes en germe avantqu'on les t fécondées, 6+6 a
Les sons, comme des flotsqui tourmentent leurs quais, 6+6 b
Se furent bien longtempsdans l'ombre entre-choqués, 6+6 b
Le peuple vit soudainrayonner sur sa face 6+6 a
Un point resplendissantde lumière vivace. 6+6 a
915 Et comme on demandaitquel était ce flambeau 6+6 b
Qui jetait sur la nuitun prestige si beau, 6+6 b
Les plus sages ont vuque c'était l'auréole 6+6 a
Au front du jeune enfantmarqué pour la parole, 6+6 a
Comme furent jadisles hommes de Sion, 6+6 b
920 Et venu pour grandirsa génération. 6+6 b
 Ce n'était qu'un enfant.L'airain aux feuillantines 6+6 a
L'avait bercé jadisde ses voix argentines : 6+6 a
Dans un jardin antiqueombragé comme un bois, 6+6 b
La nature, qui parleavec ses mille voix, 6+6 b
925 Lui disait chaque jourle secret grandiose. 6+6 a
Ivre de chants, de fleurset de parfums de rose, 6+6 a
Il complétait son âme,oubliant, oublié, 6+6 b
Par un passé de gloireà l'avenir lié, 6+6 b
Méditant sans effortpour sa pensée agile 6+6 a
930 Virgile par les champset les champs par Virgile ; 6+6 a
Dans son cœur inspiré,mais grave et sérieux, 6+6 b
Cherchant déjà le sensdes bruits mystérieux, 6+6 b
Aux lauriers paternels,aux doux baisers de mère, 6+6 a
Comprenant les deux motsque lui disait Homère, 6+6 a
935 La grandeur et l'amour,et de mille rayons 6+6 b
Enveloppant déjàtout ce que nous voyons. 6+6 b
Dans son rêve, planantau loin sur les rivages, 6+6 a
Il apeut, auprèsdes bacchantes sauvages, 6+6 a
S'acharnant sur leur proieainsi que des bourreaux, 6+6 b
940 Le fleuve ensanglantépar le chaste héros. 6+6 b
Puis, y voyant gémirsur leur divin trophée 6+6 a
Les sœurs de l'harmonieet la mère d'Orphée, 6+6 a
Il regarda le monde,et, sachant dans son cœur 6+6 b
Les secrets oubliésdu lyrisme vainqueur, 6+6 b
945 S'écria, plein déjàdu céleste délire : 6+6 a
Je serai l'harmonieet je serai la lyre ! 6+6 a
Et, sans faiblir aprèssous ce sublime effort, 6+6 b
Il dit aux fronts courbés,se sentant assez fort 6+6 b
Pour ourdir à son tourquelque sublime trame : 6+6 a
950 Je serai l'épopéeet je serai le drame ! 6+6 a
 Il se leva sur nous.Et l'homme triomphant 6+6 b
Tint si bien ce qu'au mondeavait promis l'enfant, 6+6 b
Que le vieillard pensifdont la jeune Amérique 6+6 a
Se souviendra, lui ditd'une voix homérique : 6+6 a
955 Vous êtes l'aveniret je suis le passé ! 6+6 b
Et que, dernier de tous,il a tout surpassé. 6+6 b
Lui seul, faisant saillirdans tout problème sombre 6+6 a
L'ombre par le rayonet le rayon par l'ombre, 6+6 a
A fait briller à flotssur nos illusions 6+6 b
960 L'immuable clartéfaite de trois rayons, 6+6 b
Trinité solennelleà nos yeux apparue, 6+6 a
Triste aspect du foyer,du champ et de la rue. 6+6 a
Le foyer ! Oasisaux souvenirs anciens, 6+6 b
dans la solitudeon est tout pour les siens, 6+6 b
965 Sanctuaire l'on sentcomme il est bon de vivre 6+6 a
La tête dans les mainset les yeux dans un livre ! 6+6 a
Là tout est doux, charmant,simple et mystérieux : 6+6 b
C'est l'épouse qui suitvotre rêve des yeux, 6+6 b
Ce sont les beaux enfantspleins d'avenir, aux lèvres 6+6 a
970 Rouges comme les fleursdes vases de vieux Sèvres ; 6+6 a
Et la vierge étonnée,en son cœur ingénu, 6+6 b
De voir son front si pur,et si blanc son bras nu ; 6+6 b
