Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAN_1/BAN29
Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE DEUXIÈME
CEUX QUI MEURENT ET CEUX QUI COMBATTENT
II
LA MORT DU POËTE
Le poëte sentantson âme ouvrir ses ailes 6+6 a
 Pour s'envoler enfin, 6 b
S'enchantait de gravirles cimes éternelles 6+6 a
 Et de n'avoir plus faim. 6 b
5 Des souvenirs confuset des heures fanées 6+6 a
  l'espoir avait lui, 6 b
Comme des compagnonsde ses jeunes années 6+6 a
 Se groupaient devant lui. 6 b
Il revoyait le temps, dans la fange immonde, 6+6 a
10  Il cherchait sur ses pas 6 b
La gloire, cette fleurqu'il rêvait en ce monde, 6+6 a
 Et qu'on n'y cueille pas ! 6 b
Et le moment fatal tous ceux de la terre, 6+6 a
 De la plaine et des monts, 6 b
15 Avaient dit : tu n'es pas,ô rêveur solitaire, 6+6 a
 De ceux que nous aimons ! 6 b
Parfois un souvenirdes heures amoureuses 6+6 a
 Illuminait ses traits, 6 b
Comme passent le soirdes pourpres vaporeuses 6+6 a
20  Entre les noirs cyprès. 6 b
Il retrouvait la chèreet fugitive image, 6+6 a
 Et de son œil hagard 6 b
Il croyait l'entrevoirà travers le nuage 6+6 a
 Qui voilait son regard. 6 b
25 Oh ! Non, se disait-il,tu mens, pâle agonie ! 6+6 a
 Un fantôme trompeur 6 b
Me charmait ; la misèreest là, tout me renie : 6+6 a
 La misère fait peur ! 6 b
L'ingrat ne savait pasque, malgré son blasphème, 6+6 a
30  Son rêve s'achevait, 6 b
Et que la jeune filleétait, vivant poëme, 6+6 a
 Assise à son chevet. 6 b
Sur le front du mourantelle posa sa tête, 6+6 a
 Pour y dormir un peu 6 b
35 Avant que l'ange pritcette âme de poëte 6+6 a
 Pour la mener à Dieu. 6 b
Or, c'était une choseétrange et sérieuse 6+6 a
 Que d'unir sans remord 6 b
Aux lèvres d'un mourantcette lèvre rieuse, 6+6 a
40  Cette vie à la mort ! 6 b
Je ne sais quel espoirpassa sur ce délire 6+6 a
 Dans l'ombre enseveli, 6 b
Mais voilà ce que ditl'âme à la douce lyre, 6+6 a
 Au chaste front pâli : 6 b
45 Pourquoi douter ainside l'avenir immense 6+6 a
 Et rester abattu ? 6 b
l'homme voit finirson pouvoir, Dieu commence ; 6+6 a
 Il nous aime, vois-tu ! 6 b
Il conserve à ta vieardemment dépensée 6+6 a
50  Le ciel de bien des jours, 6 b
s'épanouirontles fleurs de ta pensée 6+6 a
 Fidèle à nos amours. 6 b
Oh ! Dit-il, mots divins !Amour et poésie ! 6+6 a
 Ineffable trésor ! 6 b
55 Je vous ai savouréscomme un flot d'ambroisie 6+6 a
 Dans une coupe d'or ! 6 b
Comme j'aimais alorsles bois et les prairies, 6+6 a
 Le ciel, tableau changeant, 6 b
Les oiseaux veloutés,les fleurs de pierreries, 6+6 a
60  Les rivières d'argent ! 6 b
Mon rêve était partout.Je disais : je t'adore ! 6+6 a
 À l'aubépine en fleurs ; 6 b
Au feuillage : sens-moitressaillir. À l'aurore 6+6 a
 Humide : vois mes pleurs ! 6 b
65 Je remplissais d'espoirmon âme fécondée 6+6 a
 Et mes désirs sans frein, 6 b
Comme un sculpteur emplitavec sa large idée 6+6 a
 Les marbres et l'airain : 6 b
J'aimais la liberté,cette déesse antique 6+6 a
70  Dont les flancs sont blessés, 6 b
Et qui chantait jadisun radieux cantique 6+6 a
 Sur ses fils trépassés ; 6 b
Cette mère dont l'âmeà tous nos vœux se mêle : 6+6 a
 Qui, les deux bras ouverts, 6 b
75 Étreint les nations,et, comme une Cybèle, 6+6 a
 Allaite l'univers ! 6 b
Je saluais déjàl'aurore de la gloire. 6+6 a
 Mais, ô deuil ! ô terreur ! 6 b
À présent une nuitsilencieuse et noire 6+6 a
80  M'enveloppe d'horreur. 6 b
Car, lorsque brille au loindans un horizon sombre 6+6 a
 Un éclat vif et beau, 6 b
Tous ceux qui sur nos frontsne règnent que par l'ombre 6+6 a
 Éteignent le flambeau. 6 b
85 Toute clarté leur jette,innocente ou hardie, 6+6 a
 Un désespoir amer ; 6 b
En effet, l'étincelleest tout un incendie, 6+6 a
 La source est une mer ! 6 b
Aussi lorsqu'ils ont vunos astres sur leur route 6+6 a
90  Avoir mille rayons, 6 b
Ils ont appesantil'épais brouillard du doute 6+6 a
 Sur ce que nous croyons. 6 b
Lorsque nous leur disionsnos chants, des chants sublimes 6+6 a
 Qu'ils ne comprenaient pas, 6 b
95 Ils les examinaient,ces éplucheurs de rimes, 6+6 a
 Avec leur froid compas ! 6 b
Lorsque nous demandionsles vierges diaphanes 6+6 a
 Dont le mtre étoila 6 b
Notre ciel obscurci,de viles courtisanes 6+6 a
100  Répondaient : nous voilà ! 6 b
Mais j'en ai trouvé deuxplus froides que les autres 6+6 a
 Dans leur satiété, 6 b
Deux, l'envie et la faim,les plus dignes apôtres 6+6 a
 De la société ! 6 b
105 Si bien que j'ai creusémon sillon dans ce monde 6+6 a
 Égoïste et mauvais, 6 b
Lorsque l'autre patrieétait seule féconde : 6+6 a
 Mais celle-là, j'y vais ! 6 b
—Non, dit-elle, vivons,ô mon idolâtrie ! 6+6 a
110  Seigneur, rends-lui sa foi. 6 b
Ou si vraiment son âmeirritée et meurtrie 6+6 a
 A déjà soif de toi, 6 b
Si tu veux délivrercette blanche colombe, 6+6 a
 Seigneur, si tu le veux ! 6 b
115 Fais-moi mourir aussi.Pour linceul dans sa tombe 6+6 a
 Il aura mes cheveux. 6 b
Or, Dieu prêta l'oreilleà ces voix de la terre. 6+6 a
 Des deux enfants liés 6 b
Il ne resta plus rien,qu'un tombeau solitaire 6+6 a
120  Et des chants oubliés. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université