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Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE DEUXIÈME
SONGE D'HIVER
IV
Oh ! Ne l'écoute pas, viens à moi, me dit-elle, 6+6 a
Pour t'emporter ce soir j'ai veillé bien des jours ; 6+6 b
Vois, mon cœur ne bat plus, ma joue en pleurs ruisselle, 6+6 a
Mes cheveux déroulés m'inondent ; je suis celle 6+6 a
5 Dont les bras s'ouvrent pour toujours ! 8 b
Mon amour éternel est chaste, calme et tendre ; 6+6 a
Loin du monde aux longs bruits tristes comme un tocsin, 6+6 b
Dans mon beau lit de marbre, où tu pourras t'étendre, 6+6 a
Tu dormiras longtemps sans jamais rien entendre, 6+6 a
10 La tête appuyée à mon sein. 8 b
De légères willis aux tuniques flottantes 6+6 a
Feront en se jouant notre lit tous les soirs ; 6+6 b
Malgré nos lourds rideaux sur nos chairs palpitantes, 6+6 a
Souvent nous sentirons s'envoler vers nos tentes 6+6 a
15 Un parfum lointain d'encensoirs. 8 b
Nous entendrons, parmi nos plaisirs sans mélanges, 6+6 a
Des chants mystérieux et plus doux que le miel, 6+6 b
Si bien qu'on ne sait pas, tant ces voix sont étranges, 6+6 a
Si ce sont des voix d'homme ou bien des lyres d'anges, 6+6 a
20 Des chants de la terre ou du ciel. 8 b
De même, quelquefois, au-dessus de nos têtes, 6+6 a
Nous entendrons aussi frémir des vents glacés, 6+6 b
Des zéphyrs ondoyants ou d'ardentes tempêtes 6+6 a
Portant des mots de haine ou des chansons de fêtes, 6+6 a
25 Et nous nous dirons, enlacés : 8 b
Qu'importent maintenant à notre âme cachée 6+6 a
Ces flots tumultueux qui changent si souvent ? 6+6 b
Le bonheur, c'est la nuit, la feuille desséchée, 6+6 a
La paresse aux pieds nus, nonchalamment couchée 6+6 a
30 Loin des bruits du monde vivant. 8 b
Qu'importent maintenant, lorsque tout dégénère, 6+6 a
Ces hommes de là-bas à cent choses liés, 6+6 b
Qui, ravivant en eux la plaie originaire, 6+6 a
Pour atteindre dans l'ombre un but imaginaire 6+6 a
35 Heurtent leurs pas multipliés ? 8 b
Les uns, jeunes enfants dont la cohorte arrive 6+6 a
Au banquet somptueux qui caresse leur faim, 6+6 b
Sous les lustres dorés et la lumière vive 6+6 a
Disent des chœurs joyeux, dont plus d'un gai convive 6+6 a
40 Ne pourra pas chanter la fin. 8 b
Les autres, gens élus que la foule environne, 6+6 a
Redisent un poëme adorable ou fatal, 6+6 b
Mais ces fous, qu'un matin la jeunesse couronne, 6+6 a
Tombent, ivres encor, du balcon de Vérone, 6+6 a
45 Sur le grabat d'un hôpital. 8 b
Et puis c'est une vierge à la candeur étrange 6+6 a
Dont les nuits ont rê l'amour délicieux, 6+6 b
Mais dont le ciel avare a voulu faire un ange. 6+6 a
Ce sont mille splendeurs éteintes dans la fange 6+6 a
50 En rêvant la clarté des cieux ! 8 b
Luths brisés, chants éteints, glaives qui se provoquent, 6+6 a
Tourbillons palpitants, inquiets, alarmés, 6+6 b
Chœurs aux voiles d'azur que les haines suffoquent ; 6+6 a
Ce sont des yeux, des voix, des mains qui s'entrechoquent, 6+6 a
55 Comme des bataillons armés ! 8 b
Tandis que nous aurons une nuit éternelle 6+6 a
Que jusqu'au bout des temps rien ne pourra briser ! 6+6 b
Oh ! Viens ! Mes bras sont nus, ma paupière étincelle, 6+6 a
Mon cœur s'ouvre à jamais, et pourtant je suis celle 6+6 a
60 Qui ne donne qu'un seul baiser ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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