Puis c'est un vieil amiqui cause de Tacite, 6+6 a
Qui lit à cœur ouvertdans Virgile qu'il cite, 6+6 a
975 Et dont les souvenirs,d'âge en âge espacés, 6+6 b
Vous reportent, jeune homme,à vos plaisirs passés. 6+6 b
 Foyer, doux manteau d'ombre !ô naïve peinture 6+6 a
Flamande, que chacunrefera ! La nature 6+6 a
A-t-elle plus que toid'harmonie et de chants ? 6+6 b
980 Qui pourrait t'égaler,sinon l'air et les champs ? 6+6 b
Car les champs sont aussile grand poëme, et comme 6+6 a
Un livre écrit par Dieupour l'extase de l'homme. 6+6 a
C'est là que chaque lèvre,allant chercher son miel, 6+6 b
Boit, abeille, les fleurs,et, poëte, le ciel ! 6+6 b
985 C'est là qu'un doux zéphyrfait frissonner la lyre, 6+6 a
Et que le mot s'écritpour ceux qui savent lire ; 6+6 a
Ce sont des ruisseaux d'or,de larges horizons, 6+6 b
Des fruits divers donnésà toutes les saisons, 6+6 b
Des cascades, des fleurs,de grandes vtes d'arbres, 6+6 a
990 Des cailloux anguleuxplus brillants que des marbres, 6+6 a
Des oiseaux garrulantsqui s'envolent troublés, 6+6 b
De gais coquelicotsqui dansent dans les blés, 6+6 b
Des lacs aux flots unis, sans cesse jetée, 6+6 a
La lumière dessineune moire argentée, 6+6 a
995 Des cieux pleins de blasonsqui paradent au loin, 6+6 b
Et de vagues parfumsqui s'exhalent du foin ! 6+6 b
 Et sur ce beau décor,un chœur immense, un monde : 6+6 a
La verte demoiselleavec l'insecte immonde, 6+6 a
Le corbeau velouté,les bœufs aux larges reins, 6+6 b
1000 Cherchant leurs Brascassatsou leurs Claudes Lorrains ! 6+6 b
Chacun marche en sa voie.Au fond de la prairie 6+6 a
La génisse au flanc rouxcourt dans l'herbe fleurie, 6+6 a
Les oiseaux attentifsportent au fond du nid 6+6 b
La mousse dérobéeaux angles du granit, 6+6 b
1005 L'insecte fait son trou,la verte demoiselle 6+6 a
Se mire dans le flotscintillant qui ruisselle, 6+6 a
Et dans une clartél'épi s'ouvre au soleil. 6+6 b
Chacun cherche son butdès la premier réveil : 6+6 b
La fourmi son brin d'herbe,et l'homme sa charrue. 6+6 a
1010  Et comme aux champs, hélas !Chaque homme dans la rue 6+6 a
Doit labourer l'argile,et dans un tourbillon 6+6 b
Remplir encor sa tâcheet creuser son sillon, 6+6 b
Et, sans devancer l'heure la moisson commence, 6+6 a
Disputer aux oiseauxdu ciel, herbe ou semence, 6+6 a
1015 Les grains qui deviendrontépis. Tout penseur doit 6+6 b
Désigner le vrai but,et le montrant du doigt, 6+6 b
Protéger tour à tourles peuples qu'on enchne, 6+6 a
Et le bon roi, souventinsulté sous le chêne ! 6+6 a
Cerveau lumineux, cœur déborde l'amour, 6+6 b
1020 Il doit, leur prodiguantsa pitié tour à tour, 6+6 b
Au milieu des abustoujours prêts à nous mordre, 6+6 a
Conserver et grandirla liberté par l'ordre, 6+6 a
Pour rajeunir sans cesseet pour purifier 6+6 b
L'atmosphère du champet celle du foyer. 6+6 b
1025  Triple aspect du foyer,du champ et de la rue, 6+6 a
Ô trilogie énormeavec le temps accrue, 6+6 a
Pour dégager de toila tranquille clarté, 6+6 b
Il fallait un penseurqui, de tous écarté, 6+6 b
Reçût, seul entre tous,de la muse d'Homère 6+6 a
1030 La royauté, nectarqui fait la coupe amère ! 6+6 a
Aussi la muse eut-elleun regard triomphant 6+6 b
Lorsque, sur le berceaudivin de cet enfant, 6+6 b
Elle vit, consoléeenfin de son désastre, 6+6 a
