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ARV_1/ARV12
Félix ARVERS
POÉSIES
1833
MES HEURES PERDUES
La Pauvreté
Je suis pauvre, et pour moi l'on n'a que du mépris !
S'écriait l'autre jour le malheureux Fabrice ;
Quelqu'un lui dit : Mon cher, Pauvreté n'est pas vice.
Ah ! répondit-il, c'est bien pis !
Poésie du siècle dernier.
Hôtes de ce séjour d'angoisse et de souffrance, 6+6 a
Où Satan sur le seuil a mis : Plus d'espérance ! 6+6 a
Qui vous brisez le front contre ses murs de fer, 6+6 b
Et vîntes échanger, dans cette fange immonde, 6+6 c
5 La perpétui des peines de ce monde 6+6 c
Pour l'éternité de l'enfer ! 8 b
O vous, bandits, larrons d'Italie ou d'Espagne, 6+6 a
Hôtes dés grands chemins, qui courez la campagne 6+6 a
De Tarente à Venise, et de Rome au Simplon ; 6+6 b
10 Et vous, concitoyens, voleurs de ma patrie. 6+6 c
Qui, les cheveux rasés et l'épaule flétrie. 6+6 c
Ramiez dans Brest ou dans Toulon ! 8 b
Et vous qui, franchissant les monts et les cascades, 6+6 a
Imploriez la madone, et braviez les alcades, 6+6 a
15 Castillans, Grenadins ! et vous qui, sourdement, 6+6 b
Sous le ciel de l'Écosse, alliez dans les ténèbres 6+6 c
Ressusciter les morts dans leurs linceuls funèbres 6+6 c
Avant le jour du jugement ! 8 b
Filles de joie, ô vous qu'on voyait dans la rue. 6+6 a
20 Autour d'un mauvais lieu, faire le pied de grue. 6+6 a
Dont l'amour fut mortel, et le baiser fatal ; 6+6 b
Vous tous, morts dans le crime et dans l'impénitence, 6+6 c
Spectres, qu'ont ainsi faits la roue ou la potence, 6+6 c
La guillotine ou l'hôpital ! 8 b
25 Vous tous, mes vieux damnés, races de Dieu maudites, 6+6 a
Approchez-vous ici, parlez-nous, et nous dites 6+6 a
Aux gouffres de Satan combien a rapporté 6+6 b
Chaque péché mortel qui damne l'autre vie ; 6+6 c
Combien l'Orgueil, combien l'Avarice ou l'Envie, 6+6 c
30 Combien surtout la Pauvreté ? 8 b
C'est Elle qui flétrit une âme encor novice, 6+6 a
L'enlace, et la conduit au crime par le vice. 6+6 a
Courbant les plus hauts fronts avec sa main de fer ; 6+6 b
Qui mêle le poison et qui tire l'épée : 6+6 c
35 Elle, la plus féconde et la mieux occupée 6+6 c
Des pourvoyeuses de l'enfer ! 8 b
Pauvreté ! vaste mot. Puissances de la terre, 6+6 a
Qui portez de vos noms l'orgueil héréditaire, 6+6 a
Savez-vous ce que c'est qu'avoir soif, avoir faim : 6+6 b
40 L'hiver, dans un grabat juché sous la toiture, 6+6 c
Passer le jour sans feu, la nuit sans couverture ; 6+6 c
Ce que c'est que le pauvre, enfin ? 8 b
— C'est un homme qui va, sur les places publiques, 6+6 a
Colporter, tout perclus, une boîte à reliques ; 6+6 a
45 Un aveugle en haillons, qu'on voit par les chemins 6+6 b
Accompagné d'un chien qui porte une sébile, 6+6 c
Agenouillé par terre, et qui chante, immobile, 6+6 c
Un cantique, en joignant les mains : 8 b
C'est un homme qui veille au seuil la nuit entière, 6+6 a
50 Et vient, sortans du bal, vous ouvrir la portière, 6+6 a
Recommandant sa peine aux cœurs compatissans ; 6+6 b
C'est une femme en pleurs qui voile son visage 6+6 c
Et tient à ses côtés deux enfans en bas-âge 6+6 c
Dressés à suivre les passans. 8 b
