Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ACK_2/ACK35
Louise-Victorine ACKERMANN
POÉSIES PHILOSOPHIQUES
1871
XIII
Satan
FRAGMENT
Nous voilà donc encore une fois en présence, 6+6 a
Lui le tyran divin, moi le vieux révolté. 6+6 b
Or je suis la Justice, il n'est que la Puissance ; 6+6 a
A qui va, de nous deux, rester l'Humanité ? 6+6 b
5 Ah ! tu comptais sans moi, Divinité funeste, 6+6 a
Lorsque tu façonnais le premier couple humain, 6+6 b
Et que dans ton Éden, sous ton regard céleste, 6+6 a
Tu l'enfermas jadis au sortir de ta main. 6+6 b
Je n'eus qu'à le voir là, languissant et stupide, 6+6 a
10 Comme un simple animal errer et végéter, 6+6 b
Pour concevoir soudain dans mon âme intrépide 6+6 a
L'audacieux dessein de te le disputer. 6+6 b
Quoi ! je l'aurais laissée, au sein de la nature, 6+6 a
Sans espoir à jamais s'engourdir en ce lieu ? 6+6 b
15 Je l'aimais trop déjà, la faible créature, 6+6 a
Et je ne pouvais pas l'abandonner à Dieu. 6+6 b
Contre ta volonté, c'est moi qui l'ai fait naître, 6+6 a
Le désir de savoir en cet être ébauché ; 6+6 b
Puisque pour s'achever, pour penser, pour connaître, 6+6 a
20 Il fallait qu'il péchât, eh bien ! il a péché. 6+6 b
Il le prit de ma main, ce fruit de délivrance, 6+6 a
Qu'il n'eût osé tout seul ni cueillir ni goûter : 6+6 b
Sortir du fond obscur d'une étroite ignorance, 6+6 a
Ce n'était point déchoir, non, non ! c'était monter. 6+6 b
25 Le premier pas est fait, l'ascension commence ; 6+6 a
Ton Paradis, tu peux le fermer à ton gré ; 6+6 b
Quand tu l'eusses rouvert en un jour de clémence, 6+6 a
Le noble fugitif n'y fût jamais rentré. 6+6 b
Ah ! plutôt le désert, plutôt la roche humide, 6+6 a
30 Que ce jardin de fleurs et d'azur couronné ! 6+6 b
C'en est fait pour toujours du pauvre Adam timide ; 6+6 a
Voici qu'un nouvel être a surgi : l'Homme est né ! 6+6 b
L'Homme, mon œuvre, à moi, car j'y mis tout moi-même : 6+6 a
Il ne saurait tromper mes vœux ni mon dessein. 6+6 b
35 Défiant ton courroux, par un effort suprême 6+6 a
J'éveillai la raison qui dormait en son sein. 6+6 b
Cet éclair faible encor, cette lueur première 6+6 a
Que deviendra le jour, c'est de moi qu'il ta tient. 6+6 b
Nous avons tous les deux créé notre lumière, 6+6 a
40 Oui, mais mon Fiat lux l'emporte sur le tien ! 6+6 b
Il a du premier coup levé bien d'autres voiles 6+6 a
Que ceux du vieux chaos où se jouait ta main. 6+6 b
Toi, tu n'as que ton ciel pour semer tes étoiles ; 6+6 a
Pour lancer mon soleil, moi, j'ai l'esprit humain ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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