Métrique en Ligne
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| = césure
AIC_2/AIC51
Jean AICARD
Les Jeunes Croyances
Le Rachat de la Tour
1867
IV
XVII
EXIL
À M. Ernest Morin.
J’ai besoin de silence… oh ! ne me parlez pas ! 6+6 a
J’écoute au fond de moi le murmure d’un rêve, 6+6 b
Et j’entrevois au loin, sous les vapeurs, là-bas, 6+6 a
La Provence éclatante et chaude qui s’élève ! 6+6 b
5 Un souffle amer, pesant, me traverse le cœur… 6+6 a
Est-ce toi, folle brise ou mistral des collines ? 6+6 b
Est-ce vous dont le vol a pris tant de lenteur, 6+6 a
Parce qu’il s’est chargé des essences marines ? 6+6 b
Souffle étrange ! parfum qui trouble ! souvenir ! 6+6 a
10 Toujours et malgré tout tu pénètres mon âme, 6+6 b
Et tu me fais chanter, et tu me fais souffrir, 6+6 a
Souvenir ! nom cruel, doux comme un nom de femme ! 6+6 b
J’ai tout quitté ! ma sœur, mes flots et mon soleil ! 6+6 a
J’ai quitté la nature ardente de Provence, 6+6 b
15 Quitté mon fier pays ignorant du sommeil, 6+6 a
Qui moissonne sans trêve et sans trêve ensemence ! 6+6 b
Tu ne me tendras plus, ma sœur, tes douces mains ; 6+6 a
Je suis seul maintenant ! je vais tête baissée, 6+6 b
Et je saigne de voir le peuple des humains 6+6 a
20 Oublier les hauteurs calmes de la Pene. 6+6 b
C’est fini. Je suis là, morne. J’ai tout quitté ! 6+6 a
J’ai fui ! Je suis parti sans regarder derrière !… 6+6 b
Elle n’est plus à moi, la bleue immensi 6+6 a
Tressaillant de bonheur, d’amour et de lumière ! 6+6 b
25 Je ne vais plus, le front tout pensif, dans les bois, 6+6 a
Respirer le printemps amoureux et sauvage ! 6+6 b
Je ne suis plus l’amant si joyeux autrefois 6+6 a
Des vagues aux yeux bleus qui chantent sur la plage ! 6+6 b
Ah ! que je vous aimais, magnifiques sommets ! 6+6 a
30 Pins et chênes mouvants, collines virginales, 6+6 b
Cimes de la Provence, ah ! que je vous aimais ! 6+6 a
Vous qui montez au ciel mieux que les cathédrales ! 6+6 b
Pics de Coudon, Faron, grands rêveurs soucieux, 6+6 a
Comme vous tentez bien l’escalade suprême ! 6+6 b
35 Comme vous heurtez bien votre colère aux cieux ! 6+6 a
Révoltés au cœur chaste et ferme, vous que j’aime ! 6+6 b
Ô Provence, aujourd’hui je parle et chante ainsi ! 6+6 a
Et, lorsque je t’avais, c’étaient d’autres contrées 6+6 b
Que mon âme en pleurant se rappelait aussi, 6+6 a
40 Et qu’aussi je nommais sublimes et sacrées ! 6+6 b
Oui, par-delà les monts et par-dessus l’azur, 6+6 a
Plus loin que le nuage et plus haut que les astres, 6+6 b
Je sais confusément un pays jeune et pur, 6+6 a
Un pays affranchi du mal et des désastres ! 6+6 b
45 Là, l’Amour fraternel est de tous bien connu ! 6+6 a
Là, tout arbre a des fruits et chaque enfant sa mère ; 6+6 b
On ne voit pas un homme errant, débile et nu, 6+6 a
Manger le froment dur de la pâle misère ! 6+6 b
C’est le pays où luit la bonne Volonté !… 6+6 a
50 Ah ! mon cœur de vingt ans, comme vous battez vite 6+6 b
Au nom de la patrie et de la vérité !… 6+6 a
Tel, au bord de son nid, l’aiglon tremble et palpite ! 6+6 b
Eh bien ! un peu de temps, un peu de temps encor, 6+6 a
Ô splendide pays des âmes immortelles, 6+6 b
55 Et je pourrai vers toi prendre enfin mon essor, 6+6 a
Quand la mâle Vertu m’aura donné des ailes ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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