55 C'est cela : rien de plus. D'ailleurs, c'est une classe, 6+6 a
Les pauvres : il faut bien que chacun ait sa place ; 6+6 a
Dieu seul sait comme tout ici doit s'ordonner : 6+6 b
Il a mis la san près de la maladie, 6+6 c
Le riche près du pauvre : il faut que l'un mendie 6+6 c
60 Pour que l'autre puisse donner. 8 b
Et quand, lassés de voir qu'on vous suit à la trace, 6+6 a
Vous vous êtes saignés, à grand'peine, et par grâce, 6+6 a
Du denier qu'un laquais insolent a jeté : 6+6 b
Grands seigneurs, financiers, belles dames, duchesses. 6+6 c
65 Vous vous tenez contens, et croyez vos richesses 6+6 c
Quittes envers la pauvreté ! 8 b
Mais il en est une autre, une autre cent fois pire, 6+6 a
Qui n'a point de haillons, celle-là, qui n'inspire 6+6 a
Ni pitié, ni dégoût, qui se pare de fleurs : 6+6 b
70 Qui ne se montre point, mendiante et quêteuse, 6+6 c
Mais, sous de beaux habits, cache, toute honteuse. 6+6 c
Ses ulcères et ses douleurs. 8 b
Elle vient au concert, et chante : au bal, et danse : 6+6 a
Jamais, jamais un geste, un mot dont l'imprudence 6+6 a
75 Trahirait des tourmens qui ne sont point compris ; 6+6 b
C'est un combat sans fin, une longue détresse, 6+6 c
Une fièvre qui mine, un cauchemar qui presse 6+6 c
Et tue en étouffant vos cris. 8 b
C'est ce mal qui travaille une âme bien placée, 6+6 a
80 Qui s'indigne du rang où le sort l'a laissée ; 6+6 a
Qui demeure toujours triste au sein des plaisirs, 6+6 b
Parce qu'elle en sait bien le terme, et s'importune 6+6 c
De n'égaler jamais ses vœux à sa fortune, 6+6 c
Ni son espoir à ses désirs. 8 b
85 C'est le fléau du siècle, et cette maladie 6+6 a
Gagne de proche en proche, ainsi qu'un incendie : 6+6 a
Le monde dans son sein porte un hôte inconnu : 6+6 b
C'est un ver dans le cœur, c'est le cheval de Troie, 6+6 c
D'où les Grecs tout armés tomberont sur leur proie 6+6 c
90 Quand le moment sera venu. 8 b
Or, quand cela se voit, c'est une marque sûre 6+6 a
Qu'il s'est fait au-dedans une grande blessure. 6+6 a
Enseignement certain, par où Dieu nous apprend 6+6 b
Qu'une socié vieillie et décrépite 6+6 c
95 S'émeut au plus profond de sa base, et palpite 6+6 c
Du dernier râle d'un mourant. 8 b
je vous en avertis, riches ; prenez-y garde ! 6+6 a
L'édifice est usé : si quelqu'un par mégarde 6+6 a
Passe trop chargé d'or sur ses planchers pourris, 6+6 b
100 — Un grain de blé suffit pour combler la mesure : 6+6 c
Au choc le plus léger cette vieille masure 6+6 c
Vous étouffe sous ses débris. 8 b
Peu de jours sont passés depuis qu'en sa colère 6+6 a
Lyon a vu rugir le monstre populaire : 6+6 a
105 Vous aviez cru le voir arriver en trois bonds, 6+6 b
Le sang dans les regards, le feu dans les narines. 6+6 c
Et vous aviez serré votre or sur vos poitrines. 6+6 c
Pâles comme des moribonds. 8 b
S'il n'a pas, cette fois encor, rompu sa chaîne, 6+6 a
110 Si la porte est de fer et la cage de chêne, 6+6 a
Pourtant n'approchez pas des barreaux trop souvent. 6+6 b
Car sa force s'accroît, et sa rage, en silence ; 6+6 c
Et gare qu'un beau jour il les brise, et s'élance 6+6 c
Libre enfin, et les crins au vent ! 8 b
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