Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
ANG_1/ANG10
corpus Pamela Puntel
Albert ANGOT
NOS RUINES
1871
NOS TRIBUNS
Chacun veut de son nom, ici, faire une idole ; 6+6 a
Le crâne le plus creux rêve d’une auréole ; 6+6 a
Chez nous la gloriole est le pire démon. 6+6 b
Chacun vers ses autels court en pèlerinage, 6+6 c
5 Tel sans grand fracas tel en pompeux équipage ; 6+6 c
Vers son temple ce n’est qu’une procession. 6+6 b
Eh ! qu’importent le rang, la fortune et la race ! 6+6 a
Dans le feu du concours tout se mêle et s’efface ; 6+6 a
On se serre, on se heurte, et l’on presse le pas. 6+6 b
10 Malheur à l’imprudent qui regarde en arrière ! 6+6 c
Il tombe, et de son corps la foule fait litière ; 6+6 c
Qu’il se débatte et crie, on ne l’entendra pas. 6+6 b
La vaine gloriole est la nymphe invisible 6+6 a
Dont les chants attiraient par leur charme invincible 6+6 a
15 Jadis les matelots sur un secret brisant. 6+6 b
C’est pour chacun de nous ce funeste mirage 6+6 c
Qui peint un oasis dans un désert sauvage 6+6 c
Aux yeux du voyageur sous un soleil cuisant. 6+6 b
Que d’hommes égarés en des routes damnées 6+6 a
20 Usent de riches dons et gaspillent d’années 6+6 a
A poursuivre sans fin ce mirage incertain ! 6+6 b
Ils vont… , ils vont toujours… ; et saisis de vertige 6+6 c
Par des débris épars ils marquent leur vestige 6+6 c
Et par des monuments d’argile et non d’airain. 6+6 b
25 Autrefois, on aimait bien moins cette fumée, 6+6 a
Ce fantôme léger qu’on nomme renommée ; 6+6 a
L’âme était plus honnête en son obscurité, 6+6 b
La vie était plus pure et sans inquiétudes. 6+6 c
L’inaltérable paix est loin des multitudes, 6+6 c
30 De leurs sourdes rumeurs, de leur souffle empesté. 6+6 b
Si l’on sentait en soi la flamme du génie, 6+6 a
L’amour du grand, du beau, de l’art, de l’harmonie, 6+6 a
Saisissant le travail comme un bâton noueux, 6+6 b
L’artiste ou le savant guidé par la science, 6+6 c
35 Pensif et recueilli, dans l’ombre et le silence, 6+6 c
Gravissait loin du monde un sentier montueux. 6+6 b
Et puis, un jour brillait au-dessus de la foule, 6+6 a
Comme un phare éclatant sur la vague qui roule, 6+6 a
Un chef-d’œuvre nouveau bien longtemps caressé, 6+6 b
40 Un chef-d’œuvre où l’auteur résumait sa pensée, 6+6 c
Où son âme loyale entière était passée, 6+6 c
De même qu’un parfum en un vase versé. 6+6 b
La foule applaudissait à ces efforts sublimes 6+6 a
D’un esprit s’élevant vers les plus hautes cîmes ; 6+6 a
45 Sur les lèvres son nom volait de tous côtés. 6+6 b
Sa tête, aux yeux de tous, des splendeurs de l’Idée 6+6 c
Et des rayons divins paraissait inondée ; 6+6 c
Le chef-d’œuvre instruisait les peuples enchantés. 6+6 b
Il existe aujourd’hui des moyens plus faciles 6+6 a
50 D’exciter les bravos du peuple de nos villes, 6+6 a
De traîner à sa suite un flot admirateur. 6+6 b
On combat le pouvoir sur la place publique, 6+6 c
Dans la presse et les clubs, sans cesse on le critique, 6+6 c
Et dans le peuple on voit le grand libérateur. 6+6 b
55 Écoutez ce tribun ! Ses paroles mielleuses 6+6 a
N’ont d’admiration que pour les mains calleuses, 6+6 a
Que pour la Majesté qui porte des haillons. 6+6 b
L’hyperbole, chez lui sans cesse vient éclore ; 6+6 c
Il sème l’apostrophe avec la métaphore ; 6+6 c
60 Ce sont pour les bravos comme autant d’aiguillons. 6+6 b
