Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ARV_1/ARV13
Félix ARVERS
POÉSIES
1833
MES HEURES PERDUES
A Madame ***
Madame, croyez-moi ; bien qu'une autre patrie 6+6 a
Vous ait ravie à ceux qui vous ont tant chérie, 6+6 a
Allez, consolez-vous, ne pleurez point ainsi ; 6+6 b
Votre corps est là-bas, mais votre âme est ici : 6+6 b
5 C'est la moindre moitié que l'exil nous a prise ; 6+6 a
La tige s'est rompue au souffle de la brise ; 6+6 a
Mais l'ouragan jaloux, qui ternit sa splendeur, 6+6 b
Jeta la fleur au vent et nous laissa l'odeur. 6+6 b
A moins, à moins pourtant que dans cette retraite 6+6 a
10 Vous n'ayez apporté quelque peine secrète. 6+6 a
Et que là, comme ici, quelque ennui voyageur 6+6 b
Se cramponne à votre âme, inflexible et rongeur : 6+6 b
Car bien souvent, un mot, un geste involontaire. 6+6 a
Des maux que vous souffrez a trahi le mystère, 6+6 a
15 Et j'ai vu sous ces pleurs et cet abattement 6+6 b
La blessure d'un cœur qui saigne longuement. 6+6 b
Vous avez épui tout ce que la nature 6+6 a
A permis de bonheur à l'humble créature, 6+6 a
Et votre pauvre cœur, lentement consumé, 6+6 b
20 S'est fait vieux en un jour, pour avoir trop aimé : 6+6 b
Vous seule, n'est-ce pas, vous êtes demeue 6+6 a
Fidèle à cette amour que deux avaient jue. 6+6 a
Et seule, jusqu'au bout, avez pieusement 6+6 b
Accompli votre part de ce double serment. 6+6 b
25 Consolez-vous encor ; car vous avez. Madame, 6+6 a
Achevé saintement votre rôle de femme ; 6+6 a
Vous avez ici-bas rempli la mission 6+6 b
Faite à l'être créé par la création. 6+6 b
Aimer, et puis souffrir, voilà toute la vie : 6+6 a
30 Dieu vous donna long-temps des jours dignes d'envie 6+6 a
Aujourd'hui, c'est la loi, vous payez chèrement 6+6 b
Par des larmes sans fin ce bonheur d'un moment. 6+6 b
Certes, tant de chagrins, et tant de nuits passées 6+6 a
A couver tristement de lugubres penes. 6+6 a
35 Tant et de si longs pleurs n'ont pas si bien éteint 6+6 b
Les éclairs de vos yeux et pâli votre teint. 6+6 b
Que mainte ambition ne se fût contene, 6+6 a
Madame, de la part qui vous en est restée. 6+6 a
Et que plus d'un encor n'y laissât sa raison. 6+6 b
40 Ainsi qu'aux églantiers l'agneau fait sa toison. 6+6 b
Mais votre âme est plus haute, et ne s'arrange guère 6+6 a
Des consolations d'un bonheur si vulgaire ; 6+6 a
Madame, ce n'est point un vase où, tour à tour, 6+6 b
Chacun puisse étancher la soif de son amour ; 6+6 b
45 Mais Dieu la fit semblable à la coupe choisie, 6+6 a
Dans les plus purs cristaux des rochers de l'Asie, 6+6 a
Où l'on verse au sultan le Chypre et le Xérès, 6+6 b
Qui ne sert qu'une fois, et qui se brise après. 6+6 b
Gardez-la donc toujours cette triste pene 6+6 a
50 D'une amour méconnue et d'une âme froissée : 6+6 a
Que le prêtre debout, sur l'autel aboli, 6+6 b
Reste fidèle au Dieu dont il était rempli ; 6+6 b
Que le temple désert, aux vitraux de l'enceinte 6+6 a
Garde un dernier rayon de l'auréole sainte. 6+6 a
55 Et que l'encensoir d'or ne cesse d'exhaler 6+6 b
Le parfum d'un encens qui cessa de brûler ! 6+6 b
Il n'est si triste nuit qu'au crêpe de son voile 6+6 a
Dieu ne fasse parfois luire une blanche étoile, 6+6 a
Et le ciel mit au fond des amours malheureux 6+6 b
60 Certains bonheurs cachés qu'il a gardés pour eux. 6+6 b
Supportez donc vos maux, car plus d'un les envie ; 6+6 a
Car, moi qui parle, au prix du repos de ma vie. 6+6 a
Au prix de tout mon sang. Madame, je voudrais 6+6 b
Les éprouver un jour, quitte à mourir après. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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