Métrique en Ligne
AIC_2/AIC48
Jean AICARD
Les Jeunes Croyances
Le Rachat de la Tour
1867
IV
XIV
SOLIDARITÉ
À M. A. A.
J’ai ceint mes reins, j’ai pris le bâton voyageur, 6+6 a
Car mon âme souvent n’est qu’une plaie ouverte ! 6+6 b
Et je vais, demandant sans trêve un air meilleur, 6+6 a
En tous lieux où l’on trouve une route déserte. 6+6 b
5 Or, hier, j’ai gravi l’escarpement d’un mont : 6+6 a
J’escaladais les pics par des sentiers de chèvre ; 6+6 b
Une étrange frayeur faisait pâlir mon front, 6+6 a
Quand la nue, en passant, frémissait sur ma lèvre. 6+6 b
Là, dans les rochers gris, immuable comme eux, 6+6 a
10 S’élève le sapin rêveur auprès du chêne ; 6+6 b
Les souffles ennemis passent dans ses cheveux, 6+6 a
Même sans émouvoir sa force souveraine. 6+6 b
Sur ces pures hauteurs règne l’éternité ; 6+6 a
L’horreur religieuse habite cette cime, 6+6 b
15 Et, qu’on ait devant soi la nuit ou la clarté, 6+6 a
C’est toujours l’infini béant, toujours l’abîme ! 6+6 b
J’ai promené mes yeux sur les grands horizons ; 6+6 a
C’étaient des monts houleux, c’était la mer immense, 6+6 b
Et j’aperçus à peine un groupe de maisons 6+6 a
20 Mon âme alors se prit à pleurer en silence ! 6+6 b
Mon âme alors se prit à pleurer les vivants 6+6 a
Qui sont si peu de chose au sommet des montagnes ! 6+6 b
Que trouble le vertige, et qui tremblent aux vents 6+6 a
Plus que l’épi de blé par les blondes campagnes ! 6+6 b
25 Mais, dans un creux de roche, une bête à bon Dieu, 6+6 a
Confiante, courait sous l’herbe fraîche et douce, 6+6 b
Et je compris que même en ce farouche lieu 6+6 a
Vivent, sans nul effroi, l’insecte et l’humble mousse ! 6+6 b
Et tout à coup j’ai vu, comme je vois le jour, 6+6 a
30 Des yeux de mon esprit, la Clémence éternelle, 6+6 b
Et j’ai pu pénétrer l’universel Amour, 6+6 a
Ainsi que l’aigle monte aux cieux, d’un seul coup d’aile ! 6+6 b
Comme par un miracle auguste, j’ai senti, 6+6 a
Distinctement, ma vie éparse en la nature ; 6+6 b
35 C’est un songe puissant qui ne m’a pas menti : 6+6 a
Je suis ombre ! je suis soleil ! je suis murmure ! 6+6 b
Je me sens palpiter sous l’haleine du vent ! 6+6 a
Je suis le chêne vert ! je suis la jeune sève ! 6+6 b
Je suis l’Homme ! je suis le suprême Vivant ! 6+6 a
40 Dans tous les vols mon âme au vol ardent s’élève ! 6+6 b
Ô feu du ciel tombé dans le sein des cailloux, 6+6 a
Pistils des fleurs, parfums sacrés de la bruyère, 6+6 b
Je me sens frissonner d’extase comme vous 6+6 a
Aux baisers virginaux de la blanche lumière ! 6+6 b
45 J’aime, je vis ! La Mort est morte ; elle n’est rien ! 6+6 a
Allez, vous dont la foi débile s’est éteinte, 6+6 b
Vous tous qui poursuivez le bonheur et le bien, 6+6 a
Respirer sur les monts la Fraternité sainte ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
logo du CRISCO logo de l'université