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C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
ACK_2/ACK30
Louise-Victorine ACKERMANN
POÉSIES PHILOSOPHIQUES
1871
VIII
Paroles d'un Amant
Au courant de l'amour lorsque je m'abandonne, 6+6 a
Dans le torrent divin quand je plonge enivré, 6+6 b
Et presse éperdument sur mon sein qui frissonne 6+6 a
Un être idolâtré. 6 b
5 Je sais que je n'étreins qu'une forme fragile, 6+6 a
Qu'elle peut à l'instant se glacer sous ma main, 6+6 b
Que ce cœur tout à moi, fait de flamme et d'argile, 6+6 a
Sera cendre demain ; 6 b
Qu'il n'en sortira rien, rien, pas une étincelle 6+6 a
10 Qui s'élance et remonte à son foyer lointain : 6+6 b
Un peu de terre en hâte, une pierre qu'on scelle, 6+6 a
Et tout est bien éteint. 6 b
Et l'on viendrait serein, à cette heure dernière, 6+6 a
Quand des restes humains le souffle a déserté, 6+6 b
15 Devant ces froids débris, devant cette poussière 6+6 a
Parler d'éternité ! 6 b
L'éternité ! Quelle est cette étrange menace ? 6+6 a
A l'amant qui gémit, sous son deuil écrasé, 6+6 b
Pourquoi jeter ce mot qui terrifie et glace 6+6 a
20 Un cœur déjà brisé ? 6 b
Quoi ! le ciel, en dépit de la fosse profonde, 6+6 a
S'ouvrirait à l'objet de mon amour jaloux ? 6+6 b
C'est assez d'un tombeau, je ne veux pas d'un monde 6+6 a
Se dressant entre nous. 6 b
25 On me répond en vain pour calmer mes alarmes ! 6+6 a
« L'être dont sans pitié la mort te sépara, 6+6 b
Ce ciel que tu maudis, dans le trouble et les larmes, 6+6 a
Le ciel te le rendra. » ! 6 b
Me le rendre, grand Dieu ! mais ceint d'une auréole, 6+6 a
30 Rempli d'autres pensers, brûlant d'une autre ardeur, 6+6 b
N'ayant plus rien en soi de cette chère idole 6+6 a
Qui vivait sur mon cœur ! 6 b
Ah ! j'aime mieux cent fois que tout meure avec elle, 6+6 a
Ne pas la retrouver, ne jamais la revoir ; 6+6 b
35 La douleur qui me navre est certes moins cruelle 6+6 a
Que votre affreux espoir. 6 b
Tant que je sens encor, sous ma moindre caresse, 6+6 a
Un sein vivant frémir et battre à coups pressés, 6+6 b
Qu'au-dessus du néant un même flot d'ivresse 6+6 a
40 Nous soulève enlacés, 6 b
Sans regret inutile et sans plaintes amères, 6+6 a
Par la réali je me laisse ravir. 6+6 b
Non, mon cœur ne s'est pas jeté sur des chimères : 6+6 a
Il sait où s'assouvir. 6 b
45 Qu'ai-je affaire vraiment de votre là-haut morne, 6+6 a
Moi qui ne suis qu'élan, que tendresse et transports ? 6+6 b
Mon ciel est ici-bas, grand ouvert et sans borne ; 6+6 a
Je m'y lance, âme et corps. 6 b
Durer n'est rien. Nature, ô créatrice, ô mère ! 6+6 a
50 Quand sous ton œil divin un couple s'est uni, 6+6 b
Qu'importe à leur amour qu'il se sache éphémère 6+6 a
S'il se sent infini ? 6 b
C'est une volupté, mais terrible et sublime, 6+6 a
De jeter dans le vide un regard éperdu, 6+6 b
55 Et l'on s'étreint plus fort lorsque sur un abîme 6+6 a
On se voit suspendu. 6 b
Quand la Mort serait là, quand l'attache invisible 6+6 a
Soudain se délierait qui nous retient encor, 6+6 b
Et quand je sentirais dans une angoisse horrible 6+6 a
60 M'échapper mon trésor, 6 b
Je ne faiblirais pas. Fort de ma douleur même, 6+6 a
Tout entier à l'adieu qui va nous séparer, 6+6 b
J'aurais assez d'amour en cet instant suprême 6+6 a
Pour ne rien espérer. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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