O peuple, que d’encens on te jette à la tête : 6+6 a
Celui-ci te proclame un vigoureux athlète 6+6 a
Qui renverse en un jour les trônes et les rois, 6+6 b
Un superbe colosse à la large carrure, 6+6 c
65 Un lion, même un aigle à l’immense envergure ! 6+6 c
Comment supportes-tu ces flatteurs maladroits ? 6+6 b
Tel autre en tes arrêts voit l’unique justice ; 6+6 a
La véritable loi dans ton simple caprice ; 6+6 a
De toutes les vertus il éclaire ton front. 6+6 b
70 Peuple naïf, crois donc que cet homme est sincère, 6+6 c
Qu’il compatit sans but à ta sombre misère, 6+6 c
Qu’il rêve ton bonheur, ce tribun fanfaron ! 6+6 b
Ce que cet homme veut, c’est chercher à te plaire, 6+6 a
C’est fixer ta faveur à son nom populaire. 6+6 a
75 A l’œuvre politique il veut mettre la main, 6+6 b
Sur la scène du monde enfin jouer un rôle. 6+6 c
Il n’a pour toi d’amour et de soins qu’en parole ; 6+6 c
Il te hait, — et son cœur est égoïste et vain. 6+6 b
Ah ! c’est pitié de voir notre nature humaine 6+6 a
80 Heurter de l’encensoir le peuple, idole vaine, 6+6 a
L’enivrer de lui-même et lui baiser les mains. 6+6 b
Oui, c’est pitié de voir un auteur famélique 6+6 c
passer du vaudeville au discours politique, 6+6 c
Grâce à quelques pamphlets aux éternels refrains. 6+6 b
85 Cet avocat obscur, en une plaidoirie, 6+6 a
A créé, pour son nom, presque une idolâtrie. 6+6 a
Naguère on le voyait dirigeant nos destins, 6+6 b
Pendant que le pays torturé par la guerre, 6+6 c
Malgré lui subissait son pouvoir éphémère, 6+6 c
90 Ses oranges amis, ses proconsuls hautains. 6+6 b
Peuple, vois tes élus ! Ont-ils sauvé la France ? 6+6 a
Auraient-ils, par hasard, allégé ta souffrance ? 6+6 a
Te sens-tu chaque jour un peu moins malheureux ? 6+6 b
Ta colère m’apprend que leur œuvre est stérile ; 6+6 c
95 Ce n’est point sans objet que la guerre civile 6+6 c
Déborde dans Paris en flots tumultueux. 6+6 b
Cette guerre civile, elle fut attisé 6+6 a
Par vous, mauvais enfants de la France brisée, 6+6 a
Par vous tribuns plus vils que le vil courtisan. 6+6 b
100 Flatteurs, soyez maudits en ce moment suprême ! 6+6 c
Au nom de mon pays recevez l’anathême, 6+6 c
Et trouvez dans mes vers un premier châtiment ! 6+6 b
Triste temps que le nôtre, où la pudeur publique 6+6 a
Gît sous le pied boueux d’un cynisme impudique 6+6 a
105 Qui se fait un plaisir de fausser ses serments ; 6+6 b
où, devant l’étranger triomphant de nos crimes, 6+6 c
Les Français font entre eux des milliers de victimes 6+6 c
Qui sont souvent, hélas ! des amis, des parents. 6+6 b
C’est un bourbier fangeux, que le temps où nous sommes. 6+6 a
110 Il n’inspire au penseur que le mépris des hommes ; 6+6 a
Au poëte sans fiel il donne l’aigreur, 11 b
Le désir de cingler les vices de ce monde, 6+6 c
Un souverain dégoût, une pitié profonde 6+6 c
Dont l’écho se répète en un rythme vengeur. 6+6 b
115 O Dante, si le sort t’avait fait naître en France 6+6 a
Dans ce temps si fertile en crimes, en souffrance, 6+6 a
Ton génie effrayant eût, avec vérité, 6+6 b
Tracé de son pinceau quelque toile infernale 6+6 c
De nos mœurs, et surtout de notre capitale, 6+6 c
120 Cet autre enfer, séjour de la perversité ! 6+6 b
mètre profils métriques : 6+6, (11)
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