Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
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Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE DEUXIÈME
LE STIGMATE
Et in fronte ejus nomen
scriptum : Mysterium…
Apocalypsis, caput XVII.
Une nuit qu'il pleuvait, un poëte profane 6+6 a
M'entraîna follement chez une courtisane 6+6 a
Aux épaules de lys, dont les jeunes rimeurs 6+6 b
Couronnaient à l'envi leur corbeille aux primeurs. 6+6 b
5 Donc, je me promettais une femme superbe 6+6 a
Souriant au soleil comme les blés en herbe, 6+6 a
Avec mille désirs allumés dans ces yeux 6+6 b
Qui reflètent le ciel comme les bleuets bleus. 6+6 b
Je rêvais une joue aux roses enflammées, 6+6 a
10 Desseins très à l'étroit dans des robes lamées, 6+6 a
Des mules de velours à des pieds plus polis 6+6 b
Que les marbres anciens par Dypoene amollis, 6+6 b
Dans une bouche folle aux perles inconnues 6+6 a
La muse d'autrefois chantant des choses nues, 6+6 a
15 Des Boucher fleurissants épanouis au mur, 6+6 b
Et des vases chinois pleins de pays d'azur. 6+6 b
Hélas ! Qui se connaît aux affaires humaines ? 6+6 a
On se trompe aux Agnès tout comme aux Célimènes : 6+6 a
Toute prédiction est un rêve qui ment ! 6+6 b
20 Ainsi jugez un peu de mon étonnement 6+6 b
Lorsque la Nérissa de la femme aux épaules 6+6 a
Vint, avec un air chaste et des cheveux en saules, 6+6 a
Annoncer nos deux noms, et que je vis enfin 6+6 b
L'endroit mystérieux dont j'avais eu si faim. 6+6 b
25 C'était un oratoire à peine éclairé, grave 6+6 a
Et mystique, rempli d'une fraîcheur suave, 6+6 a
Et l'œil dans ce réduit calme et silencieux 6+6 b
Par la fenêtre ouverte apercevait les cieux. 6+6 b
Le mur était tendu de cette moire brune 6+6 a
30 Où vient aux pâles nuits jouer le clair de lune, 6+6 a
Et pour tout ornement on y voyait en l'air 6+6 b
La melancholia du maître Albert Dürer, 6+6 b
Cet ange dont le front, sous ses cheveux en ondes, 6+6 a
Porte dans le regard tant de douleurs profondes. 6+6 a
35 Sur un meuble gothique aux flancs noirs et sculptés 6+6 b
Parlant des voix du ciel et non des voluptés, 6+6 b
Souriait tristement une bible entr'ouverte 6+6 a
Sur une tranche d'or ouvrant sa robe verte. 6+6 a
Pour la femme, elle était assise, en peignoir brun, 6+6 b
40 Sur un pauvre escabeau. Ses cheveux sans parfum 6+6 b
Retombaient en pleurant sur sa robe sévère. 6+6 a
Son regard était pur comme une primevère 6+6 a
Humide de rosée. Un long chapelet gris 6+6 b
Roulait sinistrement dans ses doigts amaigris, 6+6 b
45 Et son front inspiré, dans une clarté sombre 6+6 a
Pâlissait tristement, plein de lumière et d'ombre ! 6+6 a
Mais bientôt je vis luire, en m'approchant plus près, 6+6 b
Dans ce divin tableau, sombre comme un cyprès, 6+6 b
Dont mon premier regard n'avait fait qu'une ébauche, 6+6 a
50 Aux lèvres de l'enfant le doigt de la débauche, 6+6 a
Sur les feuillets du livre une tache de vin. 6+6 b
Et je me dis alors dans mon cœur : c'est en vain 6+6 b
Que par les flots de miel on déguise l'absinthe, 6+6 a
Et l'orgie aux pieds nus par une chose sainte. 6+6 a
55 Car Dieu, qui ne veut pas de tare à son trésor 6+6 b
Et qui pèse à la fois dans sa balance d'or 6+6 b
Le prince et la fourmi, le brin d'herbe et le trône, 6+6 a
Met la tache éternelle au front de Babylone ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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