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| = césure
ARV_1/ARV31
Félix ARVERS
POÉSIES
1833
PIÈCES INÉDITES
À Alfred Tattet
I
Alfred, j'ai vu des jours où nous vivions en frères, 6+6 a
Servant les mêmes dieux aux autels littéraires : 6+6 a
Le ciel n'avait formé qu'une âme pour deux corps ; 6+6 b
Beaux jours d'épanchement, d'amour et d'harmonie, 6+6 c
5 Où ma voix à la tienne incessamment unie 6+6 c
Allait se perdre au ciel en de divins accords. 6+6 b
Qui de nous a changé ? Pourquoi dans la carrière 6+6 a
L'un court-il en avant, laissant l'autre en arrière ? 6+6 a
Lequel des deux soldats a déserté les rangs ? 6+6 b
10 Pourquoi ces deux vaisseaux qui naviguaient ensemble, 6+6 c
Désespérant dé d'un port qui les rassemble, 6+6 c
Vont-ils chercher si loin des bords si différents ? 6+6 b
C'est la loi d'ici-bas : Quand tout change et tout passe. 6+6 a
Quand chaque son qui fuit en traversant l'espace 6+6 a
15 Semble une voix d'ami qui murmure un adieu ; 6+6 b
Quand sur nous, sans pitié, déployant ses ravages, 6+6 c
Le temps roule sans fin dans un lit sans rivages 6+6 c
Pour ne se reposer que dans le sein de Dieu, 6+6 b
Tu veux que notre cœur, chétive créature, 6+6 a
20 Seul exempt ici-bas des lois de la nature 6+6 a
Qui détruit son ouvrage et le pousse au trépas, 6+6 b
Immuable lui seul et lui seul sédentaire. 6+6 c
Debout sur les débris, puisse voir sur la terre 6+6 c
Toute chose changer, et qu'il ne change pas. 6+6 b
25 Non, non ; je n'ai jamais, divine poésie. 6+6 a
Profané ton autel par une apostasie ; 6+6 a
J'ai tenu devant tous ton culte pour sacré : 6+6 b
A ton temple nouveau j'ai déposé ma pierre 6+6 c
Et jamais cette voix n'en vint, comme saint Pierre, 6+6 c
30 A renier le Dieu qu'elle avait adoré. 6+6 b
Je n'ai pas dévoué mon maître aux gémonies, 6+6 a
Je n'ai pas abreu de fiel et d'avanies 6+6 a
L'idole où mes genoux s'usaient à se plier : 6+6 b
Je n'ai point du passé répudié la trace, 6+6 c
35 J'y suis resté fidèle, et n'ai point, comme Horace, 6+6 c
Au milieu du combat jeté mon bouclier. 6+6 b
Non, c'est toi qui changeas. Un nom qui se révèle 6+6 a
T'éblouit des rayons de sa gloire nouvelle. 6+6 a
Tu vois dans le bourgeon le fruit qui doit mûrir : 6+6 b
40 Mécène du Virgile et saint Jean du Messie, 6+6 c
Tu répands en tous lieux la sainte Prophétie, 6+6 c
Tu sèmes la parole et tu la fais fleurir. 6+6 b
II
Moi, Je suis ainsi fait : au rang des plus grands crimes 6+6 a
Je mets le fantastique et les mauvaises rimes : 6+6 a
45 La rime est un écho qui se perd sans effet. 6+6 b
S'il ne sait recueillir la voix à sa naissance, 6+6 c
C'est un instrument faux, et j'appelle impuissance 6+6 c
Le dédain orgueilleux que certains en ont fait. 6+6 b
Je ne suis pas de ceux qui croient que la pensée, 6+6 a
50 Dans un cadre grossier bien ou mal enchâssée, 6+6 a
Puisse assez resplendir de sa propre beauté. 6+6 b
Beaucoup en cette erreur sont tombés dans notre âge. 6+6 c
Je veux qu'un grand dessein éclairant tout l'ouvrage 6+6 c
Imprime à chaque vers la vie et l'unité. 6+6 b
55 Je ne suis pas de ceux qui vont dans les orgies 6+6 a
S'inspirer aux lueurs blafardes des bougies, 6+6 a
Qui dans l'air obscurci par les vapeurs du vin, 6+6 b
Tentent de ranimer leur muse exténuée, 6+6 c
Comme un vieillard flétri qu'une prostituée 6+6 c
60 Sous ses baisers impurs veut réchauffer en vain. 6+6 b
Je crois que le génie est un fils du mystère, 6+6 a
Qui veut être la des fanges de la terre, 6+6 a
Pour marcher dans sa force et dans sa liberté ; 6+6 b
Je crois qu'un vase infect en souillerait la flamme ; 6+6 c
65 Que, pour l'œuvre divin, le corps, ainsi que l'âme, 6+6 c
A besoin de pudeur et de virginité. 6+6 b
C'est ainsi que j'entends l'œuvre de poésie : 6+6 a
Chacun de nous s'est fait l'art à sa fantaisie, 6+6 a
Chacun de nous l'a vu d'un différent côté. 6+6 b
70 Prisme aux mille couleurs, chaque œil en saisit une 6+6 c
Suivant le point divers où l'a mis la fortune : 6+6 c
Dieu lui seul peut tout voir dans son immensité. 6+6 b
Conserve la croyance et respecte la nôtre, 6+6 a
Apôtre dévoué de la gloire d'un autre ; 6+6 a
75 Fais-toi du nouveau Dieu confesseur et martyr, 6+6 b
Ne crois pas que mon cœur cède comme une argile 6+6 c
Ni que ta voix, prêchant le nouvel Évangile, 6+6 c
Si chaude qu'elle soit, puisse me convertir. 6+6 b
Adieu. Garde ta foi, garde ton opulence. 6+6 a
80 Laisse-moi recueillir mon cœur dans le silence, 6+6 a
Laisse-moi consumer mes jours comme un reclus ; 6+6 b
Pardonne cependant à cette rêverie, 6+6 c
C'est le chant d'un proscrit en quittant la patrie, 6+6 c
C'est la voix d'un ami que tu n'entendras plus. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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