La flamme de l'esprits'allumer comme un astre ! 6+6 a
1035 Si bien que cet enfant,ce rêveur radieux, 6+6 b
Calme, indulgent et fortcomme les demi-dieux, 6+6 b
Ce grand porte-lumière,élu dès sa naissance, 6+6 a
L'illumina plus tardde sa reconnaissance ; 6+6 a
Et sentant ce jour-làtous les peuples divers 6+6 b
1040 Assez grands pour la voiravec leurs yeux ouverts, 6+6 b
Il la leur montra, belle,ingénue et sans voiles, 6+6 a
Ayant sur ses bras nusla blancheur des étoiles, 6+6 a
Et dans la coupe, luitl'éclair d'un diamant, 6+6 b
Buvant le vin de pourpreavec son jeune amant ! 6+6 b
1045 Le beau printemps vermeilles salue et les fête, 6+6 a
Et comme un chœur sublime,autour de ce poëte 6+6 a
En qui revit l'orgueildes temps évanouis, 6+6 b
Des poëtes nouveauxse pressent éblouis. 6+6 b
 Les voilà. Ce sont eux,les héros qui délivrent ! 6+6 a
1050 J'entends leurs cris d'amouret leurs voix qui m'enivrent, 6+6 a
Et, dans la route sûre je suivrai leurs pas, 6+6 b
Je vois tous ces vainqueursde l'ombre et du trépas. 6+6 b
Byron n'est plus ; il dortdans la gloire suprême, 6+6 a
Fier, adoré, superbe,et la muse elle-même, 6+6 a
1055 De son âme briséeemportant le meilleur, 6+6 b
Baisa le pâle frontde ce don Juan railleur. 6+6 b
Lamartine aux beaux yeux,qui charme et qui soupire, 6+6 a
Près du lac frissonnantchante encor son Elvire ; 6+6 a
Les deux Deschamps, brisantla maille et les réseaux, 6+6 b
1060 S'élancent dans l'air libreainsi que des oiseaux ; 6+6 b
Sainte-Beuve revoitses maux et nous les conte ; 6+6 a
Vigny, doux et hautain,sous son manteau de comte 6+6 a
Garde pieusementnotre orgueil indompté ; 6+6 b
Musset, les yeux brûlants,pâle de volupté, 6+6 b
1065 Sent dans son cœur briséntre la poésie ; 6+6 a
Barbier rugit ; Moreaucélèbre sa Voulzie ; 6+6 a
En Valmore Sapphos'éveille et chante encor ; 6+6 b
Delphine, sa rivale,en ses longs cheveux d'or 6+6 b
Triomphe, poëtesseà la toison vermeille ; 6+6 a
1070 Laprade s'est penchésur Psyché qui sommeille ; 6+6 a
Méry taille et sertit,merveilleux joaillier, 6+6 b
Les rubis indiensen un rouge collier ; 6+6 b
Brizeux nous a rendules fiers accents du celte ; 6+6 a
Sous ses longs cheveux noirs,beau rhapsode au corps svelte, 6+6 a
1075 Gautier, pensif et doux,qui semble un jeune dieu, 6+6 b
Réfléchit l'universdans sa prunelle en feu, 6+6 b
Et quand Heine, d'un versjoyeux et plein de haine, 6+6 a
Perce les serpents vilsde la bêtise humaine, 6+6 a
On croit voir sur la fangeet dans l'impur vallon 6+6 b
1080 Pleuvoir les flèches d'orde son père Apollon. 6+6 b
 Nos horizons lointainsde clarté se revêtent, 6+6 a
L'air vibre, et c'est ainsique ces lyriques jettent 6+6 a
Aux quatre vents du cielleurs chants nobles et purs ; 6+6 b
Et la muse les guideaux prodiges futurs, 6+6 b
1085 Et mûrit lentementleur œuvre qu'elle achève, 6+6 a
Sage, car elle sait ;jeune, car elle rêve ! 6+6 a
Son jour se lève bleu.Sur ses bras assouplis 6+6 b
Flotte un voile pourpré.Les temps sont accomplis. 6+6 b
 Ô déesse, âme, esprit,clarté, muse nouvelle, 6+6 a
1090 Qui renais du passéplus farouche et plus belle, 6+6 a
Toi qui mènes aussites enfants par la main, 6+6 b
Charmeresse au grand cœur,montre-moi le chemin ! 6+6 b
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