Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ACK_2/ACK28
Louise-Victorine ACKERMANN
POÉSIES PHILOSOPHIQUES
1871
VI
Le Nuage
À Alfred Holmes
I change, but I cannot die.
Shelley, the Cloud.
Levez les yeux ! C'est moi | qui passe sur vos têtes, 6+6 a
Diaphane et léger, | libre dans le ciel pur ; 6+6 b
L'aile ouverte, attendant | le souffle des tempêtes, 6+6 a
Je plonge et nage en plein azur. 8 b
5 Comme un mirage errant, | je flotte et je voyage. 6+6 a
Coloré par l'aurore | et le soir tour à tour, 6+6 b
Miroir aérien, | je reflète au passage 6+6 a
Les sourires changeants du jour. 8 b
Le soleil me rencontre | au bout de sa carrière 6+6 a
10 Couché sur l'horizon | dont j'enflamme le bord ; 6+6 b
Dans mes flancs transparents | le roi de la lumière 6+6 a
Lance en fuyant ses flèches d'or. 8 b
Quand la lune, écartant | son cortège d'étoiles, 6+6 a
Jette un regard pensif | sur le monde endormi, 6+6 b
15 Devant son front glacé | je fais courir mes voiles, 6+6 a
Ou je les soulève à demi. 8 b
On croirait voir au loin | une flotte qui sombre, 6+6 a
Quand, d'un bond furieux | fendant l'air ébranlé, 6+6 b
L'ouragan sur ma proue | inaccessible et sombre 6+6 a
20 S'assied comme un pilote ailé. 8 b
Dans les champs de l'éther | je livre des batailles ; 6+6 a
La ruine et la mort | ne sont pour moi qu'un jeu. 6+6 b
Je me charge de grêle, | et porte en mes entrailles 6+6 a
La foudre et ses hydres de feu. 8 b
25 Sur le sol altéré | je m'épanche en ondées. 6+6 a
La terre rit ; je tiens | sa vie entre mes mains. 6+6 b
C'est moi qui gonfle, au sein | des terres fécondées, 6+6 a
L'épi qui nourrit les humains. 8 b
Où j'ai passé, soudain | tout verdit, tout pullule ; 6+6 a
30 Le sillon que j'enivre | enfante avec ardeur. 6+6 b
Je suis onde et je cours, | je suis sève et circule, 6+6 a
Caché dans la source ou la fleur. 8 b
Un fleuve me recueille, | il m'emporte, et je coule 6+6 a
Comme une veine au cœur | des continents profonds. 6+6 b
35 Sur les longs pays plats | ma nappe se déroule, 6+6 a
Ou s'engouffre à travers les monts. 8 b
Rien ne m'arrête plus ; | dans mon élan rapide 6+6 a
J'obéis au courant, | par le désir poussé, 6+6 b
Et je vole à mon but | comme un grand trait liquide 6+6 a
40 Qu'un bras invisible a lancé. 8 b
Océan, ô mon père ! | Ouvre ton sein, j'arrive ! 6+6 a
Tes flots tumultueux | m'ont déjà répondu ; 6+6 b
Ils accourent ; mon onde | a reculé, craintive, 6+6 a
Devant leur accueil éperdu. 8 b
45 En ton lit mugissant | ton amour nous rassemble. 6+6 a
Autour des noirs écueils | ou sur le sable fin 6+6 b
Nous allons, confondus, | recommencer ensemble 6+6 a
Nos fureurs et nos jeux sans fin. 8 b
Mais le soleil, baissant | vers toi son œil splendide, 6+6 a
50 M'a découvert bientôt | dans tes gouffres amers. 6+6 b
Son rayon tout puissant | baise mon front limpide : 6+6 a
J'ai repris le chemin des airs ! 8 b
Ainsi, jamais d'arrêt. | L'immortelle matière 6+6 a
Un seul instant encor | n'a pu se reposer. 6+6 b
55 La Nature ne fait, | patiente ouvrière, 6+6 a
Que dissoudre et recomposer. 8 b
Tout se métamorphose | entre ses mains actives ; 6+6 a
Partout le mouvement | incessant et divers, 6+6 b
Dans le cercle éternel | des formes fugitives, 6+6 a
60 Agitant l'immense univers. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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