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ACK_2/ACK31
Louise-Victorine ACKERMANN
POÉSIES PHILOSOPHIQUES
1871
IX
La Nature à l’Homme
Dans tout l'enivrement d'un orgueil sans mesure, 6+6 a
Ébloui des lueurs de ton esprit borné, 6+6 b
Homme, tu m'as crié : « Repose-toi, Nature ! 6+6 a
Ton œuvre est close : je suis né ! » ! 8 b
5 Quoi ! lorsqu'elle a l'espace et le temps devant elle, 6+6 a
Quand la matière est là sous son doigt créateur, 6+6 b
Elle s'arrêterait, l'ouvrière immortelle, 6+6 a
Dans l'ivresse de son labeur ? 8 b
Et c'est toi qui serais mes limites dernières ? 6+6 a
10 L'atome humain pourrait entraver mon essor ? 6+6 b
C'est à cet abré de toutes les misères 6+6 a
Qu'aurait tendu mon long effort ? 8 b
Non, tu n'es pas mon but, non, tu n'es pas ma borne 6+6 a
A te franchir dé je songe en te créant ; 6+6 b
15 Je ne viens pas du fond de l'éternité morne. 6+6 a
Pour n'aboutir qu'à ton néant. 8 b
Ne me vois-tu donc pas, sans fatigue et sans trêve, 6+6 a
Remplir l'immensi des œuvres de mes mains ? 6+6 b
Vers un terme inconnu, mon espoir et mon rêve, 6+6 a
20 M'élancer par mille chemins, 8 b
Appelant, tour à tour patiente ou pressée, 6+6 a
Et jusqu'en mes écarts poursuivant mon dessein, 6+6 b
A la forme, à la vie et même à la pensée 6+6 a
La matière éparse en mon sein ? 8 b
25 J'aspire ! C'est mon cri, fatal, irrésistible. 6+6 a
Pour créer l'univers je n'eus qu'à le jeter ; 6+6 b
L'atome s'en émut dans sa sphère invisible, 6+6 a
L'astre se mit à graviter. 8 b
L'éternel mouvement n'est que l'élan des choses 6+6 a
30 Vers l'idéal sacré qu'entrevoit mon désir ; 6+6 b
Dans le cours ascendant de mes métamorphoses 6+6 a
Je le poursuis sans le saisir ; 8 b
Je le demande aux cieux, à l'onde, à l'air fluide, 6+6 a
Aux éléments confus, aux soleils éclatants ; 6+6 b
35 S'il m'échappe ou résiste à mon étreinte avide, 6+6 a
Je le prendrai des mains du Temps. 8 b
Quand j'entasse à la fois naissances, funérailles, 6+6 a
Quand je crée ou détruis avec acharnement, 6+6 b
Que fais-je donc, sinon préparer mes entrailles 6+6 a
40 Pour ce suprême enfantement ? 8 b
Point d'arrêt à mes pas, point de trêve à ma tâche ! 6+6 a
Toujours recommencer et toujours repartir. 6+6 b
Mais je n'engendre pas sans fin et sans relâche 6+6 a
Pour le plaisir d'anéantir. 8 b
45 J'ai déjà trop longtemps fait œuvre de marâtre, 6+6 a
J'ai trop enseveli, j'ai trop exterminé, 6+6 b
Moi qui ne suis au fond que la mère idolâtre 6+6 a
D'un seul enfant qui n'est pas né. 8 b
Quand donc pourrai-je enfin, émue et palpitante, 6+6 a
50 Après tant de travaux et tant d'essais ingrats, 6+6 b
A ce fils de mes vœux et de ma longue attente 6+6 a
Ouvrir éperdument les bras ? 8 b
De toute éternité, certitude sublime ! 6+6 a
Il est conçu ; mes flancs l'ont senti s'agiter. 6+6 b
55 L'amour qui couve en moi, l'amour que je comprime 6+6 a
N'attend que Lui pour éclater. 8 b
Qu'il apparaisse au jour, et, nourrice en délire, 6+6 a
Je laisse dans mon sein ses regards pénétrer. 6+6 b
— Mais un voile te cache. — Eh bien ! je le déchire : 6+6 a
60 Me découvrir c'est me livrer. 8 b
Surprise dans ses jeux, la Force est asservie. 6+6 a
Il met les Lois au joug. A sa voix, à son gré, 6+6 b
Découvertes enfin, les sources de la Vie 6+6 a
Vont épancher leur flot sacré. 8 b
65 Dans son élan superbe Il t'échappe, ô Matière ! 6+6 a
Fatalité, sa main rompt tes anneaux d'airain ! 6+6 b
Et je verrai planer dans sa propre lumière 6+6 a
Un être libre et souverain. 8 b
Où serez-vous alors, vous qui venez de naître, 6+6 a
70 Ou qui ntrez encore, ô multitude, essaim, 6+6 b
Qui, saisis tout à coup du vertige de l'être, 6+6 a
Sortiez en foule de mon sein ? 8 b
Dans la mort, dans l'oubli. Sous leurs vagues obscures 6+6 a
Les âges vous auront confondus et roulés, 6+6 b
75 Ayant fait un berceau pour les races futures 6+6 a
De vos limons accumulés. 8 b
Toi-même qui te crois la couronne et le faîte 6+6 a
Du monument divin qui n'est point achevé, 6+6 b
Homme, qui n'es au fond que l'ébauche imparfaite 6+6 a
80 Du chef-d'œuvre que j'ai rêvé, 8 b
A ton tour, à ton heure, if faut que tu périsses. 6+6 a
Ah ! ton orgueil a beau s'indigner et souffrir, 6+6 b
Tu ne seras jamais dans mes mains créatrices 6+6 a
Que de l'argile à repétrir. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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